Ce printemps souffle un air de
renouveau dans ma vie : le livre entamé il y a deux ans est enfin sorti;
Séville à l’aube a pris une forme physique après avoir longtemps évolué sous le nom de Duende dans des fioles étiquetées à la main. Je suis
évidemment fière que ces deux projets aient été menés à terme, mais à vrai
dire, je m’en sens également dépossédée. Le livre et le parfum sont désormais
des produits, commercialisés par des
entreprises, offerts à la vente à des clients qui en useront à leur gré.
Je ne suis pas encore passée à un nouveau livre puisque je finalise la traduction française de The Perfume Lover. Mais j'ai entamé le développement d’autres parfums. Et depuis décembre dernier, j’ai renoué avec le journalisme en tant que rédactrice parfums de Citizen K, où je m'amuse d’autant plus que ma boss, la grande Maïté Turonnet, m’encourage à être irrévérencieuse si le sujet s’y prête, un privilège rare dans la presse de luxe.
Je ne suis pas encore passée à un nouveau livre puisque je finalise la traduction française de The Perfume Lover. Mais j'ai entamé le développement d’autres parfums. Et depuis décembre dernier, j’ai renoué avec le journalisme en tant que rédactrice parfums de Citizen K, où je m'amuse d’autant plus que ma boss, la grande Maïté Turonnet, m’encourage à être irrévérencieuse si le sujet s’y prête, un privilège rare dans la presse de luxe.
Entre l’évaluation de produits en
développement et les lancements, je sens plus de parfums que jamais. J’ai donc
besoin de temps à autre d’appuyer sur le bouton reset pour me remettre au taquet et me dégager les narines. Les
parfums d’Edmond Roudnitska (Diorissimo et Eau Sauvage pré-reformulation, Le
Parfum de Thérèse) me font cet effet-là, mais je les ai si souvent cités dans
ces Top 10 saisonniers qu’il faut que je passe à autre chose.
Voici donc ma sélection de parfums
qui dégagent une odeur de renouveau printanier:
Molecule
01 de Geza Schoen pour Escentric
Molecules. Le comble du redémarrage? Faire du passé table rase pour
recommencer avec une seule molécule, l’omniprésent iso E super, arraché des
tréfonds des formules où il agit en lissant les autres notes et en les
harmonisant. Ici, c’est notre odor sui
generis, transformée en formule de parfum, qu’il exalte.
Aedes de Venustas eau de parfum par Bertrand Duchaufour. Double révolution :
conférer à l’accord rhubarbe, acide et fusant, une puissance et une rémanence
sans précédent, et s’en servir pour embrocher un chypre sombre, ce qui éclate
la pyramide olfactive. L’effet : un parfum intensément contrasté vert
fluo/noir d’encre, qui donne la sensation d’une pousse déchirant la terre
pour se frayer un chemin au soleil. Et un nouveau démarrage pour le parfumeur,
parti sur des « accords fous ».
Infusion
d’Iris Absolue de Daniela Andrier pour Prada. L’original fait déjà figure
de classique. Octavian Coifan le considère comme le Chanel N°5 du 20ème
siècle. Comme ce dernier, j’ai toujours eu un peu de mal tout en l’admirant à
porter l’Infusion d’Iris, pour moi d’une blancheur aveuglante de linge propre.
Dans cette nouvelle interprétation, le fusant des notes vertes est arrondi par
des notes baumées et une absolue de fleur d’oranger. Peut-on
améliorer la perfection ? Oui, quand on s’appelle Daniela Andrier.
Antonia
d’Annie Buzantian pour Pure Distance. Puisqu’après les exactions de l’IFRA
Diorissimo peine à retrouver son divin équilibre, Antonia peut prétendre au titre
de quintessence du floral printanier. Aussi impeccablement moderne et stylisé
que le chef d’œuvre de Roudnitska en son temps, trop délicat pour s’insérer
dans les codes du niche avec son accord abstrait dominé par un magnolia
doucement fruité, Antonia joue dans la cour des grands classiques : voilà
ce que les griffes les plus prestigieuses devraient nous proposer.
Chanel N°18 de Jacques Polge. Aussi limpide et facetté que les diamants de Chanel
Joaillerie qu’on lui donne comme inspiration, cet accord iris-rose-ambrette
dégage l’odorat comme une lampée d’alcool de poire glacé purifie le palais.
After Midnight d’Émilie Coppermann pour The Different Company. Comme Chanel N°18,
cette “faux de cologne” joue sur la limpidité de l’ambrette, mariée à l’angélique,
autre musc végétal aux facettes herbacées intensifiées par la
verdeur du lentisque.
