Le gardénia
serait-il la nouvelle tubéreuse ? Fleur blanche, fleur verte, réinterprétable
au gré des parfums puisqu’il n’en existe aucun extrait, on peut le jouer
fraichement coupé et gorgé de suc tout comme on peut lui faire frôler la
corruption. La note figure dans plus d’un lancement mainstream (de Jour d’Hermès à Nina l’Eau en passant par Bottega
Veneta Eau légère). Elle a récemment eu la vedette dans quelques soliflores
marquants. Avec Une voix noire, Serge
Lutens et Christopher Sheldrake la cueillent dans la chevelure de Billie
Holiday pour la tremper dans la confiture et le tabac. Carlos Huber et Rodrigo
Flores Roux d’Arquiste la piquent à la Boutonnière
d’un dandy, et l’éclaboussent d’une cologne aromatique.
Pour Gardez-moi, François Hénin de Jovoy a
demandé à Bertrand Duchaufour une vamp florale en guise d’hommage à un parfum
du même nom lancé en 1926. Lequel Duchaufour s’est exécuté avec une composition
aldéhydée très fleur sculptée dans le savon blanc au réglage rétro maximal – c’est-à-dire,
puisque c’est tout de même Duchaufour, que ça vire très vite à la modernité. Le
gardénia domine ce bouquet, tendance dominatrice des beaux quartiers plutôt que corolle
meurtrie. L’effet mousseron de la fleur lorsqu’elle se flétrit reste discret
(on n’est pas dans l’hystérie du regretté Velvet Gardenia de Tom Ford). C’est le côté vert-fruité-aqueux qui ressort – une goutte
de jus de melon, une lichette de banane pas mûre, et un « bouquet
framboise » revendiqué dans le dossier de presse.
D’après le
charmant monsieur Hénin, le gardénia était une fleur qu’on offrait à sa
maîtresse dans les Années Folles. C’est pourtant une indiscrète, capable de
tatouer un homme de la tête aux pieds. À ce titre, Gardez-moi remplit son programme – ou sa menace ? Sa fleur
colle à la peau et affiche son sillage comme une irrégulière qui refuserait la
rupture. D’où l’illustration ci-dessus : l’aristocrate secrètement
sentimentale jouée (Mila Parely) s’accrochant à Marcel Dalio, pusillanime
marquis de la Chesnaye, dans La Règle du
jeu de Jean Renoir. Parce que tous les prétextes sont bons pour évoquer
Renoir. Mais aussi parce que la féline Parely évoque le chat noir du flacon créé
par Baccarat pour le premier Gardez-moi
(ordre intimé par plus d’un chat, entretenu comme une maîtresse…). Après tout, le gardénia a bien inspiré un parfum appelé Ma Griffe... Même les fleurs sans épines peuvent faire saigner.
La bouteille chat - je la veux!! Le parfum Jovoy, faut sentir. Mais j'ai déjà acheté Les Jeux Sonts Faits et je contemple Private Label... Les nouveaux parfums Jovoy sont bien meilleurs que ceux que j'ai senti il y a quelques années. J'ai hâte de visiter la boutique parisienne.
RépondreSupprimerTara, n'est-ce pas qu'elle est sublime? Quand j'étais petite, je convoitais celle de Max Factor (nettement plus kitsch, je l'admets), elle aussi en forme de chat noir.
RépondreSupprimerMonsieur Hénin est effectivement charmant, j'ai un excellent souvenir de mon passage à sa boutique rue Daniela Casanova. Le Gardénia, une bonne excuse pour y retourner...
RépondreSupprimerColumbine, d'autant plus que la nouvelle boutique rue de Castiglione est magnifique -- François Hénin a souvent eu la gentillesse de m'y laisser faire salon avec des journalistes ou des visiteurs de l'étranger. Accueil toujours parfait!
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