Ce n’est pas au
pif qu’on se dirige vers Orphin. Les seuls effluves qui flottent autour de l’usine
des parfums Guerlain sont ceux de la forêt de Rambouillet, toute proche, et des
champs de colza piqués de coquelicots que nous venons de traverser. L’usine de
10,000 m2 est située au cœur d’une zone protégée, et Guerlain s’est
engagé à ne pas perturber la faune par des odeurs étrangères, nous explique
Elisabeth Sirot, directrice internationale des relations publiques de la
maison, tandis que nous confions nos sacs au vestiaire et enfilons des blouses
jetables.
Aujourd’hui, Orphin s’ouvre
pour la première fois à la presse, avant d’accueillir le public pendant tout le
weekend à l’occasion des « Journées particulières » de LVMH. L’événement a attire
tant de passionnés que le nombre de visites a dû être multiplié. À 16.20 pile,
notre groupe est guidé par Elisabeth Sirot le
long d’un couloir où sont exposés des photos des pérégrinations de Thierry
Wasser. En tant que parfumeur maison de Guerlain, son rôle ne consiste pas
uniquement à composer de nouvelles créations ou à être le porte-parole de la
maison : c’est également lui qui est responsable des achats de matières
premières. Ce qui fait qu’il passe la plupart de son temps entre deux vols, et
au moins un jour par semaine à Orphin pour contrôler la qualité des
ingrédients, des concentrés à diverses étapes de leur production, ainsi que des
produits finis.
C’est lui qui
nous accueille après que nous ayons traversé les salles où les matières sont
entreposées, dans trois pièces de températures différentes.« Je viens pour
aider Paulo à la manufacture », plaisante-t-il en nous présentant Paulo
Dinis, responsable de la fabrication des parfums. « Mais c’est moi qui ai
les clés du coffre », ajoute-t-il en parlant de celui qui recèle les formules
créées par la dynastie Guerlain depuis 1828. « J’ai les doubles », précise Paulo. « Tu le paieras cher », rétorque le parfumeur...
Quelque 750
formules sont fabriquées ici, ce qui comprend également les parfums des
cosmétiques (qui sont pour leur part fabriqués dans l’usine Guerlain de
Chartres) et les parfums sur mesure réalisés pour certains clients. La pratique
n’est pas nouvelle, précise Thierry Wasser en nous montrant un cahier d’Aimé
Guerlain où figure l’eau de toilette créée pour son ami le comte Chaptal de
Chanteloup. La quantité de concentré fabriqué peut varier de 120 grammes pour
un parfum sur mesure à une tonne pour La Petite Robe Noire. Le parfumeur aborde
brièvement la question des qualités de matières premières – par exemple, alors
que Jean-Paul Guerlain préférait formuler avec de l’essence de bergamote mûre,
Wasser travaille avec une essence récoltée plus tôt. La rose de mai, dite « rose
pays », récoltée à Grasse ? Elle figure dans Shalimar, qui n’est pas
seulement un oriental mais aussi un floral, précise Thierry Wasser, en ajoutant que
lorsqu’il s’agit de se procurer cette essence rare (il ne reste que très peu de
champs de rose à Grasse), « ce n’est pas la guéguerre, mais la guerre »
avec certaine maison dont le siège social est implanté à Neuilly… Sachant qu’il
s’adresse à plusieurs blogueurs, il ne résiste pas au plaisir de décocher
quelques flèches à l’IFRA : « Disons que j’apporte d’autres couleurs
à leur arc-en-ciel ».
Comme un autre
groupe nous talonne, nous passons en vitesse dans la salle où les concentrés
maturent dans leurs fûts en inox, avant de pénétrer dans la « cathédrale »
où se déroule le processus de maturation, une fois l’alcool et une petite
quantité d’eau ajoutés aux concentrés, dans 163 cuves de 300 à 4000 litres…
Puis une exposition de flacons historiques – la maison en a créé 850 depuis
1828 --, un aperçu de la salle où sont imprimées les étiquettes, et une visite
aux dames de tables qui procèdent au baudruchage des flacons d’extrait, scellés
par un fil doré… Enfin, nous assistons aux dernières étapes du conditionnement,
entièrement automatisé. Des flacons de La Petite Robe Noire défilent à toute
allure, clic ! le bouchon, plop ! l’étiquette, zou ! le flacon glissé
dans la boîte en carton dépliée/repliée, avant d’être mis sous cellophane… C’est
un peu Les Temps modernes, un peu Playtime…
Je crois deviner
une bouffée de Mitsouko. Mais non, c’est mon pull. Nous n’avons rien senti, en
somme, lorsque nous déboulons dans le parking ensoleillé pour céder la place à
une foule de plus en plus dense… L’orgue de Jacques Guerlain, exposé avec les
flacons historiques, ne nous aura pas livré ses secrets. Si on n'y a pas mis le nez, c'est qu'on a été très gentiment accueillis et qu'on est vraiment très bien élevés.
Aucun appareil
photo n’ayant été autorisé durant la visite, voici un lien vers la vidéo réalisée par Le Parisien et Daily Motion à l’occasion de ces Journées Particulières.
Photo repiquée sur le site des Journées Particulières de LVMH pour la même raison!
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