L’Éther
d’Olivia Giacobetti pour Iunx. Éther: « Le fluide subtil considéré comme l'un
des éléments fondamentaux ou la substance fondamentale d'où procède toute la
création. » Vibration safran-rose-myrrhe tenue par l’encens et un santal
dématérialisé, L’Éther d’Iunx traduit l’odeur du Cinquième Élément des anciens,
c’est-à-dire, littéralement, la quintessence..
L’Eau de Chloé by Michel Almairac. L’odeur du renouveau peut également se
traduire par une approche inédite d’une note rebattue. Dans L’Eau de Chloé, c’est
en recourant à la plus ancienne façon d’évoquer la rose – l’eau de rose – qu’Almairac
la renouvelle, une première en parfumerie fine.
Corps et Ames edt apaisante de Pierre Guillaume pourr Parfumerie Générale. Prendre
un nouveau départ, ce n’est pas forcément repartir à zéro. Pour le 10ème
anniversaire de sa marque, Pierre Guillaume revisite un parfum de 2006 et le
rend plus contrasté, expressif et lumineux.
Pohadka de Vincent Micotti pour Ys Uzac. Le sentiment d’un renouveau, on peut aussi
l’éprouver en découvrant l’interprétation d’une note rarement exploitée, en
même temps qu’une nouvelle voix. Bien qu’il évoque plutôt les tons mordorés des
vendanges avec ses notes foin-tabac moussues, Pohadka sent le printemps parce
que je ne l’ai pas senti mille fois déjà.
Pour d'autres Top 10 printaniers: Bois de Jasmin, Now Smell This, Perfume-smellin' Things et The Perfume Posse.
Illustration: Iris de Cy Twombly.
"no 18" et "L'ether" sont des parfums dont j'aurais plaisir à avoir 8ml.
RépondreSupprimerC'est le dilemme des parfums sentis au cour d'un marathon parfum.
Ils sont intéressants, mais pas un coup de foudre, et pourtant j'aimerais bien faire un bout de chemin avec. Pas d'échantillon offert, et 200ml c'est trop.
Je vois que tu arrives à renouveler tes "top ten". Pour nous, lecteurs, ça fait révision des nouveaux parfums que tu as commenté, comme l'étudiant avant un contrôle.
Sinon on aurait vent vert, cristal, et diorissimo à chaque fois :P
Je compte porter l'eau noire de Dior, parce que j'ai trouvé 250ml à bon prix sur le net, et que je le vis presque comme une histoire d'amour.
Parce qu'au lieu de refléter une part de moi-même, l'eau noire a quelque chose "d'autre" et de merveilleux. Quand je sens l'eau noire, j'ai l'impression de me voire dans le regard de l'autre, je me sens comme dans ses bras.
Un soleil un peu éblouissant de garrigue, le regard de l'autre qui fait baisser les armes, puis l'étreinte langoureuse qui suspend le temps.
Et pourtant "c'est tout à fait moi", je pourrais le porter avec beaucoup de plaisir. Les passant croiront que c'est mon odeur, alors que je le porte comme envelopper par l'odeur d'un autre.
J'adore l'effet réglisse.
Julien, cette altérité de certains parfums est très séduisante: je les appelle d'ailleurs mes "French Lovers", ceux qui m'emmènent là où je ne savais pas que j'irais...
RépondreSupprimerSinon, oui, en effet, j'essaie de renouveler les top ten en trouvant des thèmes et en me concentrant plutôt sur les nouveautés qui peuvent s'y intégrer, que j'aie déjà écrit dessus ou pas. Là aussi, ça me permet de "passer" certaines sorties qui s'accumulent autour de mon ordinateur avant qu'elles ne soient repoussées par d'autres!
J'ai un problème avec "Infusion d'Iris". La première fois que je m'en suis vaporisé sur le poignet, je ne sentais.... rien. Bon, je me suis dit que j'avais la "Petite Robe Noire" de Guerlain sur l'autre poignet et que celui-ci avait pollué mon nez et avec ses gros sabots, écrasé les pauvres iris de Prada... Peu de temps après, je m'en vaporise à nouveau les poignets dans un duty free, hop je sors de la boutique, attends un petit moment. Et dans l'avion, je resniffe mes deux poignets : je ne sens... rien ! Soit je ne suis pas faite pour être "parfumista" dans le sens que je suis incapable de ressentir les odeurs discrètes et subtiles, il me faut les "grosses Bertha", et les souks du Caire, soit il ne sent effectivement rien. Pas comme celui des l'Etat libre d'Orange, qui en porte le nom mais qui sent effectivement quelque chose, mais parce qu'il est tellement discret qu'il en est complètement inexistant.
RépondreSupprimerAmbre Rouge, voilà qui est décidément étrange... Vous êtes sans doute anosmique au musc utilisé (ce qui n'a rien à voir avec l'amour du parfum, c'est génétique), car Infusion d'Iris est un jus assez puissant.
RépondreSupprimer