mercredi 2 juillet 2008

Bulgari Black: Shalimar pour répliquants



Les timides débuts de canicule parisienne ont viré à la pluie, mais l’asphalte a encore assez avalé de chaleur pour dégager une odeur de bitume, de caoutchouc brûlé et de vapeur…
L’odeur de Bulgari Black.

Cette composition monumentalement étrange de la grande Annick Ménardo, lancée en 1998, fait figure d’OVNI dans le monde de la parfumerie.

Avec son flacon cerclé de caoutchouc noir comme un palet de hockey dessiné par Thierry de Baschmakoff, il affiche une gueule résolument virile-urbaine, bien qu’il ait apparemment été conçu comme un masculin/féminin. D’après Osmoz qui ne fournit aucune note à part le thé noir, c’est un parfum « sans pyramide olfactive », aussi « monolithique » que la pierre noire de 2001, l’Odyssée de l’espace. Mais Robin de Now Smell This mange le morceau : thé noir, bois de rose, bergamote, cèdre, mousse de chêne, vanille, ambre, santal et musc. Je décèle en outre une odeur de réglisse qui est sans doute une facette de l’isobutyl quinoléine (celle qui confère son odeur cuirée à Bandit), et il me semble que la coumarine, avec son odeur douce et ronde de foin et de tabac frais, est plus prédominante que la vanille… Peut-être aussi une touche d’héliotropine – la note prédominante de L’Heure bleue.

Ménardo a depuis récidivé dans l'oriental fumé – Guerlain Bois d’Arménie, Le Labo Patchouli 24 – mais elle n’a, à mon sens, jamais fait plus fort que cette buée urbaine aux relents BDSM. Un coup à vous faire virer fétichiste…

Je pourrais comparer Bulgari Black à toute une série d’accidents de parcours ou de pratiques étranges…

Un : j’ai lâché mon macaron à la réglisse dans ma tasse de Lapsang Souchong.

Deux : je me suis talqué les fesses à la poudre de riz avant de passer ma jupe bondage en latex noir.

Trois : je traverse une banlieue où l’on a fait brûler des pneus dans un taxi dont le chauffeur a suspendu l’un de ces petits sapins parfumés à la vanille sur le rétroviseur.

Quatre : je me suis arsouillée au whisky pur malt le plus tourbeux de la planète avant de me gargariser au Shalimar.

Shalimar : voilà. Celui que je possède est vintage – je ne peux donc pas juger de la version actuelle – mais il possède indéniablement cette note goudronnée et cuirée qui remonte à travers la bergamote et la base vanille-coumarine. Bulgari Black en est en quelque sorte la version postmoderne, ce qui le classerait dans la famille des orientaux. Moins coup de massue que Bandit, mais définitivement dans la même catégorie, celle des grands androgynes culottés. Luca Turin et Tania Sanchez le classent dans leur liste des 10 meilleurs féminins, choix auquel j’adhère sans hésiter : ce jus de science-fiction est l’un des plus originaux de l’histoire de la parfumerie.

Digne des lignes de niche les plus ésotériques, étrangement difficile à trouver en parfumerie mais disponible en ligne pour une (relative) bouchée de pain.

Image : Darryl Hannah, l'androïde Priss dans Blade Runner de Ridley Scott(1982).

6 commentaires:

  1. je suis d'accord, c'est un parfum beau, étrange et urbain,j'ai un peu de mal avec ce style de parfum, je vais essayer d'y revenir. Dans ce "style", j'aime aussi Or black de Morabito qui est la version masculine de Or noir, et aussi le Jacomo Noir

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  2. Vero, j'ai honte, je n'ai essayé ni l'un, ni l'autre... Toujours la même histoire: trop de parfums, pas assez de peau!

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  3. C'est un des films les plus aimes pour moi (rare pour le genre de sci-fi), alors c'est fascinant de voir des photos ici! :-)
    En concernant l'odeur du parfum, nous sommes d'accord encore une fois; c'est tres vanilleuse (?) peut-etre et en comparant avec Dzing par example, c'est plus evident: Shalimar for non-kholed filles; c'est vrai!

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  4. Helg, en effet il n'y a que Dzing qui s'en approche, mais il a une substance, une épaisseur plus animale... Blade Runner est bien plus qu'un film de science-fiction, c'est un classique qui a influencé notre vision dystopique du futur. Je me rappelle l'avoir dit à mon compagnon lorsque nous sommes sortis de la salle, en 1982! Maintenant, je dois trouver un parfum pour Sigourney Weaver dans Alien...

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  5. C 'est drole je deteste les films de science-fiction alors que je suis passionnee de cosmologie qui utilise principalement l'arsenal des mathematiques et de la physique...mais je comprend qu 'un tel film depasse le cadre "science-fiction", c 'est un peu comme lire le marquis de Sade, ses publications sont avant tout des contes philosophiques et non du porno, ce que les gens ne comprennent jamais.

    Honte a mon tour, je n 'ai jamais teste Black de ma vie, c 'est pas l 'occasion qui m 'en manque, juste que la marque Bulgari j 'aime pas, je peux meme pas dire vraiment pourquoi, je suis bourree d 'apprioris commme ca...tant pis pour moi!

    Moi aussi j 'ai un vintage de Shalimar parfum, il a ce cote goudronneux et cuir qu 'on ne retrouve absolument pas dans l 'actuelle version (meme effet avec mon vintage No 5 extrait), quoique la version des annees 90 etait pas mal, il y avait plus d 'encens alors que mon vieux vintage je ne sens pas trop d 'encens (je connais pas la date de production mais je l 'ai achete sur ebay dans sa boite encore scellee et quand je l 'ai ouvert il etait evapore au tiers).

    emmanuella

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  6. E., on a tous des idées préconçues sur certaines marques... Je suis d'un snobisme effréné sur la question! Mais Black vaut la peine de les dépasser. Quant à Blade Runner, c'est tout de même du Philip K. Dick à l'origine, un auteur qui a franchement fait exploser les limites du genre... Je le lisais, parallèlement à Sade, d'ailleurs, quand j'avais 15 ans, et ça se relit toujours.

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