Dans son blog, la parfumeuse artisanale américaine Dawn Spencer Hurwitz livre deux infos qui permettent de mieux comprendre ce qui lui trottait dans la tête lorsqu’elle a composé Musk Eau Natural pour l’opération The Mystery of Musk. Tout d’abord, qu’elle a cru qu'il ne fallait pas s'écarter de la liste de matériaux à facettes musquées suggérée par Anya McCoy du Natural Perfumers Guild, à l’origine du projet. Résultat : forcément, Musk Eau Natural est le parfum le plus musqué des douze proposés.
Ensuite, lorsque Dawn a composé Musk Eau Natural (jeu de mot sur « au naturel », terme français passé à l’anglais qui signifie « tout nu »), elle travaillait sur une série de reproductions de parfums de l’Égypte antique pour une exposition au Denver Art Museum. Et ça se sent. Avec son débouché saturé, aromatique et presque médicinal, Musk Eau Natural n’est pas tant un parfum qu’une potion archaïque, le chaînon manquant entre la potion aphrodisiaque et les Guerlain de la période Art Déco dont Dawn s’est inspirée. Comme elle le souligne d’ailleurs dans son blog, les Années Folles ont été prises d’Égyptomanie après la découverte de la tombe du roi Toutankhamon par Howard Carter en 1922. Mais elles furent aussi, et c’est plus intéressant, une époque où les parfumeurs renouèrent avec les baumes et les résines de la parfumerie orientale : comme si les lignes épurées des robes-chemises des garçonnes, leurs cheveux courts et leurs membres dénudés exigeaient des ornements plus riches – d’où leurs broderies stylisées, leurs fards accentués et leurs parfums capiteux…
Mais si Musk Eau Natural se réfère aux parfums animalisés de l’entre-deux-guerres, ce n’est que par leurs notes de fond. Le parfum n’a pratiquement pas d’axe vertical : les notes de tête intensément aromatiques, herbacées et presque anisées se consument rapidement, après quoi le parfum est dominé par la facette musquée qu’acquiert l’angélique après une phase initiale verte et boisée, et l’ambre du labdanum – d’ailleurs, ces deux matériaux s’affirment à tel point qu’ils absorbent les autres, ambrette, rose, jasmin, santal, vétiver, oud, patchouli et cumin – enrobés des effet gras, miellés et animaux de la cire d’abeille. Une touche de costus, avec son moelleux de cheveu sale et de laine de mouton, achève de marier Musk Eau Natural à la chair. Et c’est là qu’il s’insinue, intime, suave et un peu gras, comme s’il était exsudé par la peau d’une hétaïre nourrie aux résines. Musk Eau Natural est l’odeur d’une ère oubliée où les femmes s’oignaient rituellement avant l’amour. S’il était présenté en huile, j’en enduirais mes seins et mes aisselles, avant d’en laisser quelques gouttes ruisseler où elles veulent… Et j’en garderais quelques-unes pour Isis.
Musk Eau Natural, ainsi que trois variations sur le thème, est en vente sur le site de Dawn Spencer Hurwitz en édition limitée à 20 flacons chacune.
Illustration: Détail d'un tableau de Pierre Bonnard.
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