jeudi 20 février 2014

L'Europe et les allergènes: on se calme, c'est nettement moins grave que prévu!


La lettre ouverte de Luc Gabriel au sujet de l’amendement à la Directive européenne sur les cosmétiques était à ce point alarmante, voire alarmiste, qu’elle m’a poussée à mener mon enquête. Les informations que j’ai recueillies auprès de mes sources sont assez rassurantes.
  
Principale info à retenir: les ingrédients naturels ne sont pas, je répète, PAS condamnés. Aucune reformulation n’est imminente à ce titre.

Y aura-t-il des restrictions sur les ingrédients naturels ?
Non, pas à ce stade. Pour l’instant, la Commission Européenne est en phase de consultation de trois mois. Les informations recueillies seront ensuite décortiquées et discutées. Les députés doivent voter l’amendement l’automne prochain. Il sera mis en application en janvier 2015. Les réglementations projetées ne seront de toute façon pas plus strictes que les standards actuels de l’IFRA.  Ce qui change, c’est le nombre d’allergènes dont l'étiquetage devient obligatoire, désormais porté à 89 substances au lieu des 26 déjà listées dans la Directive de 2003. Les marques auront deux ans pour se mettre en conformité. On ne sait pas encore si cette liste sera portée sur l’étui ou consultable en ligne.

Y a-t-il des interdictions ?
Oui, trois : le HICC (Lyral) et deux molécules présentes dans les mousses de chêne et d’arbre, l’atranol et le chloroatranol. Mais les mousses de chêne et d’arbre ne seront pas interdites, sous condition que les molécules incriminées ne soient présentes qu’à l’état de traces. Ajout: L'immense quantité de produits contenant du HICC devront en effet être reformulés, mais encore une fois, les sociétés ont deux ans pour se mettre en conformité.

Les grands labos cherchent-ils vraiment à remplacer les produits naturels par leurs molécules captives?
Cette « théorie de la conspiration » ne tient pas la route. Si c’était le cas, comme le laissent entendre plusieurs personnes, les IFF, Firmenich, Givaudan et autres se tireraient des balles dans les deux rotules. Les grands labos ont investi des fortunes dans leurs filières « ingrédients naturels », ils travaillent tous à s’assurer des sources durables et à développer de nouvelles méthodes ou qualités d’extraction. Il est donc inimaginable que leurs directeurs soient en train de caresser leurs chats persans en ricanant, façon méchant de James Bond, à la perspective de règlementations plus strictes en la matière.
Les grands labos auraient également beaucoup à perdre s’il leur fallait reformuler la majorité de leurs produits. Ces reformulations étant à leur charge, elles mobilisent des parfumeurs qui, du coup, ne peuvent travailler sur de nouveaux projets, manque à gagner assez cuisant.

Et alors, d’où ça vient, cette panique sur les naturels ?
De l’avis émis par le CSSC (Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs) en juin 2012, coup de force destiné à faire réagir l’IFRA qui, dix ans après la mise en application de la Directive européenne sur les cosmétiques, n’avait pas réellement fourni de réponses satisfaisantes sur les allergènes audit CSSC. D’où ce rapport aux recommandations extrémistes qui, selon un pharmacologue spécialisé dans les affaires règlementaires auquel je l'ai soumis, relève d’une approche -- je cite -- « médiévale », qui ne tient pas la route au niveau scientifique car elle repose sur des études peu étayées.

L’étape suivante, c’est quoi ?
L'IDEA (International Dialogue for the Evaluation of Allergens), équipe de scientifiques issus de différentes disciplines (dermatologues, toxicologues, immunologues, spécialistes de la modélisation des données, etc.), a été créé à l’initiative de l’IFRA. Sa mission est de déterminer des méthodologies d’évaluation des risques posés par les ingrédients de parfumerie (non seulement les allergies mais l'impact endocrinien, reproductif, etc), fondées sur l’exposition globale réelle des consommateurs. Cette approche sera validée non seulement en Europe, mais dans le monde entier.

Les concentrations autorisées pour ces ingrédients allergènes seront-elles à « taille unique » ?
Non. La proposition du CSSC sur ce point a été totalement abandonnée. Chaque ingrédient sera analysé selon les méthodologies mises au point par IDEA. Certains pourraient même voir leur concentration augmenter par rapport aux standards actuels de l’IFRA. À ce stade, c’est la méthodologie qui est en discussion : il est impossible d’évaluer combien de temps il faudra pour que chaque ingrédient soit passé au crible.

