Ce weekend, j'ai été heureusement surprise de découvrir dans le Los Angeles Times un article consacré aux livres sur le parfum, par Denise Hamilton, romancière et critique de parfum du L.A. Times, où The Perfume Lover figure en bonne place. J'ai donc tiré de mes dossiers les quelques notes que j'avais commencé à rédiger sur la question, que voici.
Dans le monde anglo-saxon, 2012 sera l’année du livre-parfum. Mais contrairement à la France qui reste dans le registre classique de l’histoire, par exemple la somme monumentale d'Élisabeth de Feydeay, ou des beaux livres – l’exception étant le Journal d’un parfumeur de Jean-Claude Ellena – les anglophones sont plutôt passés au narratif, voire à la fiction.
Dans le monde anglo-saxon, 2012 sera l’année du livre-parfum. Mais contrairement à la France qui reste dans le registre classique de l’histoire, par exemple la somme monumentale d'Élisabeth de Feydeay, ou des beaux livres – l’exception étant le Journal d’un parfumeur de Jean-Claude Ellena – les anglophones sont plutôt passés au narratif, voire à la fiction.
Mon propre livre relève d’un genre
hybride, mêlant les mémoires, la chronique de la création de Séville à l’aube à
des passages historiques, des essais et des rencontres. Celui d’Alyssa Harad du
blog Now Smell This, Coming to My Senses:A Story of Perfume, Pleasure and an Unlikely Bride (à paraître en juillet),
se rapproche d’un récit comme Mange, Prie, Aime d’Elizabeth Gilbert: l’histoire d’une femme
transformée par le parfum.
Les autres livres-parfums anglophones
sont des romans de genre : une fresque historico-romantique de Jan Moran, Scent of Triumph, and deux romans
policiers[i],
Damage Control de Denise Hamilton et The Book of Lost Fragrances de M.J. Rose
(ce dernier accompagné d’un parfum). En fait, le seul livre de cette nouvelle vague à relever de la
littérature générale a été rédigé par un homme, Keith Scribner, avec The Oregon Experiment, dont l’un des
personnages principaux est une créatrice de parfums.
Quant au fait que plusieurs des livres
où figurent des personnages de parfumeurs ou d’amateurs de parfums soient des
polars, il n’a rien au fond de très étonnant (voir note ci-dessous). Après tout, le seul et unique
best-seller sur le thème est le livre de Patrick Süskind, qui est, quand tout
est dit, surtout une histoire de serial killer. Il est vrai que le parfum est
intimement lié à la mort depuis des millénaires, et pas seulement parce que
chaque goutte est un cimetière de fleurs. L’un de ses usages les plus antiques
est l’embaumement. Et le premier personnage lié au parfum à figurer dans un
best-seller est celui de Marie Madeleine, qui porte des aromates au Saint
Sépulcre pour embaumer Jésus.
Le parfum charrie aussi la mort dans
son sillage par son aptitude à ressusciter le passé ; à évoquer la
présence de l’absent. Il peut donc faire fonction d’indice dans un récit, mais également
lui-même représenter une énigme à élucider à cause de la difficulté qu’il y a à
le traduire en mots. Écrire sur le parfum exige en effet des capacités
d’observation et de déduction dignes d’un détective : percer une part de
son mystère, c’est reconstituer son histoire à l’envers à la Agatha Christie.
La narration est également inscrite
dans la nature même du parfum. Que fait-on, en somme, lorsqu’on s’approprie un
parfum ? On tisse son histoire dans la nôtre. Comme le faisait récemment
remarquer Octavian Coifan, plus que n’importe-quelle œuvre de l’esprit, il se
lie intimement à nous car non seulement s’imprègne-t-il dans notre peau, cette
dernière barrière entre le moi et le non-moi, mais il s’infiltre en nous puisque chaque fois que nous le
respirons, nous en incorporons quelques molécules… Nous avons beau dévorer un
roman ou plonger dans un tableau, ils ne feront jamais chimiquement partie de
nous. Nous entrons ici dans le domaine de la magie. Et la pensée magique a toujours
relevé du faire-sens, du faire-récit, remonte à aussi loin que la première
larme d’encens brûlée dans le premier brasier par nos lointains ancêtres.
Illustration :
Et s’il fallait encore une preuve que les mondes de l’édition et du parfum
convergent, Steidl sort un jus qui sent le livre neuf, New Book, composé par Geza Schoen.
[i]
Rappelons qu’en France, Céline Ellena a rédigé plusieurs épisodes d’un polar
olfactif dans son blog ChroniquesOlfactives, et qu’Ingrid Astier s’est inspirée de Jean-Michel Duriez pour
créer l’un des personnages de son Quaides Enfers.
Un jus ! Quel jus, tu portes ? quel vilain mot et tellement peu représentatif.
RépondreSupprimerAnonyme, tiens, alors ça c'est insensé, j'aurais juré avoir écrit tout un billet et pas seulement un mot...
RépondreSupprimerDenyse, vous parlez merveilleusement bien du parfum et je vous avoue avec sincérité qu'à chaque fois que je lis le mot "jus" dans vos "billets", j'en suis désolée parce que cela casse votre belle plume. Définition du mot jus dans le dictionnaire du langage parfumé vendu par la SFP : "appellation pseudo-modernisante utilisée par certains pour désigner les parfums. On pourrait s'interroger sur la valeur symbolique de l'expression pour illustrer l'aspect esthétique et artistique du parfum. Son homologue en peinture serait la "croûte"....
RépondreSupprimerBloquer sur un mot, c'est sans doute comme bloquer sur une facette dans un parfum et ne plus pouvoir en percevoir la forme: agaçant, en effet. Mais parfois l'aspérité, le discordant, l'irrévérencieux, sont nécessaires au style, tous comme les trahisons du dictionnaire!
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