Love, alias « Don’t be shy », alias « La Guimauve », alias « La Meringue qui a mangé Paris », est sans doute le best-seller chez By Kilian. Est-ce pour cette raison que Kilian Hennessy a demandé à Calice Becker de reprendre son accord fleur d’oranger vanille dans Sweet Redemption, afin de fermer la boucle par ce dixième et dernier tome de L’Œuvre Noire ?
On pourrait se dire que Sweet Redemption, c’est la Lolita de Love devenue adulte : la meringue a pris une saveur légèrement amère. La note « sucre caramélisé » de Love (ethyl maltol ou assimilé) a cédé à un fond oriental classique de myrrhe, d’opoponax et de benjoin, dont les facettes cannelle sont soulignées par l’alcool cinnamique qui lie les effets baumé, verts et floraux de la composition.
Curieusement, bien que Sweet Redemption regorge de matériaux naturels, dont l’absolue de genêt, la myrrhe résinoïde et le benjoin qualité Orpur™ de Givaudan, il dégage de paradoxaux accents synthétiques. L’arôme « Kool-Aid au raisin », que les aficionados des USA signalent souvent dans des parfums comme Poison, est produit par l’anthranilate de méthyle, présent dans la fleur d’oranger et le genêt qui forment le cœur floral de Sweet Redemption, mais également dans certaines variétés de raisin comme le Concord américain.
Autre référence qui ne parlera qu’aux habitués des USA, la « root beer », souvent repérée dans les parfums à la myrrhe (l’effet est peut-être produit par la combinaison de sa facette réglissée avec la vanilla). Dans Sweet Redemption, la myrrhe apporte également des senteurs de sous-bois, mousse et champignon, légèrement amères. Et c’est ce soupçon d’amertume, teintée de vert par le petitgrain, de miel et de tabac par le genêt, de terre par l’opoponax et la myrrhe, qui distingue Sweet Redemption de Love malgré leur thème commun: il s'agit, quand tout est dit, de produits vraiment assez différents pour faire partie de la même collection.
Si le nouveau By Kilian évoque une autre création, ce serait plutôt, lorsqu’il atteint ses notes de cœur, la Vamp à NY d’Olivia Giacobetti. Les deux parfums, comme il sied à d’arrière-petites-nièces de Poison, explorent des territoires olfactifs qui se chevauchent – floral blanc, baumé/poudré, épices douces -- même si la tubéreuse d’Honoré des Prés, avec ses effets banane-coco, bifurque vers des latitudes plus tropicales. Le Kilian, plus savonnette et pastel, représente d’ailleurs une alternative idéale pour celles que l’exubérance de la Vamp aurait intimidées (ou que l’apport calorique de Love aurait contraintes à défaire le premier bouton de leur jean).
Quant à moi, lorsque j’aurai épuisé mes petits échantillons, j’envisagerai l’achat d’une recharge : ce floriental délicatement érotique et impeccablement construit est l’un des plus jolis lancements de la saison.
Photo d'Andy Julia
Proche de Vamp à New York en moins exotique et plus savonnette et pastel? Je suis déjà en manque!
RépondreSupprimerZab, alors il faut courir au Bon Marché, je crois qu'il y est déjà!
RépondreSupprimerBonjour, ravissante critique ! Love fait un drôle d'effet, oui, mais je le trouve séduisant, alors ce dernier opus pourrait parfaitement me convenir !
RépondreSupprimerUne petite question : les flacons by kilian sont trop chers pour ma bourse d'étudiante, peut-on n'acheter que des recharges ? (sans flacon)merci !
Moi aussi, j'aime beaucoup Love, mais je ne me vois pas trop le porter (encore que, en plein hiver...). Et, oui, on peut habituelle acheter les recharges sans le flacon d'apparat, voire les recharges d'atomiseur de voyage. Mais je ne sais pas s'ils sont déjà en vente au Bon Marché.
RépondreSupprimerPour l'avoir déjà senti aussi, autant je trouve les matières très belles, l'ensemble parfaitement maitrisé, mais je trouve qu'en fait, il a quand même un côté "toc".
