mercredi 15 mars 2023

Tuberosa 1974 de Betty Busse (1974)/ Dominique Ropion (2021) pour Chloé : Tubéreuse nubile

 


S’il fallait lui donner une couleur ? Cuisse de nymphe émue. Ou alors « bout de jeune sein », cette piquante métaphore troussée par Colette pour décrire le bouton de tubéreuse… Rafraîchi d’un glacis d’aldéhydes, saupoudrée de cannelle comme une joue tavelée par le soleil, ce parfum à l’arrondi de pêche couchée sur fond de mousse se nommait Chloé lorsqu’il fut lancé en 1974 par les Parfums Lagerfeld. Rebaptisé Tuberosa 1974 lors de sa réédition dans L’Atelier des fleurs de Chloé, le parfum offre un rare aperçu de son inspiratrice -- plutôt tendre ici que criminelle, enjouée que charnelle. Une interprétation de la tubéreuse qu’écraseront bientôt les divas à épaulettes des années bling, de Giorgio à Amarige en passant par Poison… Est-ce à cet oubli qu’elle doit aujourd’hui son allure de jeunesse ? 

Créé en 1974 par Betty Busse, le parfum a été réorchestré en 2021 par Dominique Ropion. Si quelqu'un a pu comparer les deux versions je serais enchantée d'avoir son avis. J'ai porté le premier Chloé à l'époque où T-Rex arpentait encore les scènes, mais cette version nouvelle, que j'adore, ne réveille pas de souvenirs d'adolescence....

(Le texte ci-dessus, sauf le dernier paragraphe, est paru à l'origine dans le cahier critique de Nez N°11 en 2021).

Illustration: Détail des Baigneuses de Jean-Honoré Fragonard, parce que personne n'a mieux su peindre les cuisses de nymphe que le maître grassois.



lundi 13 mars 2023

Tuberosa 1974 by Betty Busse/ Dominique Ropion (2021) for Chloé: Nubile Tuberose


 

If it was a color? You could call it “cuisse de nymphe émue”, an 18th-century color which could translate as “thigh of a blushing nymph”. Or “tip of a young breast”, after the piquant metaphor vamped up by Colette to describe the budding tuberose… Refreshed by the cool sheen of aldehydes, sprinkled with cinnamon like a freckled cheek, the fragrance, as softly rounded as a peach set on a bed of moss, was called Chloé when it was launched in 1974 by Parfums Lagerfeld. Renamed Tuberosa 1974 for its reedition in Chloé’s L’Atelier des fleurs collection, the fragrance offers a rarely seen interpretation of the flower that inspired it. Here, it is more tender than criminal, and more playful than carnal. A vision of tuberose that would soon be elbowed off the shelves by the linebacker-shouldered divas of the bling decade, from Giorgio to Amarige by way of Poison… Is it because it has been forgotten that it seems so youthful today?

Tuberosa 1974 was originally composed by Betty Busse. The current reedition has been reorchestrated by Dominique Ropion. If anyone has compared the two I'd love to hear back from you. I wore Chloé briefly back when T-Rex strutted onstage, but the new version, which I adore, doesn't ring a bell.

Illustration: The Birth of Venus by Jean-Honoré Fragonard, because no one ever painted did a blushing nymph thigh better than the Grassois master.

mercredi 8 mars 2023

Aurélien par Aurélien Guichard pour Carine Roitfeld: le miroir noir d'Opium

Ce parfum, vous avez l’impression de le reconnaître, vous avez son nom sur le bout de la langue... Autant la donner au chat, sauf à avoir, un soir, croisé le sillage de Carine Roitfeld. Car l’ex-rédactrice en chef de Vogue France avoue avoir longtemps superposé Opium d’Yves Saint Laurent et la Fleur d’oranger de Serge Lutens. Le style étant un art de l’assemblage à la fois inédit et fracassant de justesse, ce layering, une fois senti, tombe sous le sens. Dans le creuset d’Aurélien Guichard, les deux classiques fusionnent.  Fleur d’oranger piquée d’épices, lustrée d’aldéhydes, glacée par le miroir noir de la myrrhe. Noircie par le patchouli et le castoréum comme l’œil smoky de sa créatrice. Déflorée. On rêve, sous les volutes d’Opium, comme un ombre de L’Heure Bleue qui aurait troqué ses froufrous Belle Époque contre le poignard d’un stiletto et un fourreau de cuir vernis. Floriental tough, maîtrisé jusque dans ses débordements, ce premier parfum de la collection 7 Lovers est, plus qu’un hommage à ses inspirations, une signature. Ou plutôt, griffé, comme il sied à un parfum dont le nom de code, durant son développement, était « Panthère noire » -- Carine Roitfeld ayant eu l’élégance, in fine, d’apposer à cette composition autobiographique le prénom de son nez.

Ce billet a été publié dans le cahier critique de Nez N°8, automne/hiver 2019.

Illustration: "East of Eden" (2013) par Matt Collishaw

lundi 6 mars 2023

Aurélien by Aurélien Guichard for Carine Roitfeld: Of Opium and orange blossom

You’d swear you’ve always known this fragrance. You’ve got its name on the tip of your tongue… But unless you’ve rubbed shoulders with Carine Roitfeld, who long concocted her own signature scent by layering Yves Saint Laurent’s Opium with Serge Lutens’ Fleur d’Oranger, you haven’t. The blend, once you smell it, makes utter, stylish sense. In Aurélien Guichard’s crucible, the two classics merge. Spice-laced orange blossom lustrous with aldehydes in myrrh’s black mirror, sooty with patchouli and castoreum – a reflection in Roitfeld’s trademark smoky eye. Deflowered. Beneath the wreaths of Opium, the specter of L’Heure bleue, swapping its Belle Époque frou-frous for stilettos and a patent-leather pencil skirt. More than a tribute to its inspiration, the scent whose code name during its development was “Black Panther” is a true olfactory signature.