samedi 31 juillet 2010
Coming back soon... Je reviens bientôt
Je passe quelques jours en Provence actuellement et il m'est difficile d'accéder à Internet. Je serai de retour la semaine prochaine avec des posts que j'espère stimulants... En attendant, allez jeter un coup d'oeil aux commentaires du post précédent, je sens qu'ils vont encore s'enrichir de propos assez révélateurs!
dimanche 25 juillet 2010
Edmond Roudnitska said it all...
You thought the subordination of creativity to marketing, the tyranny of focus groups, the bid for a quick buck rather than the painstaking development of a beautiful product go back to, say, the post-Opium 80s?
After reading Une Vie au Service du Parfum ("A Life in the Service of Perfume"), a compilation of articles and conferences by Edmond Roudnitska (Thérèse Vian Éditions, 1991), you'll know that it all started back in the late 50s. The great visionary perfumer was already denouncing what's still wrong today with the industry, at a time we think of as part of the Golden Age of perfumery.
But think back to the 60s and early 70s: which perfumes were truly groundbreaking, which created new forms, introduced new notes, rather than expressing variations on forms conceived in the 1920s? The social and sexual revolution never truly translated in bottles... Eau Sauvage, of course. Chamade, a beautiful expression of the hyacinth-galbanum-cassis bud green accord that expressed youthfulness in perfumery. Rive Gauche, though it was Calandre that introduce the odd, metallic rose oxyde. N°19 and Cristalle. Then Roudnitska again with Diorella.
Mr. Roudnitska was already right... It's a shame he wasn't heard.
The translations are mine.
A flood of mediocre perfumes… in 1959
“The failures of the past twenty years, if they haven’t served the Houses that suffered them, have finally turned against beautiful perfumes, which we will soon be unable to appreciate. The public, harassed by so many brands, deceived by a flood of questionable products which skew its judgment and taste, is getting used to mediocre or trivial productions. Thus, the consumer ends up losing the respect he once felt for beautiful perfume, which was considered a jewel up to then.”
The Ascent of the Money Men… in 1965
“If composers continue to compose, they no longer have the power to decide of the choice and launch of a perfume. The great creators of the past were the sole masters of their business; they created and they were the ones who decided, they told their sales departments: sell this. Today, sales departments, misled by gratuitous analogies with the successes garnered in other economic sectors, impose their views (…) and say: do this for us.”
“The great perfumers of the past knew how to wait for a new perfume to find its place and impose itself. But once in place, it was there to stay. Today, if those in charge are reticent when confronted with new notes and if they stick to fashionable notes, isn’t it because, more or less consciously, they want to make money right away, without thinking of the future?”
The Industrialization of Perfumery… in 1969
“Basing themselves on industrial marketing and imagining (…) they know the needs of the market, they try to influence composers to make them produce what they believe to be the taste of the public. Most composers, weak, tired or helpless, do what they’re asked instead of freely expressing their own vision. Then promoters take over the perfume, apply the treatment conceived for industrial marketing and transforming it, quite simply, into an industrial product. And so little by little, beautiful perfume is killed and replace not by “commercial” perfume (…) but by industrial perfumes, prepared by disenchanted composers. (…) These products can deceive as long as, in the mind of the public who is misled for a time, the brand image prevails on the image of the product.”
Muzzled talents… in 1971
“In 1971, a dozen perfumes* were launched in France; most agree few of them are worthy of our reputation. So how is it that everyone agrees to say that a perfume isn’t good after its launch, and that there wasn’t one person in the House that launched it to notice it before? It is the current system of choice, because it is a system, that is defective. It is even appalling.
When I see the choice of a new composition subordinated to the opinion (o so superficial) expressed by one hundred, two hundred or even five hundred women, when it must please millions of women in the world if it aims to be a great perfume, I wonder if I’m dreaming. It is truly the triumph and glorification of irresponsibility, but it is also the negation of art and the stifling of talents.
For talents exist, I am convinced of it, who not only are afraid to express themselves but are forbidden to do so. How can we blame them for their lack of daring with all the pressures they are subjected to, after the veto opposed by incompetents who have the power to decide?”
Perfumes launched in 1971: Bigarade (Nina Ricci), Chicanes (Jacomo), Empreintes (Courrèges), Ho Hang (Balenciaga), N°19 (Chanel), Rive Gauche (Yves Saint Laurent), Sikkim (Lancôme), Via Lanvin (Lanvin), Vivre (Molyneux), Weil (Weil), Yves Saint Laurent pour Homme (Yves Saint Laurent).
