Le corps d’une femme magnifique, enveloppé d’un linceul immaculé, est retrouvé dans une barque sur la Seine, quai des Orfèvres, comme pour narguer la PJ. La victime était l’égérie d’Idole, le nouveau parfum Jean Patou. Seul indice retrouvé sur la dépouille : la carte de visite de Camille Beaux, parfumeur-maison de Patou, qui devient le premier suspect de l’enquête…
Toute ressemblance avec des personnages réels n’est pas fortuite, puisqu’Ingrid Astier, grande amoureuse des parfums et auteur de Quai des Enfers, publié dans la prestigieuse collection Série Noire de Gallimard, a calqué son personnage sur celui de son grand ami Jean-Michel Duriez. Si elle l’a appelé Beaux, c’est bien entendu pour rendre hommage à Ernest ; quant à Camille, c’est le prénom préféré de Jean-Michel Duriez. Cependant, il ne faudrait pas entièrement confondre Camille Beaux avec son modèle : le personnage fictif est un parfumeur en pleine traversée du désert après la création de son best-seller Eau de Voilette (clin d’œil à Marcel Duchamp), tandis que Jean-Michel Duriez, comme il l’explique lui-même en souriant, n’a jamais eu de best-seller, mais qu’il travaille énormément à plusieurs lancements pour Rochas.
Une part de l’énigme de Quai des Enfers tourne autour des roses tailladées déposées chaque nuit sur le pas de la porte de la victime, et sur la façon dont elle a été assassinée, inspirée par le tableau de Lord Lawrence Alma Tadema, Les Roses d’Héliogabale. Le crime ébranle à tel point Camille Beaux qu’il doit l’exorciser par une nouvelle création iconoclaste. Il s’agit « d’attaquer la beauté » en accentuant le côté butyrique, gras, animal de l’absolue de rose de Mai. « Une fleur mourante, au bord du supplice, qui rend son dernier souffle face au loup, à ses poils graisseux et musqués nourris de l’excitation du sang arraché aux pétales… » (p.258).
Le résultat s’affiche en page 343 de Quai des Enfers : pour la première fois, une formule de parfum complète (et originale) s’intègre à un roman. Rose, costus, gingembre, castoréum, ethyl maltol, maple lactone, oxyde de rose… Tout y est.
Ingrid Astier, explique Jean-Michel Duriez, voulait faire de ce parfum l’un des ressorts de l’intrigue, et ne cessait d’interroger son ami parfumeur pour vérifier ses idées. Il a fini par écrire la formule, qu’il lui a transmise par fax et qui est reproduite telle quelle dans le livre. Puis, divine surprise pour l’auteur, il l’a pesée et lui en a fait livrer un flacon chez elle !
Dans le roman, le parfum s’appelle Rose de Nuit. Le nom lui sied, mais il est déjà pris par un parfum Serge Lutens. Sortira-t-il un jour sous une autre étiquette ? On peut toujours l’espérer. Et, en attendant, tenter de le humer dans le sillage d’Ingrid Astier.
Vous en aurez peut-être l’occasion vendredi 12 mars à 18.30 à la librairie La Manœuvre, au 58, rue de la Roquette, Paris 11ème : Ingrid Astier y sera présente pour une signature en compagnie d’un autre auteur de la Série Noire, D.O.A.
La nouvelle est merveilleusement excitante!
RépondreSupprimerUn bon polar où le parfum joue les protagonistes - et quel parfum, un Patou, avec ça! L'allusion à la Belle Haleine de Duchamp est délicieuse, l'hommage(?) à Lutens intrigant (quoique "rose de nuit" n'est pas foncièrement distinctif, comme nom)... En tout cas, voilà qui s'ajoute immédiatement sur ma liste de lecture, pour sûr!
Ce qui aurait été fantastique, mais impraticable j'imagine, ç'aurait été un coffret livre-parfum, ne fut-ce qu'une fiolette, pour l'avoir dans le nez en lisant...
(Je me demandais pourquoi l'Alma-Tadema n'était pas en tête de post, mais il est dans la VA, of course!)
Six', je suppose que ce n'était pas dans les moyens techniques envisagés par Gallimard... Mais avec les matériaux sous la main, ça pourrait se faire puisque la formule est reproduite telle quelle.
RépondreSupprimerEt, oui, ça m'a embêtée de ne pas remettre le tableau sur les deux posts mais comme les lecteurs côté anglais ne pourront pas lire le roman d'Ingrid, ils ont droit au prix de consolation.
génial, de la lecture et du parfum :) mes deux occupations favorites, merci pour cette information, j'iria m'acheter le livre dès mon retour de vacances,
RépondreSupprimersoph
La lecture du post m'a excité à tel point que j'ai fait immediatement click sul le lien à amazon et...je l'ai déjà acheté!!
RépondreSupprimerJe le signalerai sur la page Boudoir 36 de Facebook pour en conseiller la lecture aux fans qui lisent le francais! Merci beaucoup Denyse!!
Soph, Antonio, eh bien voilà! Bonne future lecture!
RépondreSupprimerSuper, j'ai hate d'acheter ce livre a Montreal cet ete! La lecture et le parfum, mes deux activites preferees. Ca fait tellement longtemps que je n'ai pas lu de roman qui fait du parfum un theme majeur... le dernier en memoire, c'est Parfum de Patrick Suskind
RépondreSupprimerTara, je n'irais pas jusqu'à dire que c'est le thème majeur du roman: c'est l'un des fils narratifs, tout simplement. Mais il y a de quoi se mettre sous le nez... Quand tu seras à Montréal, cherche aussi deux autres livres d'Ingrid, de petites anthologies littéraires auxquelles elle ajoute ses délicieux commentaires: Le goût de la rose et Le goût du parfum. Et l'énorme anthologie d'Elisabeth de Feydeau pour les éditions Bouquins (où figurent en principe deux de mes textes) devrait être parue d'ici là. Donc tu ne manqueras pas de lecture!
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