mercredi 30 juin 2010

Liaisons Dangereuses et conseils avisés: la tentation de la rose chez By Kilian



Kilian Hennessy doit être félicité. J’ai d’abord été énervée sur les bords par la prose trop ampoulée de son site (retirée depuis), et par un packaging certes très beau, mais dont je me serais volontiers passée (il propose désormais atomiseurs de sac et recharges sans qu’il soit obligatoire d’acheter le conditionnement de luxe), mais je suis épatée par la qualité des gens dont il s’entoure. Offrir à la brillante Calice Becker l’occasion de s’exprimer dans des matières riches : bien vu. Recruter, en tous cas en ce qui concerne ses comptoirs parisiens, de véritables connaisseurs, des passionnés : bien vu encore. Surtout en ce qui concerne sa dernière recrue, Rebecca Veuillet-Gallot, que plusieurs d’entre vous auront déjà rencontrée dans la boutique des Parfums de Nicolaï de la rue de Grenelle, où l’auteur du Guide du Parfum a longtemps officié, et que vous pouvez désormais retrouver dans la Scent Room du Printemps à Paris.

J’aurais dit que Rebecca était le genre d’ambassadrice que toute marque devrait chercher à recruter, si elle n’était pas unique en son genre. Elle est sincèrement enthousiasmée par les parfums de Kilian ; elle les a réfléchis individuellement et dans leur cohérence de marque, de façon à pouvoir ajuster son discours selon le type de client auquel elle a affaire. Moi, par exemple. La gonzesse qui vient sentir, discuter, mais pratiquement jamais acheter. Rebecca avait déjà réussi à me brancher sur Beyond Love avant même de travailler chez Kilian, simplement en le portant en ma présence (ce qui en dit plus long sur la qualité du parfum que l’acuité de mon nez). Cette fois, alors que j’étais sur le point de tester sur peau un autre parfum, j’ai capté un sillage arrondi, confituré et appétissant émanant de sa direction.

« Pourquoi n’essaies-tu pas plutôt celui-là ? », a-t-elle roucoulé. Elle n’a pas vraiment dû insister : je tendais déjà le cou, les bras et la poitrine, ce qui fait que je me suis laissée généreusement asperger de Liaisons Dangereuses.

Le parfum est désigné comme une prune de Damas mais Rebecca et moi sommes d’accord : c’est une confiture de rose qui penche à la fois vers Nahéma, en plus sombre et moins expansif, et vers le Femme original avec ses facettes lactoniques coco-prune-pêche, sa pincée de cannelle et sa base mousse-vétiver. Sans oublier que cet accord prune-rose-mousse laisse trainer quelques relents de Parure

Rebecca m’a dit qu’elle voyait Liaisons Dangereuses comme une confiture de roses raffinée dans laquelle se seraient glissés des sépales (la touche verte crissante de cassis bourgeons) et des bulles d’air – bien que Calice Becker travaille sur des matériaux opulents, il est vrai que ses compositions pour By Kilian ont une souplesse et une respiration contemporaines.

S’inonder d’un chypre rose-prune pourrait sembler contre-indiqué alors que Paris entre dans sa première canicule, mais grâce à ses facettes lactoniques, il s’est marié en douceur à ma peau.

Je dois avouer que désormais, Liaisons Dangereuses a rejoint la liste des choses qui pourraient rejoindre ma collection, ce à quoi je ne m’attendais pas trop, moi qui ne suis pas tellement éprise des roses (mais de Nahéma, si). Je vais devoir prendre garde à Rebecca : à ce stade, c’est presque du vaudou !



Et maintenant, à vous : quel est le vendeur, la vendeuse, le/la responsable de boutique de parfums qui a su le mieux vous envoûter ? Et comment s’y est-on pris ?




Photo de Sofia Sanchez et Mauro Mongiello

15 commentaires:

  1. Eh bien, là, je suis obligée de reconnaître que nous n'avons pas cette chance à Nice...ni à Monaco ni à Cannes. Il y a bien quelques boutiques qui sortent du lot...avec des vendeurs/responsables charmants, mais point de sorcier vaudou.
    Je dirais d'ailleurs que cette absence incite à la lecture des blogs (que dis-je, DU blog, le votre).
    Je dirais même que ceux que j'ai rencontrés se limitent quand-même au conseil lambda (vous aimez les orientaux ? Ou les fleuris ?) et ne semblent avoir pour mission que de vous faire acheter un flacon, peu importe s'il vous va ou pas. Je suis assez déçue, au fond, lorsque je leur parle de l'histoire d'un parfum et surtout de son auteur...et que je vois bien que je retarde d'autant le moment de passer à la caisse. J'ai bien peur que ce ne soit vous, l'incarnation du vaudou olfactif, pour moi perdue dans mon Sud ayant oublié l'importance des odeurs. .Je propose donc qu'ici, les marques " de niche" vous confient la formation de leurs vendeurs ! Et ces derniers devraient tout simplement consulter les blogs de temps en temps.
    A bon entendeur....
    Lala

