mercredi 22 juillet 2009

FlowerbyKenzo : L'Originale et l'Essentielle


De toutes les maisons de parfumerie “mainstream”, Kenzo est sans doute celle qui aligne la collection la plus cohérente, et la plus constamment intéressante. Jungle, Amour et Flower sont d’ores et déjà des classiques contemporains ; leurs flankers sont assez souvent des améliorations de l’idée d’origine plutôt que des exploitations cyniques des best-sellers maison. FlowerbyKenzo Essentielle relève de ce cas de figure. Et comme je n’ai jamais parlé de l’original, je l’utiliserai comme le point de départ d’une présentation de sa nouvelle incarnation.

Qu’on ne s’y trompe pas : le premier Flower ne mérite son nom que sur un plan purement symbolique. Le coquelicot qui orne le flacon et se répand en champs écarlates au cœur des villes lors des opérations promotionnelles du parfum n’a, bien entendu, aucune odeur. Et FlowerbyKenzo n’évoque aucune fleur, ni même un idéal platonique de fleur. En fait, le nom semble avoir été choisi purement parce qu’il évoque l’idée du sent-bon – les fleurs sentent bon, on est tous d’accord là-dessus. Tout comme Flower, d’ailleurs, qui est un pur délice.

L’idée même de nature, de ses senteurs complexes et parfois dérangeantes, est écartée. Flower est un parfum abstrait, artificiel, un tour-de-force conceptuel. Flower est unique, et réussit pourtant à évoquer une version dépouillée, composite, de pratiquement tous les parfums à la violette mélancoliques et poudrés descendant du mythique L’Heure Bleu de Guerlain. Il joue sur des notes nostalgiques et quasi-régressives (la rose, la vanille, l’héliotropine avec ses accents anisés) de rouge à lèvres à l’ancienne et de friandises enfantines, sans avoir une molécule sentimentale dans son corps délicat. C’est L’Heure Bleue sans le blues et sans histoire : une aura irradiante et essentiellement statique – une musique d’ambiance là où son ancêtre jouait une sonate de Debussy. Sa brume de musc (Flower contient une overdose de Muscenone de Firmenich, particulièrement poudré) est certes féminine, mais sur un mode savamment désexualisé. Flower remet les pendules à l’heure d’une ère d’innocence idéalisée ; sa sensualité n’exige pas d’engagement.

Par contraste, Essentielle remet les fleurs dans le flacon – en l’occurrence, les fleurs les plus classiques de la parfumerie, la rose et le jasmin.

Mais plutôt que d’alourdir le corps de la composition, cette rose translucide – qui n’est pas sans rappeler celles de N°5 Eau Première et de l’Essence de Narciso Rodrigueztraverse la brume violette-héliotropine-musc de l’original et l’éclaire d’une lumière d'aurore qui se répand jusque sur les notes de fond. Mieux encore, elle remet Flower en mouvement. Là où Flower est pratiquement invariable d’un bout à l’autre de sa vie sur la peau, Flower Essentielle parcourt une évolution plus classique, de la fraîcheur hespéridée d’une ouverture discrètement aldéhydée – le moment le plus délicieux pour moi – jusqu’au fond musc et vanille impalpable qui sucre un cœur de rose et de jasmin à peine assombri d’une ombre d’encens.

Et là où Flower demeure aussi sereinement impénétrable qu’une Joconde de l’ère numérique, Essentielle ose un sourire enjôleur.

Image: Irving Penn, Iceland Poppies

10 commentaires:

  1. Tiens, tiens un buzz autour de cette nouvelle incarnation de Flower dans la blogosphère française ?

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  2. J'ai certes une admiration pour Flower et d'autres parfums de la marque Kenzo, mais je suis intriguée par ce que vous dites sur la cohérence de la marque. J'en avais rapidement parlé sur Poivre Bleu, mais il me semblait, au contraire, que Kenzo perdait de son identité de plus en plus. J'ai la sensation que les parfums Kenzo se noient dans une sorte de soupe commune dont il ne ressort qu'un sentiment de chaleur-poudrée (pour les féminins). C'est en tout cas ce que je ressens depuis le succès de Flower. Je ne dis pas que les parfums n'ont rien d'intéressant, mais en fait, je m'ennuie.
    Kenzo Jungle, lui, est plein de couleurs, de force, de différence. Mais que dire de la Vintage Edition, de la récente Eau Indigo ou même d'Amour ?
    Je ne cherche pas à dénigrer la marque, plusieurs de ses parfums me plaisent. Mais je suis perdue, je vois les sorties se multiplier et souvent (mais pas toujours) je ne les comprends pas parce que je trouve qu'elles n'apportent rien...

    Qu'en pensez-vous ?