Comment ces concentrations seront-elles déterminées ?
Alors que le CSSC recommandait de les limiter en fonction du seuil à partir duquel elles déclenchaient une réaction chez des personnes déjà allergiques, on est désormais convenu de se fonder sur la concentration qui suscite une allergie chez des personnes qui n’en ont pas manifesté jusque-là. Ce point est d’une importance capitale, car dans le premier cas, il n’aurait plus été possible de faire du parfum. Alors que dans le second, les seuils autorisés peuvent être plus élevés.


À qui écrire à la Commission européenne ?
Vous pouvez le faire via ce lien, en écrivant à cette adresse mail : sanco-cosmetics-and-medical-devices@ec.europa.eu.


33 commentaires:

  1. Bonjour Denyse,

    Cela commence à devenir plus logique, vous disiez bien l'autre jour, il n'était pas nécessaire de paniquer. Merci de toutes ces informations.
    Très cordialement,
    Sara

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    1. Sara, en effet, ce sont des nouvelles assez rassurantes pour l'instant!

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  2. Dear Denyse,
    you say Lyral will be forbidden. Do you know the amount of fine fragrances and bath products that actually contain lyral i.e.? These are going to be reformulated/discontinuated for sure. Plus, you say there's nothing more under the sun than the current IFRA regulations. You sure know IFRA regulations are just "kind advices" one can skip while one cannot skip EU laws... This also means all the "off IFRA" products that now just print on the bottle the allergens, will have to reformulate/discontinuate their producs. Just wondering about the consequences...

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    1. Ermano, as far as I know the overwhelming majority of fine fragrances are already IFRA-compliant, since they are manufactured by IFRA member companies that agree to observe its standards. If you have different information on significant numbers of "off IFRA" fragrances I'd be of course very interested in seeing it.
      As for Lyral, you're right, I'll edit the post.

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    2. D, you're right. Lyral is already quite restricted, but even so, yes, the reformulations will take place. On the other hand, it probably won't affect the fine fragrance market as much as the functional one. But given that Lyral has been found in some studies quoted in the EU report to pose a risk to the reproductive health, I doubt that anyone will want to fight that battle, if only on ethical grounds. Even if the studies were based on wrong premises and even if they reached wrong conclusions, after the fiasco the industry has faced with the macrocyclic musks, most brands would prefer to steer clear of other questionable synthetics.

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    3. Victoria, thank you for clearing up this point. Since the panic about the SCCS opinion was mostly about severe restrictions on natural ingredients, that's what I focused on. It's also highly likely that reformulations concerning Lyral have been taking place in anticipation of its upcoming ban, isn't it?

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    4. Very possible. The brands are often much stricter about the materials used than the IFRA itself, one case in point being the macrocyclic musks. Despite the fact that many were in the end found safe, many brands still don't use them in their perfumes just to be on a safe side.

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    5. Exactly. Big companies (L'Oréal, LVMH) are often more Catholic than the pope as we say in France!

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  3. Merci Denyse !

    On y voit un peu plus clair... j'avoue que je ne connaissais pas tous ces intervenants...
    Et il est vrai qu'on pourrait vite devenir paranoïaque quand on reçoit des informations parcellaires voire erronées...
    Il y a une page qui s'est ouverte sur Facebook ; sais-tu qui en est à l'origine ?
    https://www.facebook.com/defenseparfumerietraditionnelle

    Quant au Lyral dont parle Ermano, les muguets actuels en contiennent-ils encore ?

    Thierry

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    1. Thierry, je ne suis pas sur FB, mais quelques personnes m'ont écrit pour me parler d'initiatives dans ce genre...
      Quant au Lyral, comme l'a précisé Victoria ci-dessus, c'est un ingrédient largement utilisé dans le fonctionnel. Il y a beaucoup de molécules "muguet" qui interviennent dans un grand nombre de formules: l'hydroxy-citronnellol fait déjà depuis longtemps l'objet de restrictions importantes, par exemple, et il me semble qu'un certain nombre d'entre elles sont dans le viseur. Si, comme le dit Victoria, le Lyral affecte la reproduction comme on le soupçonne, personne ne se battra pour le défendre.