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  2. Haaaa Rebecca sait y faire, à grand renforts de roucoulades... Vous êtes deux beaux diablotins chacune dans votre genre! ;-)
    J'ai eu les mêmes réserves que toi au départ concernant By Killian -en pire- : les fontaines en forme de fût de cognac m'avaient totalement fait fuir... ri-di-cu-les. J'essaie de me soigner car il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, n'est ce pas? Il y a quelques années je boudais les Goutal, aujourd'hui j'y suis un peu venue, alors pourquoi pas By Killian? De ce que j'ai senti, les matières sont très belles c'est vrai, et puis Rebecca est convaincue et sait très bien parler et conseiller, de façon très imagée, et elle cerne parfaitement son interlocuteur. Elle sait simplifier le discours de départ de la marque, que je trouvais obscur et ampoulé, tout en parlant des jus avec beaucoup de grâce et d'élégance. Je serais curieuse d'ailleurs d'ailleurs de voir comment elle pourrait me prendre dans les filets Killian... Jusqu'à présent, aucune référence ne m'a fait tilt au point d'avoir envie d'un essai sur la peau.
    Bien vu pour la tentation de la rose en tous cas, le confit vous sied à ravir. J'ai senti, je peux en témoigner!

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  3. ah liaison dangereuses, j'adore, j'ai qq killian chez moi, et celui qui m'avait envouté, c'etait Alain qui etait au comptoir avant rebecca ;) , à chaque fois que nous allions à Paris, nous passions systematiquement le voir, quand il etait chez Maitre parfumeur et gantier (au printemps haussman), quand il est ensuite passé au comptoir Caron avant d'atterir chez Killian, et il a su nous faire decouvrir la marque et les parfums, d'ailleurs à l'epoque le premier achete est une merveille, taste of heaven, mon epoux (malgre sa collection) lui est tres fidele
    nous aurons plaisir aussi a rencontrer rebecca quand nous irons à paris, certainement vers la fin de l'année

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  4. Sinon pour répondre à ta question de fin de post, je tombe rarement sur un vrai conseil expert, pointu (cela vaut pour les parfums et pour la cosmétique en général... petite pensée pour ces maquilleurs qui maquillent à la chaîne avec des pinceaux sales... miam).
    Chez certaines enseignes le personnel n'est pas mieux rémunéré que chez Sephora, et chez Sephora on trouve hélas trop souvent d'anciens équipiers Mc Do au conseil parfum, après une formation express. De quoi un peu mieux cerner le problème, c'est toute une conception du luxe et de sa distribution qu'il faut revoir à mon sens.
    Dans les marques de niche, c'est un peu différent, quoique... Chez L'artisan j& consorts je n'ai jamais été enthousiasmée par le conseil, loin de là. A part débiter des notes apprises par coeur, aucune sensibilité, aucune intuition. J'attends d'un conseiller parfum un minimum d'érudition, de répondant (ok je suis une cliente chiante) mais surtout du REVE. C'est si agréable de se faire emmener, guider là où l'on n'aurait pas été de soi même. Peu savent le faire. Je retiens Marco, le vendeur chouchou du Palais Royal chez Serge Lutens, qui sait décrire des paysages, voyages, atmosphères qui me parlent, et avec qui les discussions à voix feutrée autour des touches à sentir sont toujours un délice. Il sait surprendre, et propose pile ce qu'il faut, quand il le faut, et créer la surprise. J'ai le souvenir d'une vendeuse géniale chez Goutal, au Bon marché, il y a quelques années, une femme de caractère qui portait Passion et semblait scanner les gens pour leur proposer en 1 minute "leur" Goutal. Impressionnante. J'ai appris plus tard qu'elle effectuait un remplacement et ne l'ai jamais recroisée, quel dommage...

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  5. Lala, je n'ai pas d'aspiration à devenir responsable de formation! Mais en effet, conseiller la lecture des blogs -- pas que le mien, ne serait-ce qu'en français il y a maintenant plusieurs connaisseurs passionnés -- ne serait pas de trop. Evidemment si on fait ça juste comme un boulot... C'est dommage, puisque ce boulot se déroule dans un univers particulièrement magique!

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  6. Bénédicte, en effet, lorsqu'on prend le temps de découvrir une marque on peut passer outre ses préjugés initiaux. Moi je suis rentrée chez Goutal par les Orientalistes, avant de découvrir quelques merveilles comme Grand Amour et l'Heure Exquise, pour ne citer que ceux-là!

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  7. Véro, je n'ai pas parlé d'Alain puisqu'il n'est plus chez BK, mais évidemment je pensais aussi à lui, et à Damien au Bon Marché qui est également un véritable passionné, curieux de tout ce qui se fait... J'ai aussi rencontré une dame chez Goutal aux Galeries Lafayette qui est très connaisseuse de sa marque. Enfin, il me semble que les passionnés du parfum se multiplient derrière les comptoirs. J'espère.

