dimanche 30 mai 2010

I love les carottes et Love Coco: Olivia Giacobetti met le cru à la carte



Dans mon avis sur Vamp à NY, j’écrivais qu’Olivia Giacobetti avait manifestement trouvé ses marques dans le registre bio, mais je pense que ça va peut-être au-delà de ça : qu’en fait, elle est en train d’étendre le vocabulaire de la parfumerie en restant dans la gamme des arômes familiers, tout en déplaçant le lieu de leur perception. Autrement dit, elle a réussi à faire glisser ce qu’on perçoit habituellement dans la bouche, via la rétro-olfaction, vers une sensation purement olfactive. Et qui plus est, en explorant une palette très rarement utilisée en parfumerie (il n’y a guère que Bertrand Duchaufour qui en joue régulièrement) : le légume.

Pour sa collection new-yorkaise pour Honoré des Prés, Olivia Giacobetti s’est calée sur l’idée du cru. Cru, au sens de « brut », comme le sont les matières premières en parfumerie : en travaillant avec une gamme plus restreinte, elle a dû faire au plus simple, la concision étant d’ailleurs l’essence même de son style. De sorte que Vamp à NY, par exemple, se lit au premier abord comme une absolue de tubéreuse à peine arrangée. Mais également cru au sens de « pas cuit ».

Ce qui est réjouissant dans I love les Carottes, c’est cette sensation de plonger le nez dans une CAROTTE hyperréaliste dont toutes les facettes auraient été décortiquées et exposées : la douceur sucrée de sa chair, accentuée par l’orange, sa partenaire naturelle dans les cocktails-santé, mais aussi son cœur ligneux, son côté racinaire allongé par l’iris ; la terre qui lui colle à la peau lorsqu’elle est juste arrachée, un patchouli dont Giacobetti a juste prélevé la facette terre humide, en écartant son arôme camphré. Le choix de la carotte n’est pas anodin : il se prête parfaitement au concept d’Honoré des Prés, puisqu’on imagine aisément qu’une clientèle attirée par un parfum bio se shootera au jus de carotte. Pourquoi ne pas le porter ? Après tout, la carotte n’est qu’une nouvelle façon de dire l’iris.

Si Love Coco est un peu moins surprenant, c’est que les notes coco ne sont pas rares en parfumerie : elles existent dans plusieurs fleurs, et ont été si abondamment utilisées dans les produits solaires qu’elles sont virtuellement devenues le code olfactif de la plage en Amérique du Nord. Mais il ne s’agit pas ici de coco-plage. Giacobetti, qui déclarait dans une interview qu’elle aimait faire ses courses chez Tang Frères, le supermarché chinois du 13ème, tire la note vers la cuisine du sud-est asiatique, registre beaucoup moins exploité que les épices du Moyen-Orient ou de l’Afrique du Nord, bien que Céline Ellena s’en soit déjà servi avec la feuille de caloupilé dans Oriental Lounge (The Different Company) pour renouveler les codes de l’oriental. La coriandre feuilles que Giacobetti ajoute à sa composition (coco et coriandre étant un accord classique de la cuisine thaïe) tranche dans la douceur huileuse de la noix de coco d’un trait vert un peu amer. Même la vanille ne fait pas dans l’entremets : elle est plutôt brûlée, boisée, presque réglissée.

La construction reprend des codes classiques de la parfumerie – vert, lactonique, baumé – dans un style désinvolte et enjoué, tout en les infléchissant vers une nouvelle gamme de références. Giacobetti travaille souvent, semble-t-il, avec des aromaticiens, et elle ne s’est jamais bridée dans l’exploration des choses odorantes – après tout, c’est elle qui a introduit au répertoire la figue (avec Premier Figuier) et l’encens (avec Passage d’enfer, qui précède de peu la trilogie de Comme des Garçons). Elle avait déjà travaillé la carotte en 2000, dans Fleur de Carotte, édition limitée de L’Artisan Parfumeur. Si quelqu’un est en train d’inventer une nouvelle branche de la famille des gourmands, ce n’est peut-être pas tant l’équipe responsable du Womanity de Thierry Mugler qu’Olivia Giacobetti l’insoumise.



Quelques personnes ne m’ont toujours pas contactée pour me donner leur adresse. Faites vite, j’aimerais poster les échantillons de Vamp à NY cette semaine car la semaine d’après, je serai à Londres !

Image: La top model (et maintenant chanteuse) Karen Elson

7 commentaires:

  1. Alors voilà, j'ai craqué et j'ai acheté Vamp à NY que je porte aujourd'hui. Grâce aux échantillons reçus, j'ai testé hier Love Coco qui, sans en être tombée raide dingue donne effectivement une autre version de la noix de coco: pas collante et comme aérée par le lait de coco.
    Le concept m'apparait totalement réussi. Comme tu le soulignes, les accros du Bio manger peuvent se (re)trouver parfaitement ici avec le Bio parfums. Une marque à suivre de près et qui donne vraiment de l'intérêt aux parfums Bio.

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  2. Denyse, tu as bien eu mon mail? les boites mail ont parfois tendance à spamer un peu vite...

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  3. Très envie de tester ces 3 créations...

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  4. Rebecca... et voilà! Ça ne m'étonne pas que la Vamp t'ait entraînée dans son sillage, j'ai senti qu'elle te plaisait déjà lorsque tu l'as découverte dans le mien.
    C'est en effet un travail très bien bûché sur le concept, et qui apporte quelque chose de nouveau sur le bio *parce que* c'est aussi une exploration du vocabulaire de la parfumerie?

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  5. Columbine, oui, j'ai reçu, je n'ai pas répondu à ces mails parce que, hé... j'en ai reçu près d'une centaine, et ça n'aurait pas été humain!

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  6. Sandrine, ça tombe bien, mon échantillon numéro 100 n'est pas attribué (une lectrice qui peut les tester en live a gentiment cédé le sien), écrivez-moi votre adresse et vous aurez au moins Vamp à NY.

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  7. Je vous envoie mon adresse de ce pas! Merci à vous et à votre généreuse lectrice!

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