Quotes reproduced with the gracious authorization of Michel Roudnitska.
Edmond Roudnitska le disait déjà..
Vous pensiez que la subordination de la créativité au marketing, la tyrannie de focus groups, la recherche du bénéfice rapide au détriment du beau produit soigneusement mis au point et auquel on laisse le temps de s'installer, tout cela remontait, allez, aux années 80 post-Opium?
La lecture d'Une Vie au service du parfum, recueil d'articles et de conférences d'Edmond Roudnitska (Thérèse Vian Éditions, 1991) nous détrompe: ce grand parfumeur visionnaire dénonçait ce qu'on appelle pudiquement les "dérives" du marché dès la fin des années 50, que nous nous figurons encore être l'âge d'or de la parfumerie! Il est vrai, lorsqu'on en étudie l'histoire, que les très grandes créations, celles qui ont fait date en proposant de nouvelles formes ou des notes originales -- plutôt que de belles interprétations de formes existantes -- se sont faites rares dans les années 60 et 70. L'explosion des années 60 -- révolution des moeurs, féminisme -- ne s'est que fort peu traduite par une révolution dans les flacons! Comptez ce qui était vraiment neuf à l'époque...
Eau Sauvage, forcément. Chamade, la plus belle expression de la note verte jacinthe-galbanum-cassis bourgeon qui exprimait la jeunesse. Rive Gauche, mais en l'occurrence, c'est plutôt Calandre qui a innové et lui a servi de modèle, avec son sulfureux oxyde de rose. N°19 et Cristalle. Puis de nouveau Roudnitska avec Diorella.
M. Roudnitska avait déjà raison. Quel dommage qu'il n'ait pas été plus entendu...
Un flot d’articles douteux… dès 1959
« Les échecs de ces vingt dernières années, s’ils n’ont pas servi les Maisons qui les ont essuyés, se sont finalement surtout retournés contre les beaux parfums qu’on ne saura bientôt plus apprécier. Le public harcelé par tant de marques, abusé par un flot d’articles douteux qui faussent son jugement et son goût, s’habitue progressivement à des productions médiocres ou banales. Le consommateur en arrive ainsi à perdre le respect qu’il éprouvait jadis à l’égard du beau parfum considéré jusqu’alors comme un joyau. »
L’ascension des commerciaux… dès 1965
« Si les compositeurs continuent de composer, ils ne détiennent plus le pouvoir de décider du choix et du lancement d’un parfum. Les grands créateurs du passé étaient seuls maîtres de leur affaire ; ils créaient et comme ce sont eux qui décidaient, ils disaient à leurs services commerciaux : vendez ça. Aujourd’hui, les services commerciaux, trompés par des analogies gratuites avec les succès remportés dans d’autres domaines de l’économie, imposent leurs vues aux techniciens en leur disant : faites-nous ça. »
« Les grands parfumeurs du passé savaient accepter un délai pour qu’un nouveau parfum s’installe et s’impose. Mais une fois en place, celui-ci y était pour longtemps. Aujourd’hui, si les responsables sont réticents devant les notes nouvelles et s’ils se cantonnent dans les notes alors en vogue, n’est-ce pas aussi avec l’idée, plus ou moins consciente, de faire tout de suite un chiffre, sans souci des lendemains ? »
Le triomphe du marketing… dès 1969
« Partant du marketing industriel et s’imaginant (…) qu’on connaît les besoins du marché, on cherche à influencer les compositeurs pour leur faire produire ce qu’on croît être le goût du public. La plupart des compositeurs, faibles, las ou désarmés, font ce qu’on leur demande au lieu d’exprimer librement leur propre vision. Les promoteurs s’emparent alors du parfum, lui appliquent le traitement prévu par le marketing industriel et le transforment tout simplement en produit industriel. Et c’est ainsi, petit à petit, qu’on tue le beau parfum pour lui substituer des parfums non pas “commerciaux” (…) mais des parfums industriels préparés par des compositeurs désenchantés. (…) Ces produits (…) peuvent faire illusion tant que, dans l’esprit du public un moment abusé, l’image de marque l’emporte sur l’image du produit. »
Des talents étouffés… dès 1972
« En 1971, une douzaine de parfums ont été lancés en France ; de l’avis général peu sont dignes de notre réputation. Alors comment se fait-il que tout le monde soit d’accord pour juger qu’un parfum n’est pas bon, après son lancement, et qu’il ne se soit trouvé personne dans la Maison qui l’a lancé pour s’en aviser avant ? C’est que le système actuel de choix, car il s’agit d’un système, est défectueux. Il est même déplorable.