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  8. Bénédicte, en effet, Marco chez Serge Lutens est parfait! Pour ce qui est des Sephora, je pense que leur principe de conseils devrait être repensé mais je suppose qu'avec le nombre de personnes qu'ils doivent recruter et ce qu'elles sont payées... Les maquilleurs sont souvent plus avisés dans leurs conseils, mais évidemment il est plus facile d'aller recruter des gens ayant des diplômes en esthétique que des gens issus, ne serait-ce que d'un stage chez 5ème Sens!

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  9. Rebecca en tentatrice : on imagine tout à fait la scène !
    Ce rôle lui va d'ailleurs comme un gant puisqu'elle nous fait l'apologie de by Kilian bien avant de travailler pour cette marque. Je suis même sûr qu'elle est prête à donner de sa personne (en tout bien tout honneur :-)
    en tendant son cou afin qu'on puisse évaluer les ravages tubérosés de Beyond Love !!

    Le conseil avisé est rare et il est difficile de faire découvrir toute une marque à un néophyte. C'est Anne qui m'a fait découvrir la gamme de Frédéric Malle rue de Grenelle et qui a su m'orienter (avant la sortie de Vétiver Extraordinaire). Depuis elle a ouvert une boutique à Montpellier (Q'importe le flacon) où elle diffuse Malle, Parfumerie Générale...

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  10. Qu'importe le flacon !

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  11. Thierry, alors j'ai sûrement dû rencontrer Anne à un moment donné... Sa boutique a l'air d'un petit bijou. Je regrette qu'il n'y en ait pas dans ce genre à Paris! Evidemment, on est gâtés, mais pouvoir choisir parmi plusieurs marques pas forcément diffusées ailleurs, avec une connaisseuse et une passionnée... C'est juste le rêve!

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  12. J'ai raconté justement dernièrement sur Ambre Gris comment Marco au Salons.. m'a littéralement envouté avec Iris Silver Mist en me demandant de ne pas sentir mon poignet, d'attendre, de laisser le charme agir et le parfum se développer, d'aller me promener dans les jardins pendant 20 minutes et de revenir le voir ensuite. Sous les tilleuls ça a été le choc!
    C'était ma première incursion dans les niches, j'avais hésité longtemps à rentrer dans cet espèce de temple sombre, silencieux et raffiné, et je suis reparti bouleversé: dans la brume argentée.
    C'est à ce moment là je crois que j'ai plongé "into the rabbit hole"!. Et voilà comment un peu plus tard je me retrouve avec 4, 5 bientôt 6 Lutens qui s'alignent dans mon placard.

    C'est toujours un plaisir de rencontrer des passionnés passionnants comme Rebecca, toujours charmante et de bon conseil, Alain son prédécesseur , la vendeuse d'Histoires de Parfums au Printemps qui est aussi très sympa, au comptoir Différentes Latitudes des Galeries, La boutique F. Malle rue de Grenelle ou chez Divine rue Scribe par exemple.
    Que du plaisir d'être tenté par des gens comme eux!

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  13. Anatole, lors de ma première et fort lointaine expérience d'une parfumerie parisienne, l'adolescente nord-américaine que j'étais avait été fort choquée que la vendeuse l'envoie se promener pour voir si le parfum "aimait sa peau"... Cela dit, alors que j'avais l'intention d'acheter un flacon, j'ai fini par repartir avec deux, ne sachant plus à quel poignet me vouer!

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  14. Chère Denyse,
    je te remercie chaleureusement pour ton éloge. Je n'ai jamais su me vendre et d'un coup, ma star des bloggeuses, toi, tu deviens mon meilleur agent. Et un grand merci à mon fan club:-)

    Pour répondre à ta question, les conseillers qui ont attiré mon attention se nomment Alain, Marco. Et je dois dire que la jeune femme de Différentes Latitudes au Galeries Lafayette m'avait fait une très bonne impression par son bel enthousiasme. Et j'ai des collègues que j'apprécie beaucoup dans la Scent Room.

    Evidemment, en tant que professionnelle, je suis souvent ahurie d'entendre les bétises ou les fausses informations des démonstratrices, du genre c'est 100% naturel!!! Donc la plupart du temps, en restant aimable, je découvre seule et je demande parfois des précisions sur la marque.

    Je laisse le mot de conclusion à ma mère: "Bah dis donc c'est intéressant son texte, simple,spontané, il donne envie d'essayer "Liaisons dangereuses"!"

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  15. Rebecca, tout d'abord: hommage mérité! Mais à travers le tien, c'est aussi l'éloge de ceux et celles qui savent vraiment parler du parfum -- et se taire lorsqu'il le faut -- à leur clientèle, qui connaissent ce qu'ils vendent mais aussi le reste du marché. C'est un métier qui peut être fatigant (ho les pieds!) et ingrat, mais qui a quelque chose de magique lorsqu'on l'exerce avec passion et psychologie.

    J'ai aussi rencontré pour ma part des vendeurs qui n'étaient pas forcément des connaisseurs au départ, mais dont l'enthousiasme et la curiosité leur permettait de s'initier plus avant dans leur domaine. Tout est question de casting!

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