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  4. Je vais la jouer perso mais comme je m'inquiète... On parle de mousse de chêne : est-ce que ça veut dire que Mitsouko, que j'avais presque retrouvé tel que le portais mon arrière grand-mère, grâce aux doigts et au nez de fée de Thierry Wasser, va être à nouveau défiguré ou pire, purement et simplement supprimé ?

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    1. Thierry Wasser m'a expliqué qu'il avait créé une base mousse de chêne dotée des mêmes qualités olfactives et de la même courbe d'évaporation qu'une vraie. Je ne peux évidemment pas m'avancer sur son contenu en atranol et chloroatranol, mais encore une fois, ce n'est pas la mousse de chêne qui devrait être interdite, seulement les extraits non purifiés de ces deux molécules.

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  5. L'Oreal and LVMH are more catholic than the pope maybe, but their offer is quite different from the small brands, also in terms of formulas. Basing food quality standards on fast food can be quite biased I think, no? And anyway as a matter of fact a brand willing to produce "off IFRA" formulas nowadays is not outlaw. Tomorrow it will be.
    Btw, did you smell this mousse base Thierry Wasser created? I still have to smell a single reformulated chypre with the same olfactory profile of the old formula. Perhaps mayonese without eggs doesn't taste the same. Of course debating about this is good, specially because it's time to set "non unilateral" standards.

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    1. Well, most niche brands have their oil manufactured by IFRA-compliant companies, so I suppose you're talking about small artisan brands?

      And no, I haven't smelled the base separately, but I've smelled the current batch of Mitsouko extrait and all the bloggers/aficionados I've spoken with here in Paris agree, it hasn't been this good in years.

      Of course over the years different batches have smelled differently, so none of us can say that the current one is *exactly* identical to the original, especially since older batches have aged....

      Also, I don't believe this oak moss base is totally devoid of oak moss, just that it has a quantity of it that is compliant with current standards. Since from what I've understood, atranol comes from impurities (bits of wood torn off with the moss), it is likely real oak moss extract can be produced without it.

      That said, since the material is rather out of fashion, I'm not sure there will be huge efforts to make it.

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    2. I understand, thanks for clarifying. So we can close our eyes and sleep well now. Let's see whan happens in the next years remembering Bloody Mary's motto: "Veritas temporis filia".

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    3. Hm. Do I detect a touch of irony? ;-)
      At least it's a reprieve for naturals... it would have been truly disastrous to see SCCS recommendations implemented.

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  6. Bonjour Denyse, et merci pour cette enquête.

    Pour ceux que çà intéresse, la synthèse sur cette consultation publique peut se trouver ici : http://ec.europa.eu/dgs/health_consumer/dgs_consultations/ca/docs/pc_fragrance-allergens_20140213-0514_sum_fr.pdf
    Ce document date du 13 février 2014. Comme on peut le constater, aucune décision n'a encore été prise, puisqu'il ne s'agit que d'avis des services de la Commission, laquelle ouvre donc une consultation publique jusqu'au mois de mai 2014.

    Cette synthèse ne vise jamais l'IFRA (qui n'est pas une institution ) mais bien l'avis de 2012 du CSSC, même si effectivement l'avis des services ne reprend pas à son compte l'intégralité de l'avis du CSSC. Mais compte tenu de la date limite (mai 2014) imposée à la consultation publique, et même s'il ne faut pas paniquer, je trouve que Luc Gabriel a parfaitement raison de considérer qu'il y a urgence à réagir. En effet, les propositions des services de la Commission ne sont pas figées à ce jour.

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    1. Merci pour ce lien, Narriman. Réagir, certes, mais comment? Ce n'est pas en attaquant bille en tête qu'on obtiendra des résultats! Je suis en train de réfléchir, je pense qu'il faudrait s'orienter en effet sur une obligation d'étiquetage et d'information de la part des marques, permettant aux consommateurs de prendre une décision.

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  7. Il faut que les personnes et sociétés (surtout) attachées à la protection de notre patrimoine olfactif participent activement à la consultation.