Lorsque je vois subordonner le choix d’une nouvelle composition à l’avis (combien superficiel) qu’auront émis cent, deux cents ou même cinq cents femmes, alors qu’il s’agit de plaire à des millions de femmes dans le monde quand on se veut un grand parfum, je crois rêver. C’est vraiment le triomphe et la glorification de l’irresponsabilité mais c’est aussi la négation de l’art et l’étouffement des talents.
Car des talents existent, j’en suis persuadé, qui non seulement n’osent pas s’exprimer mais auxquels on l’interdit. Comment leur en vouloir de ne pas oser avec toutes les pressions qu’ils subissent, après le véto que leur opposent des incompétents nantis du pouvoir de décision ? »
Pour mémoire, voici les parfums lancés en 1971. Lesquels auraient été prononcés médiocres ? Sûrement pas N°19 ou Rive Gauche…
Bigarade (Nina Ricci), Chicanes (Jacomo), Empreintes (Courrèges), Ho Hang (Balenciaga), N°19 (Chanel), Rive Gauche (Yves Saint Laurent), Sikkim (Lancôme), Via Lanvin (Lanvin), Vivre (Molyneux), Weil (Weil), Yves Saint Laurent pour Homme (Yves Saint Laurent).
Portrait d'Edmond Roudnitska prélevé sur le site de Frédéric Malle Éditions de Parfums
Propos reproduits avec l'aimable autorisation de Michel Roudnitska.
jeudi 22 juillet 2010
The (belated) Mystery of Musk series continues: JoAnne Bassett's Sensual Embrace and Anya McCoy's Kewdra
The more I delve into the Mystery of Musk series, the more I get the feeling that musk was actually just an excuse for most perfumers to let the animal in them take over the pipettes…
JoAnne Bassett’s Sensual Embrace is a case in point. Musky? Not so much. But animal? Call the Brooklyn zoo. Meanwhile, start singing “I can’t give you anything but love, baby” to that big cat on the roof.
The jarringly dense top notes blow off in a matter of seconds to give way to intensely honeyed ones. I’m getting a lot of broom from this – in other words, honey and tobacco – but that may be because JoAnne has put in an actual tobacco extract. I also get another animal from the floral kingdom, chamomile blossom, which smells delightfully like an overheated field choked with drying plants, but as it’s not listed, I think that could also be some combination of the tobacco, rose oil and labdanum. But the real star of this gig is the jasmine sambac, listed as “vintage” (how long does that stuff actually keep, JoAnne?) which comes along playing a rose-jasmine accord while packing a very un-ladylike indolic wallop, reinforced by an orange blossom that should really be taught a few manners, and a tuberose which, surprisingly, cowers a little in the background, its presence betrayed by the minty tinge it adds to the green facets of the jasmine and rose. The vintage sandalwood takes over in the final drydown and it’s all smooth milky smoky loveliness…
Sensual Embrace lives up to its name, with a good-natured messiness to muss up its classic rose and jasmine get-up – as far as embraces go, this one rolls all over the couch, with much knocked-over crockery. Too bad it’s a quickie – a couple of hours of skin and it left without taking my phone number…
From what I’ve seen and sensed of Anya McCoy in the various virtual hangouts we share, she seems to have a strong, bold, generous personality, and a willingness to take on both prickly issues (such as IFRA regulations) and tricky, unusual raw materials, many of which she produces herself. Which makes me all the more frustrated I can’t seem to get a peg on Kewdra, the scent she composed for The Mystery of Musk, which many of my fellow bloggers were clearly smitten with.
I knew neither pandanus (also known as kewda) nor boronia essential oils, which Anya uses in the blend, so I looked them up. I learned that pandanus has a honeyed, hyacinth aspect, which explains why, on smelling Kewdra, after an initial umami feel (the top notes give off something like lovage), I’m getting broom (the honey facet) and a green-tinged rose oil (rose overlaps with hyacinth on the scent map). As for boronia, I now know its essence contains ionones: the violet does pop out of Kewdra, loud and clear. Anya also lists green gardenia: is that what I’m reading as orange blossom amongst the suave, honeyed beeswax notes?
The opening, vegetal green note persists throughout the floral heart of Kewdra, taking on a slightly sour apple tinge that announces the ambrette is kicking in, along with its usual botanical musk partner-in-crime, angelica. After its initial, flamboyant hour, Kewdra is very much a skin scent.
Somehow, for me, the pieces don’t come together on this one. Maybe natural perfumery is just not my thing, though I did enjoy some of the compositions I received: the door’s not closed, just a bit jammed.
