« Un truc pour quadras en plein flip. »
C’est le verdict un brin peau de vache de l’experte ès parfums canadienne Marianne Bendeth, interrogée par le Toronto Globe and Mail sur Candy de Prada.
Allez, je veux bien qu’on me donne une seule bonne raison, rien qu’une, je ne suis pas exigeante, pour ne pas flipper vu les temps qui courent, qu’on soit né en 1950 ou en 1990. Une seule. J’achète. Là. Tout de suite. Vous séchez ? Bon, disons celle-ci : Candy.
Que mesdames Prada et Andrier, qui nous ont jusqu’ici proposé des jus merveilleusement propres sur eux, des jus que la bourgeoise milanaise la plus coincée dans son tweed ne renierait pas, nous collent un caramel, ça me réjouit. Acheté dans une confiserie du Corso Como, soit. Mais quand même : l’antithèse absolue de l’infusion. Ça a beau être un vrai terme de parfumerie, l’infusion, ça vous a quand même un petit côté mamie qui redoute les insomnies, les kilos ou les indigestions. Tant qu’à flipper, autant se shooter aux bonbons. Et c’est justement là qu’on la reconnait, la Prada : c’est son côté mauvais esprit, qui m’a toujours paru évident dans ses vêtements, manifestement destinés aux femmes assez intelligentes pour comprendre leur aspect un brin revêche, un peu ingrat en fin de compte. Leur truc pas foncièrement fait pour plaire aux hommes, un peu comme la culotte rose remontée jusqu’au nombril de Léa Seydoux dans le spot de Jean-Paul Goude…
Candy aussi, d’une certaine manière, ça sait se passer d’hommes… Le bonbon, c’est une sorte d’auto-érotisme. Ça se suce en solo. Mais Candy donne un tour de plus dans l’ingratitude en ce qu’il déjoue les attentes du public parfums-Prada. Du caramel, peut-on imaginer plus commun ? Plus clicheton pour draguer la minette ? Non, Miuccia, pas vous, pas ça ! Eh bien si. Et qui plus est, habillé d’un étui rose shocking qui a beau renvoyer à l’autre Italienne, là, la grande Elsa et son jus carrément obscène des années 40, rappelle quand même aussi furieusement C’est la vie, le méga-flop 80s de Christian Lacroix. Et pour enfoncer le clou, orné d’une illustration – par le grand François Berthoud, soit, mais digne d’un couve de bouquin chick-lit.
Candy est peut-être tout bêtement destiné, en effet, à racoler la minette ou la quadra flippée, aussi déprimées que le marché. Mais c’est peut-être aussi l’équivalent pradesque de L’Eau Serge Lutens : être là où on ne vous attend pas. Et, dans le cas de Miuccia, exposer tout d’un coup la veine de mauvais goût – donc de goût tout de même – qui court sous la maison.
Mais qu’on le sente attentivement, ce Candy, et on se rend compte qu’il est d’une facture très proche, par exemple, d’un Infusion d’Iris. Et que le caramel n’est guère au fond que l’aspiration secrète du benjoin, sa façon de s’encanailler. Ce caramel, Daniela Andrier le gonfle jusqu’à en faire une espèce de bulle d’un micron d’épaisseur. Par là-dessus, elle fouette le benjoin façon cuisine moléculaire jusqu’à ce qu’il écume, poussé par un musc vaporeux. Tant qu’à faire sucré, autant aller carrément dans le vrai sucre plutôt que l’aspartame, mais en allégeant la texture. Ce Candy-là ne porte pas sur les hanches ou le foie. Présenté sur une base qui relève l’aspect boisé de la vanille – autre facette du benjoin -- c'est en fait une composition impeccable et délicieuse à porter.
Les amateurs de parfum vintage remarqueront d’ailleurs que le spot de Goude renverse le scénario d’une vieille pub pour Tabu de Dana, où le violoniste étreint passionnément la pianiste : cette fois, c’est l’élève qui viole(nte) le prof. Dans le temps, « le parfum défendu » parlait de sexe. Aujourd’hui, le tabou, c’est le sucre. Dont acte.