RépondreSupprimerJe sais pas pourquoi, pourtant, la fleur d'oranger est vraiment magnifique, et le fond est interessant, mais il y a un aspect scolaire, calculé qui me gène un peu... Très beau parfum au demeurant
Jicky, calculé peut-être, scolaire ça m'étonnerait vu les états de service de Calice Becker... Tu veux dire qu'il ne t'émeut pas?
RépondreSupprimerj'ai été très surprise aussi au début de retrouver cet accord fleur d'oranger vanille que l'on sentait déja dans love;.. je me suis d'abord demandée, m:ais pourquoi?*
RépondreSupprimerensuite il est vrai que l'aspect "sucré" s'atténue au fil de l'évolution, qu'il développe des facettes plus amères, comme un mélange fleur d'oranger-néroli. Il faudra que je ressente le fond, l'ayant senti dans une atmosphère surchargée, j'y ai moins prêté attention en fin de journée.
Sophie, c'est vrai qu'on peut légitimement se poser la question, d'autant que c'est vraiment cet accord commun qui s'exprime en volume. Mais en côte à côte, les différences sont plus prononcées, je trouve.
RépondreSupprimerBeau compte rendu du parfum, merci pour Calice Becker et Kilian Hennessy. Par ton approche Kool Aid/Concord, je sens sur ma peau comme des effluves de pains aux raisins dont je suis très friande.
RépondreSupprimerJ'ai été surprise de voir la note de fleur d'oranger ressortir avec cette nouveauté mais pour conclure la collection, reprendre les codes du 1er Love pour créer le dernier de l'Oeuvre Noire est une idée qui se tient. Voilà pour moi c'est ça, une Lolita qui a mûri. Et je préfère cette version plus adulte, assez douce amère à Love.
Rebecca, merci à toi pour les échantillons et pour notre discussion, tu vois que j'en ai tiré profit!
RépondreSupprimerSans dire qu'il ne m'émeut pas, disons que j'ai un peu de mal avec tout le discours autour.
RépondreSupprimerQuand je dis scolaire, c'est pas un défaut. Je veux dire que pour un parfum de niche, on a pas trop de surprise. Tout est bien comme il faut : belles matirèes, évolution, densité. J'sais pas, j'aurais bien aimé un fond encore plus myrrhe-benjoin. Un peu plus craspouille quoi ^^.
Mais c'est toujours une très belle création, on d'accord à 100% là dessus !
Jicky
Jicky, au fond, le "niche", c'est un mode de distribution, pas une obligation à l'imbitable. Je n'ai jamais attendu des Kilian qu'ils aillent dans l'insolite, je crois que ce n'est pas leur propos. On reste sur des accords assez classiques, avec des matières bien plus belles que dans le mainstream, et un propos olfactif plus cohérent parce que Kilian est le décideur (ça ne passe pas par 50 personnes).
RépondreSupprimerEt pour nous, petit français, une autre référence olfactive : le Locabiotal !
RépondreSupprimerAmis enrhumés, laissez tomber ce médicament qui n'est plus remboursé, passez au Sweet Redemption !...
Le Musc et la Plume, c'est la deuxième fois que j'entends parler du Locabiotal par rapport à un parfum. Quelle est la facette du parfum qui l'évoque? Le côté baumé?
RépondreSupprimerHé bien moi je ne le trouve ni scolaire ni calculé... Il est juste indéniablement bien fait et entre lui et moi c'était le love at first snif ! Pourtant, un accord fleur d'O/Vanille qui s'encanaille de sucre, c'est un chemin dangereux : plusieurs mainstreams l'ont déjà prit pour évoquer la guimauve, je crois, et euh...Bon. No coment ?
RépondreSupprimerAlors que là, rah, les facettes amères qui se déploient quand on l'applique sur peau c'est juste jouissif...
(Mais bon je ne vivrai qu'un amour platonique et à distance avec Sweet redemption ... les By Kilian sont vraiment pas donnés. Dur dur d'être étudiant !).
Phoebus.
