vendredi 28 novembre 2008

L de Lubin, chypre pop


Les chypres sont souvent perçus comme des parfums corsetés, intellectuels et un rien hautains, aussi structurés qu’un vêtement de haute couture classique ; leurs notes vertes, cuirées ou aromatiques leur confèrent un charme androgyne. Bien que la famille des chypres fruités (de Mitsouko à Diorama en passant par Femme) affiche des courbes un peu plus plantureuses, elle reste distinguée : les courbes sont contenues dans la célèbre guêpière remise à la mode par Marcel Rochas…

Mais au début des années 1970, les descendantes de Mitsouko s’étaient un peu dévergondées, en écho à la vague hédoniste et féministe de l’époque. Diorella (1972) en tête, les chypres tombaient la gaine et s’allégeaient.

Comme Cristalle (1974) ou Azzaro (1975), L de Lubin, lancé en 1974, est un chypre post-Diorella de quatrième génération. Mais contrairement à son modèle – Diorella évoque des étés en Normandie ou dans l’arrière-pays provençal – L s’envole directement pour les terrasses de Saint-Tropez et retire sa saharienne Yves Saint Laurent pour s’envelopper d’un paréo Pucci.

« Élixir voluptueux né dans les seventies [qui] accompagnait les égéries Pop sur les dance floors disco », d’après le communiqué de presse, la dernière réédition de Lubin est une beauté déhanchée, teint caramel, seins libres, un peu callipyge avec sa base patchouli-vanille-santal post-hippie. Mais qu’importe ? Elle s’amuse, et son cœur floral jasmin-gardénia-iris-rose éclaboussé de bergamote est de si bonne composition qu’on peut se laisser aller en sa compagnie… 69, l’année érotique, n’est pas encore un lointain souvenir.

Les publicités des années 1970 jouaient d’ailleurs sur l’allusion libertaire-libertine en montrant une parure en soie gisant sur un récamier en velours pastel très David Hamilton. Le slogan, « Tout le monde n’a pas à savoir que vous n’êtes plus tout à fait la même », laissait clairement entendre que sur ce divan, une jeune fille venait de se faire déflorer… Aujourd’hui, la boîte et la publicité reproduisent un motif inspiré de l’un des peintres préférés des jeunes filles, qu’elles soient ou non en fleurs : Gustav Klimt, dont les posters ont orné les chambres de générations d’adolescentes. Sur ce fond, une nymphe aux cheveux roux et au teint pâle.

L de Lubin a été reformulé par l’auteur de la formule d’origine, Lucien Ferrero : je n’ai pas senti l’original, mais d’après le propriétaire de Lubin, Gilles Thévenin, il n’a pas beaucoup bougé – et comme il m’a précisé que Nuit de Longchamp et Gin Fizz avaient été modifiés, je n’ai aucune raison de ne pas le croire. Amoureuse des chypres fruités, je me régale de celui-ci : il n’a peut-être pas le chic de Diorella ou le mystère de Mitsouko (de toute façon inégalé), mais sa nature sensuelle, décontractée et gourmande le rendent aussi facile à porter qu’à aimer.

Image: Veruschka en Pucci photographiée par Henry Clarke (1965), courtesy ana-lee.livejournal

2 commentaires:

  1. Merci pour ce mini-séries sur Lubin! Ah, de penser que je suis passé devant le rayon parfum au Printemps cet après-midi sans y rentrer... Je n'était jamais très excitée par Idole, mais ces rééditions... bref, tu me connais, si ça sent comme d'antan, je suis pour!
    xxxx/K

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  2. Je crois que ça pourrait te plaire, peut-être plus le Nuit de Longchamp, d'ailleurs, te connaissant!

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