    Lors de la consultation publique précédente ouverte à l'occasion de la révision de la Directive Cosmétique, voici (en lien) la liste de ceux qui ont répondu) à la consultation. Vous constaterez qu'on y trouve de tout, dont les industries chimiques et les associations de consommateurs "anti-allergies". (http://ec.europa.eu/consumers/sectors/cosmetics/documents/revision/index_fr.htm#h2-r%C3%A9ponses-%C3%A0-la-consultation-publique).

    Suite à ces observations, il y a eu une évaluation d'impact et ensuite des propositions, et enfin la procédure de décision.

    Aujourd'hui, il ne s'agit pas de refondre complètement la Directive mais de la modifier (dans un sens plus restrictifs), ce sera donc peut-être moins long et plus simple, mais toujours est-il que ceux qui ont communiqué des observations lors de la consultation publique de 2007 ne manqueront pas de le faire dans le cadre de la présente consultation.

    C'est donc bien maintenant et pas à la Saint GlinGlin que la Parfumerie Française (nos grandes marques) doit se défendre et participer activement à la consultation publique, puisque ses observations seront prises en compte dans l'élaboration des propositions à venir.

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    1. Encore une fois, merci pour le lien. Les parties-prenantes (marques, sociétés de matières premières...) sont certainement en train de préparer leurs interventions, mais pas forcément disposées à les communiquer au public avant qu'elles ne soient au point...
      Il me semble que l'aspect positif des développements que je rapporte est la reprise du dialogue entre l'industrie et la Commission. L'impact économique de règlementations trop sévères est également pris en compte, notamment du côté des cultivateurs.

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  8. Bonjour Denyse,

    quand vous dites que le naturel ne sera pas affecté mais que je lis plus bas :
    Oui, trois : le HICC (Lyral) et deux molécules présentes dans les mousses de chêne et d’arbre, l’atranol et le chloroatranol. Mais les mousses de chêne et d’arbre ne seront pas interdites, sous condition que les molécules incriminées ne soient présentes qu’à l’état de traces."

    j'ai du mal à suivre.. parce si le naturel contient les molécules incirminées, il sera limité? (hormis le lyral qui est une molécule synthétique servant notamment pr le muguet, je parle plutôt de la mousse de chène. )

    Merci,

    Sophie.

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    1. Bonjour Sophie,

      D'après ce que j'ai compris, l'extrait de mousse de chêne doit être purifié pour que ces molécules n'y soient présentes qu'à l'état de traces, ou entièrement éliminées. Il semble que ce soit faisable. D'autant que (encore une fois, si j'ai bien compris) lesdites molécules ne proviendraient pas de la mousse en elle-même mais des petits bouts d'écorce qui restent attachés lorsqu'on la récolte. Cela étant, comme les restrictions sur la mousse de chêne ont "démodé" cette note à laquelle le public n'est plus habitué, on peut se demander à quel point on déploiera des efforts pour fournir cet extrait purifié... Mais là, je spécule!

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  9. ok merci, bon et bien croisons les doigts alors!

    quant à la rose et la coumarine, moins d'inquiétudes à avoir finalement?

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    1. D'après ce que j'ai compris, disons que c'est plutôt un sursis, le temps que ces ingrédients soient analysés selon la méthodologie déterminée par IDEA. Ensuite, ça peut aller dans un sens comme dans l'autre...

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  10. Bonjour Denyse,


    Sur le " complot des chimistes", je ne suis pas certaines que ce soit IFF, Firmenich et Cie qui soient visées par ces théories plus ou moins fumeuses, mais plutôt des entreprises de l'industrie chimique, qui ont, elles, intérêt à vendre leurs produits.

    Ce serait intéressant de savoir dans quel sens elles formuleront des observations: soit elles se borneront à défendre leurs propres molécules de toute suspicion, soit elles conforteront la thèse selon laquelle certaines molécules naturelles sont allergisantes (pour mieux vendre les alternatives chimiques).

    Les entreprises qui, comme vous l'indiquez très pertinemment, ont consacré des budgets conséquents à la filière "naturelle", seront sans doute très vigilantes sur cette question, du moins faut-il l'espérer.

    De toutes façons, il ne s'agit même plus d'une dichotomie produits chimiques/produits naturels: le CSSC avait identifié comme possibles allergènes 8 ingrédients naturels certes ...mais aussi 12 composants chimiques.