Phoebus, je suis d'accord, je ne le trouve pas scolaire (Calice Becker a depuis longtemps décroché son "doctorat") mais je vois ce que Jicky veut dire, je crois: parfum soigneusement calibré... Que j'aime beaucoup au demeurant, et que je porte avec plaisir - en tous cas, mes échantillons, car même après avoir largement dépassé l'âge des études, c'est tout de même un investissement conséquent.
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RépondreSupprimerJ'aime "sweet redemption".
RépondreSupprimerDans une fraction de seconde, j'ai senti la qualité, des idées de fleurs d'oranger déjà vu ailleurs, et la façon de sucrér les roses de Calice Becker.
Ce qui m'a séduit, sur la touche, c'est l'effet de peau humaine sublimée.
On a l'impression que le parfum s'est posé, réordonné.
Peau, peut-être parce que les odeurs de cire d'abeille, le gras des absolus de fleurs, me rappelle un effet similaire au beurre d'iris. Le cuir, une peau souple, qui respire, la peau humaine avec quelque chose de sublimée.
La fleur d'oranger de Lutens m'avait fait cet effet là, une fois, par le passé. J'avais cherché à reproduire l'expérience, 2, 3 fois, pour savoir si je devais céder aux sirènes lutensiennes. Mais non, le parfum restait muet (ou avait été rendu muet). Maintenant ce serait "la myrrhe" que je rapprocherais à sweet redemption, en raison des qualités de composition.
Sweet redemption a une facette gourmande un peu sucraillon, mais elle est bien dosée, elle s'atténue et s'intègre à la structure dense du parfum. Cette gourmandise est une coquetterie, et elle s'accorde à la tonalité romanesque et boudoir du parfum. Oui, romanesque, le parfum respecte l'esprit songeur qui parfois habite le fleur d'oranger.
C'est cette fidelité à l'émotion qui me font conclure que "sweet redemption" est un parfum réussi. Ils tiennent la fleur d'oranger par le bon bout.
J'aurais le plaisir de le redécouvrir à loisir. Je viens assez ""involontairement""(= encore trop cher) de remporter un flacon sur ebay. En effet, je suis très étonné du prix très abordable des recharges "by kilian". Pour des gens à qui "peut importe le flacon...", 75€ pour 50ml d'edp, c'est presque plus abordable que les "l'artisan parfumeur" avec à peu prêt le même prix pour une EDT.
Et à 125€ une recharge pour cet encens qui m'a bien plus chez by Kilian la dernier fois. Je vais cultiver l'envie. Ce sera celui-là ou "bois d'encens" chez Armani.
Julien, qu'ajouter à ce très joli texte? Merci d'éclairer Sweet Redemption sous un angle différent. J'attendrai avec impatience, juillet venu, vos impressions de "ma" fleur d'oranger, Séville à l'aube...
RépondreSupprimerJ'ai reçu sweet redemption il y a un mois.
RépondreSupprimerSur ma peau il disparaît à la vaporisation, il joue la transparence, pour mieux frapper quand ça lui chante.
Sur le tissus, j'ai remarqué comment l'odeur des loukhoum était parfaitement restitué dans les notes de têtes. C'est un rendu saisissant, tactile. (plus que dans "la traversée du bosphore", "rahat loukhoum").
Cette facette s'estompe très bien pour que je puisse le porter après. Et après il est tout ce que j'attends d'une fleur d'oranger avec des vrais morceaux de fleurs dedans. La fraicheur, le mystère, et la volupté. Sur tissus il est bien présent, il dure, il se diffuse. Fleur d'oranger, miel, myrrhe, benjoin, ce sont parmi mes odeurs préférées, et elles sont toutes bien là. Parfait.
Vivement Séville à l'aube ;)
Je crois bien qu'on n'a jamais assez de fleurs d'oranger ^_^!
Julien, en fait je ne suis pas fana de la fleur d'oranger quand elle vire à l'odeur bébé ou à la savonnette... Ce qui n'est le cas ni de Sweet Redemption, ni de Séville à l'aube, qui malgré des notes communes ne se ressemblent absolument pas!
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