lundi 5 avril 2010

Le Gardénia Grand Soir de Parfumerie Générale: Une Fleur en petite tenue



Cher Pierre,

Il faut qu’on se parle.

J’avoue que j’ai été un peu surprise en recevant l’édition limitée de ton Gardénia Grand Soir alors que j’avais cru comprendre que tu faisais une petite pause après le lancement de ton Papyrus de Ciane. Mais comment bouder ce qui me semblait une invitation à t’accompagner à un gala ? J’ai envoyé au pressing ma robe du soir en velours des années 30 taillée dans le biais, et retiré la broche en diamants de mamie du Mont de Piété, prête à jouer les Joan Crawford, avant qu’elle ne nourrisse ses sourcils aux anabolisants.

Mais si ce gardénia est « grand soir », alors je peux me pointer à un mariage mondain en nuisette de satin… À moins que le nom ne représente une allusion au second degré à la notion marxo-anarchiste du « Grand Soir » de la rupture révolutionnaire ? Euh… sans doute pas.

Je sais bien que tu ne pouvais pas jouer les gardénias décadents, crémeux, champignonnés comme le Velvet Gardenia du beau Tom (remarque, depuis qu’il l’a retiré de sa collection, je lui cherche un remplaçant). Ton gardénia à toi pousse dans le même terreau que le jasmin de Drama Nuuï, et n’est pas plus que lui du genre à faire un drame : c’est un souffle ténu de fleur blanche teintée de vert dans lequel passe, me semble-t-il, un très léger crépitement ozonique, plus bourgeon que corolle, par une nuit de printemps trop frisquette pour livrer ses effluves. Lorsqu’il se chauffe sur la peau, il dégage une touche fumée-lactonique de santal avec un soupçon d’effet caramélisé.

Peut-être qu’en été la beauté gracieuse et sans apprêt de Gardénia Grand Soir saura s’épanouir : j’y compte bien, car je crois que ton intention était de donner une interprétation très naturelle, presque « headspace » de la fleur… Mais je ne peux m’empêcher de trouver que tu me traites un peu à la légère. Bien sûr, contrairement à ses sœurs plus charnelles, ce gardénia n’étouffera pas par son sillage l’arôme des lamelles de truffe du dîner… En attendant, heureusement que tu es un convive délicieux, car je n’ai pas tiré plus qu’un murmure de ce gardénia de toute la soirée.


10 commentaires:

  1. Oh, quel dommage!

    J'en attendais beaucoup, de ce gardénia... plus exactement, un type headspace, mais warts'n'all - l'extraordinaire parfum du gardénia naturel juste un peu avancé, capiteux en diable, avec une pointe de Bleu/champignon... ;)

    Enfin, je l'essaierai quand même, au cas où...

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  2. Sixtine, mon ton a-t-il semblé un peu sévère? Je le trouve très joli, ce gardénia, mais pour ça, il n'entre pas dans la famille des fleurs blanches corrompues. Je ne pense pas que c'était l'intention de Pierre Guillaume, cela dit. C'est juste que le nom me faisait espérer autre chose.

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  3. Un gardénia- lutte finale ? Voilà un défi lancé aux parfumeurs, bien que je ne sois pas sûr d'avoir envie de le sentir sur les barricades !!!

    Quant à celui de PG, peut-être faut-il comme tu le suggères attendre la remontée des températures ? Dans ces conditions un simple souffle de mousseline peut tout de suite faire grand soir si la dame est d'humeur... disons nocturne...

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  4. Thierry, imagine un peu un gardénia soixante-huitard et anar... Non, en fait, je préfère pas, moi non plus.
    Quant à la mousseline... pour l'instant, hélas, ça va devoir attendre.

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  5. Eh, c'est surtout que vu le nom, je m'attendais moi aussi à un gardénia plein de superbe, et j'avais lu quelque part qu'il se voulait très réaliste... ta description d'un gardénia bourgeon plutôt qu'éclos me dit que ce n'est pas du tout ce que j'espérais! (ce qui ne veut pas dire qu'il est de facto mauvais, bien entendu!)

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  6. Sixtine, tout dépend, je suppose, de l'heure où on se trouve dans le jardin!

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  7. Bon, alors, que dire ? Que je suis (un peu ?) déçue ? Moi qui, tout comme toi CC lorgnais sur un remplaçant à Velvet Gardenia (mon flacon ne sera hélas pas éternel !), moi qui attendais, derrière cette appellation Gardenia de Nuit une fleur blanche toute opulente, charnelle, touffue, presque moite, une "Savannah flower", me voici toute désenchantée. Le gardenia, je l'aime uniquement très opulent, sur le déclin et presque fâné, la fleur piquée sur la tempe de Lady Day en toute fin de concert, fatiguée, repue, voix brisée.
    Donc exit la voix roulée dans le gravier, mais plutôt là, à te lire, un filet de voix très (trop ?) fluet ?

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  8. Lamarr, eh bien non, ce n'est pas ça du tout... Visiblement, ce n'était pas non plus l'effet recherché par PG.

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  9. Quelle deception! J'attendais avec impatience ce gardenia avec le nom si prometteur.

    Que penses-tu de sa Tubereuse Couture?

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  10. Tara, je voudrais retester Tubéreuse couture dans le cadre d'une série Tubéreuse. Je ne l'ai pas assez porté pour dire quelque chose d'intelligent dessus.

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