    Je me méfie un peu du processus décisionnel (il semble que ce sera une espèce de "sous-commission des cosmétiques" qui adoptera l'amendement). On voit dans d'autres domaines (OGM, médicaments etc...) que l'Europe prend des décisions en s'appuyant sur des études qui n'émanent pas forcément d'institutions indépendantes, mais parfois de labos payés en réalité par les industriels du secteur privé.

    Manifestement la discussion ne porte - pour l'instant- que sur les 3 molécules incriminées (ce qui est déjà, je trouve, une mauvaise nouvelle pour ce qu'il reste de la mousse de chêne) et l'étiquetage, mais rien que le fait qu'on remue tout çà, ouvre des consultations publiques, ponde des rapports etc...pour aller vers de nouvelles restrictions, est en soi inquiétant.

    Tout çà pour des prétendues allergies au parfum...alors que le diesel est, lui, mortifère, et que çà ne gêne pas plus que çà tous ces technocrates...

    Quand on lit les communiqué de presse de la commission, on a l'impression que les 3 molécules sont de dangereux poisons !

    Mais il faut se réjouir, et comme vous avez raison !, du dialogue instauré.

    Peut-être est-ce ce dialogue qui permet le sursis pour les 8 ingrédients naturels (et les 12 chimiques) ?

    Quant à l'IFRA, elle vient de saluer les propositions des services de la commission, tout en indiquant qu'elle ne trouvait pas efficace l'idée d'étiquetage des composants allergènes, lui préférant l'information via le net.

    A suivre donc... C'est passionnant mais çà fait flipper !

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  11. Et merci d'avoir lancer l'enquête !

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    1. Narriman, une molécule, c'est une molécule. Certaines n'existent pas dans la nature, d'autres oui, même si elles sont obtenues par voie de synthèse. Celles-ci (sur la liste des 12) sont aussi présentes dans de nombreux extraits naturels, ce qui fait que le nombre d'ingrédients effectivement mis en cause est plus important que 20. La discussion ne porte pas que sur trois molécules: d'ailleurs, justement, il n'y a pas de discussion sur ces trois-là. Ce seront les autres ingrédients qui doivent être passés au crible...

      Je ne crois pas que l'on s'achemine vers une situation où les sociétés défendent l'innocuité de "leurs" molécules au détriment de celles de leurs concurrents -- la coumarine, l'eugénol, le Lyral ne sont pas des captifs...

      De plus, le groupe IDEA doit déterminer une méthodologie générale destinée à tester les ingrédients non seulement en tant qu'allergènes, mais pour leur impact sur les systèmes reproductif et endocrinien. On n'est pas que sur de "prétendues allergies", hélas...

      Les noms de membres de ce groupe sont sur le site: certains travaillent pour des sociétés comme Chanel ou Firmenich, d'autres sont des chercheurs.

      C'est en effet la reprise du dialogue qui a permis le sursis. J'aurais tendance à être plutôt d'accord avec l'IFRA sur les informations en ligne, qui permettent de bien mieux se renseigner, poser des questions, etc. Quel consommateur a lu la liste des 26 allergènes sur un étui en y comprenant quoi que ce soit?

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  12. D'après la rédaction (nébuleuse) des documents de la commission, la consultation publique semble porter sur ses propositions, donc sur les 3 molécules (et
    l'étiquetage).

    Et les "études" continuent pour les autres...

    En outre, l'objet des modifications à venir ne concerne que les composants allergènes. Il n'est pas question d'autres effets supposés ou réels.

    Si la commission commence à mettre son nez dans les perturbateurs endocriniens, on est foutu.

    En faisant une nouvelle recherche, je vois que les médias généralistes s'emparent du sujet, c'est bien !

    Et çà remue la fibre patriotique ("La commission européenne a Chanel n°5 dans le nez" - Le Point !)

    3 molécules ou 20, la question ne sera bientôt plus là. Le principe d'interdiction pour suspicion d'allergie est acquis, et çà, c'est la catastrophe.

    Après, c'est juste une question de liste qu'on allonge d'année en année. (les allergiques sont de plus en plus nombreux, paraît-il, donc la liste s'allongera forcément).