Prada, maligne, a bien compris que ses clientes avaient besoin de réconfort. Pas forcément parce qu’elles veulent, par une senteur sucrée, se donner des faux airs de gamine. Mais parce que quelques grammes de douceur dans un monde de brutes, ça ne se boude pas. Ça se grignote dans le boudoir.
sbonjour Denize,
RépondreSupprimerje viens encore de poster un commentaire et crois qu'il n'apparaît pas. Ne m'en voulez pas, au cas où il apparaitrait malgré tout...
J'y disais que bien sûr, on ne peut être que surprise par cette note incongrue et racoleuse normalement dévolue aux teenagers pour les affoler et les rendre addicts.
oui, la marque retombe sur ses pieds, et c'est sans doute tant mieux et en plus plein d'esprit.
Mais au-delà du clin d'oeil, que penser, disais-je, de ces parfums qui promettent une chose et en tiennent une autre? Parfums schizophrènes qui dévoilent une personnalité après une autre. (je veux bien que le caramel soit ultra aéré et moléculaire mais tout de même, il n'en reste pas moins un vrai caramel chaud qui laisse très vite la place). Le fil de l'intention se perd presque dans le temps.
Et vous, Denyse et tous ses merveilleux suiveurs de son blog, que pensez-vous de ce type de surprise et des parfums à tiroirs ?
carmenca
Bonjour Carmencanada!
RépondreSupprimerComme quoi, tout n'est pas perdu: le talent et la créativité peuvent nous réconcilier avec tous les thèmes, même les plus éculés. Pourvu qu'ils soient "pris au sérieux"...
Je me permets de vous signaler une coquille dans le texte: je pense que c'est "foie" au lieu de "fois", si j'ai bien compris la phrase.
Saxo
Carmenca, pour moi il n'est pas particulièrement dérangeant que l'accord caramel s'estompe dans la mesure où c'est une facette du benjoin, qui le reprend en mode mineur. Passé le premier coup de miam, ça rend le parfum plus vivable. Je dirais qu'à la limite, ce caramel est une sorte de mot d'esprit.
RépondreSupprimerSaxo, j'ai été la première étonnée de craquer sur un parfum qui, en théorie, n'était pas ma tasse d'infusion... Comme quoi il ne faut jamais écarter une note par principe! Et merci de m'avoir signalé la coquille, on a beau se relire deux fois, il y en a toujours qui trainent...
RépondreSupprimerDe rien!
RépondreSupprimerJe l'ai senti cette après midi, ce Candy. Une bonne surprise, je dirais qu'il y a juste ce qu'il faut de douce folie dans la maturité (ou l'inverse :D). Ce qui domine, c'est un net sentiment d'équilibre.
Parenthèse: J'ai aussi découvert Eau d'Ikar de Sisley. Un vrai coup de cœur. C'est l'un des meilleurs masculins que j'ai sentis cette année.
Saxo
Saxo, eh bien voilà, Mme Bendeth a peut-être raison sur les quadras qui flippent... et qui jouent les gamines. Après tout, hein, pourquoi pas?
RépondreSupprimerPas senti le Sisley, merci de me l'avoir indiqué. Encore une expédition au Sephora du quartier à prévoir!
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerJe le trouve assez bien foutu moi ce Candy. Calorifère à fond, mais tout en cohérence. L'anti-thèse de l'Infusion (ou alors on absorbe des litrons d'infusion pour se faire croire que ça peut draîner/traquer/chasser la calorie).
RépondreSupprimerN'était cette énième égérie prada-esque puisée dans le sac de Christophe Honoré, ou encore ce flacon-champignon-appuyez sur le buzzer siouplé, je trouve le tout là où je ne l'attendais pas. Et j'aime bien être parfois surprise surtout quand c'est agréablement. Prada qui verse dans le mauvais goût ça en devient presque trop hype.
Candy n'est toutefois pas le sirop que je porterai, sauf en cas de régime, peut-être.
Lamarr, je me demande combien de testeurs vont être explosés par des gens qui, comme moi, n'ont pas compris que le pschitteur n'était pas le bouchon et qui ont allègrement décapité le flacon?
RépondreSupprimerOui Denyse, faut juste appuyer sur le champignon !
RépondreSupprimerC'est que, dès qu'on dépasse la quarantaine, on est parfois un peu larguée question manipulations hi-tech :-)
Lamarr, mais non, c'est qu'on n'est pas des blondes...
RépondreSupprimer