I’m feeling rather guilty that I haven’t posted the Mystery of Musk reviews in due time, and apologize sincerely to the perfumers who sent me their compositions. My question is: do I move forward on the Mystery of Musk reviews at whatever pace feels comfortable to me? Or do you people out there reading me think that these fragrances have been well and thoroughly reviewed by my fellow bloggers, and that I should just move on to stuff I’m more familiar with?
You tell me.
Sensual Embrace de JoAnne Bassett et Kewdra d'Anya McCoy: encore deux muscs au naturel
Plus j’explore la série Mystery of Musk, plus j’ai l’impression que le musc en question n’a servi que de prétexte aux parfumeurs pour laisser parler l’animal qui est en eux… Sensual Embrace de JoAnne Bassett est dans ce cas de figure. Musqué ? Pas des masses. Mais animal ? Passez-moi le zoo de Vincennes.
Le débouché médicinal s’évapore en quelques secondes pour céder à des notes miellées évoquant le genêt – autrement dit, du miel et du tabac – mais c’est sans doute parce que JoAnne a carrément mis une note tabac. Je sens aussi un autre animal du règne végétal, la fleur de camomille, avec ses relents un peu « écurie » de pré sous la canicule, mais comme elle ne fait pas partie des notes listées, ce pourrait être un effet de l’accord tabac-huile de rose-labdanum. Mais la vraie star du spectacle est un jasmin sambac, qualifié de « vintage » (ça se garde combien de temps, au fait, ces trucs-là ?) qui rejoue un accord à la Joy avec la rose tout en traînant un cortège d’indoles pas franchement jeune fille, renforcé par une fleur d’oranger qui mériterait qu’on lui dispense quelques leçons de bienséance, et d’une tubéreuse curieusement timide, qui ne se laisse deviner que par le soupçon mentholé conféré aux facettes vertes du jasmin sambac et de la rose. Le santal (également « vintage ») arrive en fin de course, lacté, fumé, délicieux…
Sensual Embrace porte bien son nom, mais malgré son accord rose-jasmin classique, l’étreinte en question est un peu brouillonne – plutôt de l’ordre de la galipette sur canapé avec service à thé fracassé. Dommage, d’ailleurs, que ça se termine si rapidement : deux heures sur peau, et puis tchao, sans prendre mon numéro de téléphone.
Le peu que j’ai entrevu d’Anya McCoy dans les lieux virtuels où nous nous croisons me laisse deviner une personnalité forte, généreuse et résolue, capable de s’attaquer aux sujets les plus épineux (comme l’IFRA) comme aux matières premières les plus inusitées et rétives (elle en produit d’ailleurs certaines). Il est d’autant plus frustrant pour moi de buter sur Kewdra, le parfum qu’elle a composé pour The Mystery of Musk. Je ne connais ni la fleur de pandanus (très utilisée dans la cuisine indienne), ni le boronia comme matières premières de parfumerie. Je suis donc obligée de déduire leur apport dans le parfum après avoir recherché leurs caractéristiques olfactives sur internet. La fleur de pandanus, y apprends-je, a des effets miel et jacinthe, ce qui explique pourquoi, en sentant Kewdra, après une impression initiale assez umami de livèche (l’herbe « bouillon Maggi »), je sens du genêt (l’effet miel) et une huile de rose verte (la rose et la jacinthe se chevauchent sur la carte olfactive). Quant au boronia, il appartient comme la violette à la famille des fleurs à forte teneur en ionones : banco, Kewdra sent en effet les ionones à plein nez. Anya mentionne aussi un « gardénia vert »: c’est peut-être cet effet assez fleur d’oranger qui perce l’odeur suave et miellée, un peu grasse, de la cire d’abeille ?
Une note verte persiste tout au long de développement floral de Kewdra, tirant vers une note aigrelette de pomme granny qui annonce l'ambrette, flanquée de son complice ès musc botanique, l’angélique.
Après une phase initiale expansive, Kewdra a tendance à s'affaisser, et je suis au regret de constater que pour moi, ses différents éléments n’ont jamais pu assumer une forme cohérente. La parfumerie naturelle n’est peut-être tout simplement pas quelque chose qui me branche, bien que j’aie pris plaisir à découvrir certains des parfums que j’ai reçus...
Voici donc la question que je me, et vous pose : dois-je continuer à les passer en revue à mon rythme ? Ou pensez-vous que dans ces conditions, il vaut mieux que je laisse tomber pour me consacrer à des parfums dont le style m’est plus aisément déchiffrable ?
J’attends votre avis...