Si quelqu’un peut résoudre la question du visuel
dans le niche, c’est sans doute Ben Gorham. Il en a les moyens – Byredo a été
racheté l’an dernier par le fonds d’investissement Manzanita Capital, qui
compte également Diptyque dans son portefeuille. La marque suédoise a également
atteint la masse critique qui lui permet de concurrencer les griffes de mode
dans les grands magasins.
Mais surtout, Gorham, diplômé d’une école d’art,
sait penser le visuel parfum en dehors des clichés de l’industrie de la beauté.
Et il peut s’appuyer sur des complices qui oeuvrent à la fois dans le monde de
l’art contemporain, de la mode et de la musique : le studio graphique français M/M (Michael Amzalag and Mathias Augustyniak) et
le binôme de photographes Inez van Lamsveerde and Vinoodh Matadin. D’ailleurs,
à plus d’un titre, le franc-tireur Gorham semble concevoir Byredo plutôt comme
un label indé de mode, de design ou de musique que comme une marque de parfum.
Gorham s’est déjà attaqué à deux reprises à la question du
visuel, d’abord en 2010 avec M/Mink, inspiré par un brief de M/M et illustré par des photos d’Inez & Vinoodh
dont les éléments « beauté » traditionnels avaient été barbouillés
par M/M. L’an dernier, 1996, d’abord créé pour Inez & Vinoodh, était fondé sur l’une de leurs photos, qui
illustre l’étui.
Avec Flowerhead,
Gorham aborde la question plus frontalement puisqu’il a créé une image pour le
parfum (ci-dessus), interprétation surréalisante de l’inspiration du parfum –
la coiffure florale d’une mariée indienne – photographiée comme une nature
morte. Lors de la présentation parisienne de Flowerhead, Gorham précisait qu’il comptait aller beaucoup plus
loin dans cette direction, en collaboration avec M/M.
Bien qu’une palette rouge et orange domine cette
image, le parfum se situe sur un spectre blanc-vert. Gorham et Jérôme Épinette
(Robertet) ont fait l’impasse sur le réglage par défaut de l’exotisme indien :
ni santal, ni encens, ni épices. Que de la fleur. Thème olfactif que Gorham
avoue redouter, parce qu’il est « traditionnel et assez vieux-jeu ».
Mais comme dans cette collection fondée sur ses souvenirs, « le bois et l’encens
sont surreprésentés », il s’y est attaqué récemment.
L’an dernier, déjà, il avait les fleurs en
tête avec Inflorescence, qui travaillait le muguet. Ce nom est d’ailleurs
lié à celui de Flowerhead puisqu’en
botanique, le capitule (« flower head » en anglais) est une forme d’inflorescence
regroupant des centaines de petites fleurs qui semblent n’en former qu’une. À
ce titre, Flowerhead exécute le
programme de son nom : tubéreuse, jasmin sambac et rose s’y combinent pour
dégager une idée de fleur fraîche.
Si la tête de la photo est chargée de soucis –
aussi connus sous le nom d’œillets d’Inde, ou tagètes –, le parfum n’en a pas :
Gorham et Épinette ont tenté d’inclure l’ingrédient, mais ses facettes
banane-marguerite ne se prêtaient pas à la note.
La « tête de fleur »
se concentre donc essentiellement sur la tubéreuse et le jasmin sambac, avec un
minimum de lactones mais un bon shoot de verdure. Les aspects mentholés de la
tubéreuse en tête, mais surtout des effets floraux moites et un côté tige
coupée notamment dû à l’angélique (on décèle son petit goût céleri). L’acidulé
du citron et de l’accord d’airelle rouge (baie scandinave qu’on sert en
confiture avec les boulettes chez Ikea) déglace ces effets floraux tout en
boostant l’accord « pétale de rose » vert hespéridé.
Cet effet floral acidulé-humide s’ancre sur
une base ambrée/Suederal (daim, donc) assez discrète qui se laisse deviner au
bout de quelques heures. Tenue marathonienne, radiance quasi-radioactive,
entêtée, voire entêtante : une mouillette de Flowerhead, laissée quelques heures dans une pièce, dominera toutes
les autres. Un floral printanier ni vamp ni nunuche – bref, contemporain –
franchement bien gaulé.
C'est la seule nouveauté que j'avais sentie avant mon départ du Bon Marché. Tubéreuse tonitruante dans l'esprit d'un Narcotic Venus de Nasomatto, et dont je me passe bien volontiers. En revanche, je suis séduite par le packaging et les images de Byredo. C'est fort, contemporain, sobre et beau IMO. Je n'ai jamais vraiment eu de coups de coeur pour les parfums de cette marque autre qu'une forme de fascination pour M/Mink et 1996. Je préfère les bougies et notamment Ambre Japonais.
RépondreSupprimerEn effet ces deux-là sont ceux qui m'intéressent le plus aussi, mais il est vrai que je n'ai pas tout bien senti. Je trouve tout de même que Flowerhead est n'a pas ce côté rentre-dedans qu'ont tous les Nasomatto (Nasimatti?). Et oui, tout à fait d'accord sur la présentation, très très bien foutue.
SupprimerCôté Nasomatto, je n'aime que Hindu Grass mais il est vrai que j'adore le patchouli.
RépondreSupprimerJe n'arrive plus à poster autre qu'en anonyme.
Rebecca
Thanks for posting thiss
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