jeudi 27 novembre 2014

Moon Dance de Juliette has a Gun: du kitsch, de la nostalgie et du revival 80s


Le nouveau Moon Dance de Juliette has a Gun devrait donner des palpitations aux fans de parfums vintage. Chypre floral animal néo-80s aux courbes généreuses et descendant direct du Parfum de Peau de Montana, il se fonde sur la senteur de fourrure et de miel (civette, castoréum, santal, musc…) de la base Animalis, créée au milieu du XXème siècle. Jadis répandue, cette bête de sexe se laissait encore observer dans les années 80, insinuant un fumet de mâle en rut sous la fraîcheur aromatique du Kouros d’Yves Saint Laurent, ou une exhalaison de chair macérée sous la rose en cuir du sus-mentionné Parfum de Peau. Animalis ne rôde plus désormais que dans les réserves des marques de niche (revendiqué dans Vierges et Torero d’État Libre d’Orange ; éventuellement source d'inspiration d'Absolue pour le Soir de Francis Kurkdjian).

Le parfumeur anonyme qui a composé Moon Dance nourrit cet Animalis de doses massives d’absolues de rose et de tubéreuse ; sa seule concession à la modernité est son recours à un patchouli cœur, issu de la distillation fractionnée. Mais si cette accumulation de notes saturées fait d’abord autant saliver qu’un banquet après un régime détox, elle tombe assez rapidement sur le foie. (Mes amis d’Auparfum.com appellent ce type de composition un « jyfoutout ».)

Comme tous les champs de création, la parfumerie avance en passant au crible son passé pour y trouver d’anciennes formes à réinterpréter ; pour s’inventer des filiations esthétiques inédites issues de voies oubliées, négligées ou déconsidérées. Ainsi, après deux décennies de gourmands dont l’indice glycémique ne cesse d’augmenter ou d’iFrags testés jusqu’à en extraire la moindre molécule d’originalité, on sent désormais frémir un revival de la parfumerie pré-Angel  et pré-Eau d’Issey.

Deux raisons à cela, outre le pendule de la mode. D’abord, plusieurs parfumeurs actifs aujourd’hui ont d’abord découvert la parfumerie dans les 80s, soit enfants ou ados, soit aux débuts de leur carrière. Ensuite, dans un contexte assez déprimé, toutes les marques courtisent les marchés moyen-orientaux férus de senteurs qui ramonent, ce qui permet justement aux parfumeurs de revenir à des compositions plus charnues.

On peut réinterpréter les styles d’antan de deux façons. Lorsqu’Oliver Polge et Jean-Christophe Hérault, Frank Voelkl ou Sidonie Lancesseur s’attaquent aux chypres rose-vétiver des 70s/80s – respectivement dans Rosabotanica (Balenciaga), Ylang 49 (Le Labo) et Rose Infernale (By Terry) --, c’est pour les déconstruire afin d’en proposer des relectures contemporaines. Quand Antoine Lie compose son Daphne pour Comme des Garçons dans le style « Poison part à Goa avec Shalimar », c’est en juxtaposant des blocs de notes assez massifs, qui citent le passé sans le mimer.

Moon Dance semble relever d’une seconde approche : un style nostalgique, “comme dans le vintage”, qui se contente d’empiler les signes ostentatoires de richesse, plutôt typique de marques pilotées à Londres comme Amouage, Roja Dove ou Grossmith. Lesquelles marques revendiquant un statut artistique, alors que ce qu’elles offrent n’est souvent que l’équivalent olfactif du kitsch – une imitation du « grand art » destinée à flatter le consommateur « de goût », sans enrichir le thème abordé.

D’entrée de jeu, la nostalgie de l’âge d’or de la parfumerie a été inscrite à même la déclaration d’intention de la parfumerie de niche – « on va faire des parfums comme avant ». Les meilleurs parfums de niche sont ceux qui s’appuient sur cette intention pour proposer des lectures inédites du monde olfactif ; de l’histoire du parfum. Des produits comme Moon Dance, proposés sans recul ironique ni guillemets, relèveraient plutôt du néo-académisme (Bouguereau pour les naseaux). Cela satisfera sûrement une part des consommateurs, et pourquoi pas ? Le parfum est, avant tout, une marchandise destinée à plaire.

Vous aurez reconnu Sylvie Vartan dans cette photo de Pierre & Gilles.


4 commentaires:

  1. Daphné de Comme des Garçons et non pas ELdO.

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  2. Euh... oui, c'est bien ce que j'ai écrit. Y a-t-il une première partie de votre commentaire qui est passée à l'as?

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  3. bonjour denyse, si celui dont vous parlez est bien celui auquel je pense, je suis d'accord avec vous, il m'a même rappelée un peu Ubar d'Amouage, c'est dire.
    Bonne journée,

    Sophie

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    1. Moon Dance fait partie d'une collection exclusive qui à ma connaissance compte deux références pour l'instant, donc vous songez de toute façon à l'un des deux -- ils sont très différents des autres Juliette.

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