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  3. Thierry, j'avais déjà bûché sur Flower pour le projet que tu sais, mais j'avoue que c'est Octavian qui a insisté pour que j'essaie le nouveau flanker sur lequel Ambre Gris a aussi fait une review... Alors en effet, il y a tir groupé!

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  4. Poivrebleu, j'avoue que je n'ai pas tout essayé - en effet, il est difficile de suivre le rythme -- mais je trouve en effet qu'il y a une réelle cohérence dans le style olfactif des parfums, leur packaging, leur communication...
    Ce style n'est pas celui que je préfère porter, j'ai des goûts plus baroques, mais je pense qu'il y a une véritable ligne directrice dans cette marque malgré une offre effectivement assez pléthorique.

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  5. Pour moi Kenzo a eu une sorte d'effet magique dans les dernières années, peut être à cause du design mais aussi des parfums, ce qui me fait toujours curieux de sentir leur nouveautés. Je pense que la cohérence, telle que je la perçois est plutôt au niveau de l'idée et du concept, plutôt design.
    Mais, pour les derniers lancements, je suis parfaitement d'accord avec vous. On sent une certaine dillution et le risque d'un appauvrissement. Indigo - j'ai aimé l'idée mais pas les odeurs (pas du tout). La collection fleurs est intéressante et jolie comme idée mais les parfums sont un peu maigres (y compris l'effect decevant shampoing) la dernière version d'Amour est aussi presque atroce.
    Mais les 3 versions de Flower je les trouve admirables pour ce qu'elle sont.
    Quand Flower est sorti je ne l'ai pas trop aimé car je trouvais la note crémeuse Nivea (rose -violette) un peu trop.... pour un parfum.

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  6. Carmencanada, oui, c'est vrai, il y a une ligne directrice dans le style des créations (plus pour les féminins il me semble), c'est plus ou moins ce que je désignais par "la soupe". L'image n'est pas très glorieuse c'est vrai. A côté de cela, les packagings sont toujours réussi, je ne peux leur enlever ça. Si je ne m'intéresse qu'aux parfums, est-ce que se trouver globalement toujours dans le même univers olfactif est vraiment cohérent ? Et cela peut-il assurer la pérennité de la marque ? Je pense ici à Chanel qui pour moi est un exemple de belle cohérence que ce soit sur la ligne mainstream ou sur les exclusifs. Les parfums n'ont pas tous les mêmes univers olfactifs mais emportent avec eux une touche, une patte qui les lient sans les enfermer.

    Octavian, je suis d'accord avec vous, l'univers visuel de Kenzo est tout à fait reconnaissable et c'est une force. J'ai le réflexe de vouloir laisser un peu de côté les éléments autour de la fragrance pour en venir à l'essentiel. J'irai sentir avec curiosité cette nouvelle version de Flower car il est fort probable que je l'apprécie plus que l'original. J'ai en effet beaucoup de mal avec les notes cosmétiques trop prononcées, et bien que je comprenne le travail fait autour de Flower, je ne pourrais pas le porter.

    Merci pour vos éclairages à tous les deux.

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  7. Octavian, d'accord avec toi, la collection fleurs est d'une texture olfactive assez maigrelette -- je me dis toujours que c'est parce que je suis dans un Séphora, mais j'ai littéralement du mal à sentir les touches. Mais Power et l'OVNI sont très intéressants...

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  8. Poivrebleu, Flower n'est pas pour moi non plus -- c'est plutôt avec l'héliotropine que j'ai du mal, pour ma part.
    Mais je trouve qu'en l'occurrence, le design n'est pas qu'un emballage: il est en adéquation avec le parfum. Moi qui suis, a priori, plutôt de l'école "flacon de labo et puis basta", je constate en fin de compte que j'y suis assez sensible.
    Je trouve par ailleurs que les parfums-phares, Jungle, Amour et Flower, se distinguent assez -- les deux derniers ont en commun, en quelque sorte, un côté mood music assez douillet qui colle bien à l'époque sans être bêtes.

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  9. C'est interessant que Flower elicite des reactions positives des jeunes, car on a toujours ecoute comment ils/elles n'aiment pas les odeurs poudrees, et parbleu c'est une odeur tres poudree!! C'est la meme chose avec Cashmire Mist, d'ailleurs.

    Tu me fais le desir d'exporer l'Essentielle aussi. Les derniers Fleurs (la nouvelle series) par Kenzo etaient petillants et doux, meme si pas trop memorables.

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  10. Helg, tu as raison, c'est poudré et pourtant très populaire. Je me demande si "poudré" n'est pas le nom de code de "ça sent le parfum" (autrement dit: ça ne m'est pas familier, c'est artificiel, ça me fait penser à ma grand-mère) pour ceux qui n'ont pas de vocabulaire.
    Le nouveau flanker, ce n'est pas trop mon style, mais je l'aime en fait mieux que l'original à cause de cet éclairage rosé.

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