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    1. En fait, il me semble qu'il ne s'agira pas de simplement soupçonner (comme le CSSC) mais de démontrer... et mes sources m'ont bien dit que la question des perturbateurs endocriniens ferait partie de la méthodologie d'IDEA. Mais en effet, cela n'est pas mentionné sur leur site, c'est peut-être dans un deuxième temps.

      Le principe d'interdiction est déjà acquis depuis un moment, il me semble, en tous cas dans l'industrie -- encore une fois, même si on peut ne pas être d'accord sur le mode de fonctionnement de l'IFRA, il s'agissait de s'auto-réguler pour prévenir des règlementations encore plus strictes imposées de l'extérieur...

      En effet, les médias généralistes en parlent... ce pauvre N°5 affiché partout dans des articles sur les risques d'allergie, je serais chez Chanel, ça me désespérerait!

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  14. Et çà donne en même temps bien la mesure du pouvoir du N°5 dans la conscience collective. Il reste l'emblème du parfum français, et devient malgré lui le village gaulois résistant aux attaques bruxelloises.

    Oui, vous avez raison, le principe d'interdiction est établi depuis longtemps, et ce qui s'aggrave, c'est la volonté sociale du risque zéro (dans tous les domaines, d'ailleurs, sécurité des biens et des personnes, alimentaire, santé...alors les cosmétiques n'y couperont pas !).

    Une sécurité accrue entraîne toujours des règlementations liberticides, c'est la société qui l'exige et qui est prête à en payer le prix.

    Et la société exige aussi des responsables pour tout.

    Si j'ai de l'eczema, c'est plus facile d'accuser mon parfum que de raisonner de manière globale et de prendre en compte tous les facteurs (familiaux, psycho-somatiques, environnementaux et autres).

    La seule chose qui peut sauver ce patrimoine, ce serait précisément de le traiter en tant que tel.

    Tant qu'on aborde le sujet d'un seul point de vue de "risques/avantages" entre d'un côté les risques allergènes et de l'autre le caractère superflu des "parfums et bien de consommation produits parfumés (c'est d'ailleurs une hérésie que de les mettre dans le même panier !), le parfum sera le grand perdant.

    La France (et ses grandes marques de parfum) a échoué à conférer à l'art du parfum français une véritable protection.

    Car la question ne se poserait plus en termes de balance "risques d'allergie/produits parfumés", mais en terme de nécessité de disposer d'une règlementation spécifique conciliant protection des consommateurs et préservation d'un patrimoine.

    Après tout, on a bien bougé pour les fromages au lait cru...

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    1. Narriman, merci pour cette intervention qui pose en effet les problèmes de façon très lucide, dans un contexte plus vaste.

      Je retiendrais trois points.

      1) Le mot "liberticide". Premier mouvement, je me dis, ce n'est quand même pas aussi grave que la façon dont l'état américain bafoue les droits au nom de la "War on Terror"... Mais toute restriction au nom de la sécurité relève d'une certaine manière de la même position.

      2) Ce que vous dites de l'eczéma. En effet, il est plus facile de trouver un coupable (en l'occurrence, le parfum, objet futile, trompeur, féminin et donc, confusément répréhensible pour les cultures puritaines) que de s'attaquer à des phénomènes soit plus globaux, soit plus intimes...
      La peau est sans doute l'organe le plus bavard avec l'intestin, et l'eczéma est sa façon d'écrire un message qu'on ne peut articuler. Mais de la même façon qu'on préfère démultiplier le nombre d'affections psychiatriques pour leur trouver des médicaments, il est plus facile d'accuser un déclencheur que de faire un travail de longue haleine sur soi... Ce qui ne minimise en rien le fait qu'un eczéma tenace pourrisse la vie!
      On peut aussi s'interroger sur la position des dermatos dans cette affaire d'allergènes: il semble qu'ils tiennent au patch-test, méthode archaïque, et repoussent d'autres approches proposées entre autres par les immunologues.

      3) Le patrimoine. Évidemment. Côté Guerlain je sais que l'on se bat sur ce front. Mais même si les grandes maisons françaises s'unissaient, la France pèserait-elle assez dans l'Europe, par rapport aux pays qui n'ont ni plantes à parfum, ni grande tradition de parfumerie et pour qui l'enjeu est donc négligeable?
      Cela dit, ce point -- la préservation du patrimoine et des savoir-faire -- est sans doute l'un des arguments qui peuvent encore peser.

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