dimanche 31 mai 2009

Odalisque des Parfums de Nicolaï : Tout, sauf orientaliste


L’Odalisque de Patricia de Nicolaï est l’une de ces symphonies de fleurs blanches sur lesquelles personne ne tombe vraiment d’accord. Est-ce un muguet ? Une tubéreuse ? Un gardenia? Un jasmine? Voire un iris?

Un partout. Ce bouquet indéfini donne à Odalisque les contours flous d’un beau visage filmé à travers la mousseline… Un visage qui pourrait être celui de Gene Tierney, née à Brooklyn mais souvent vouée aux rôles de femmes fatales exotiques (elle a joué une fille de harem, une Russe, une Italienne, une princesse égyptienne, et deux fois une métisse anglo-chinoise). Beauté d’origine indéfinissable, mais, en fait, 100% Américaine.

Malgré son nom – je n’ai jamais compris tout à fait la logique qui présidait aux baptêmes de certains des Parfums de Nicolaï – Odalisque ne renvoie pas plus au harem que La Grande Odalisque d’Ingres. Peut-être encore moins, puisque contrairement aux parfums de la famille « orientale » qui sont des fantasmes occidentaux de l’Orient au même titre que la plupart des tableaux orientalistes du 19ème siècle, Odalisque est, en réalité, un Grand Floral Blanc des 80s de l’école française.

Mais contrairement à ses prédécesseurs Giorgio (1981), Jardins de Bagatelle (1983) et Poison (1985), Odalisque¸ lancé en 1989, a retiré ses épaulettes. Elle n’envahit pas : elle nimbe. La tubérose se résume à une lueur rose vif à la fraîcheur mentholée ; le gardénia est un traditionnel « gardénia parfumeur », c’est-à-dire l’évocation du gardénia rendu par la parfumerie classique plutôt que le portrait de la fleur vivante, avec ses légers remugles de champignon. Le muguet est une sensation verte abstraite et le jasmin, un chuchotement souligné d’une note fruitée (la pyramide olfactive annonce la bergamote et la mandarine, mais je sens de l’abricot), qui rappelle le plus tardif J’Adore de Dior (1999).

L’action la plus intéressante se déroule dans les notes de fond, sous le halo poudré du musc et de l’iris, avec un infime soupçon de Shalimar (l’opoponax chaud et ambré) et l’odeur de sous-bois d’Evernia Prunastri. C’est la mousse de chêne qui ancre l’accord floral blanc d’Odalisque en lui infusant une amertume mystérieuse, et qui l’attire vers la famille des chypres (le site de PdN le classe d’ailleurs dans les chyprés verts).

Le parfum est merveilleusement bien composé, un peu rétro et d’un excellent rapport qualité-prix, si le packaging vous importe peu (les flacons et les boîtes des Parfums de Nicolaï auraient nettement besoin d’être tirés vers le haut : ils ne rendent pas justice à la qualité de ce qu’ils contiennent).

Si vous aimez Odalisque, cependant, un petit conseil : faites vos stocks. La présence de la mousse de chêne annonce très certainement une reformulation imminente.

Image: Gene Tierney dans Sundown d'Henry Hathaway, 1941.

18 commentaires:

  1. Ah, les flacons et les dénominations des parfums Nicolaï... il y aurait beaucoup à faire...

    Tiens, tiens, je ne savais pas qu'il y avait autant de versions concernant le tempérament floral dominant... pour moi le muguet s'impose...
    Cependant, même si comme pour d'autres parfums de la même marque on peut évoquer un certain classicisme, voire un côté rétro, je suis étonné que vous ne mentionniez pas l'étrangeté un peu futuriste de cette composition où l'hélional me semble-t-il (???) tire l'ensemble dans une atmosphère un peu saline. Finalement, je le trouve assez inclassable...
    Quoiqu'il en soit, avec New York et Le Temps d'une Fête voilà une motivation pour pousser la porte des boutiques Nicolaï.

    Le parfum du spectre de Mrs Muir ?

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  2. Thierry: Voilà, et pour moi, au début, c'était essentiellement un gardénia avec des accents de tubéreuse...
    Salé, oui, un peu, mais j'aurais dit que ça venait de la mousse de chêne... A la réflexion, oui, au bout de plusieurs heures (je sens mon poignet en écrivant), il y a bien un petit quelque chose de marin que je n'avais jamais décelé. Comme quoi.. Vive les commentaires!

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  3. C'est drôle, je viens juste de découvrir le film Dragonwyck avec Gene Tierney et parmi les bonus, il y a un portrait d'elle qui ressemble au vôtre.
    Odalisque me plait beaucoup mais je ne le porte pas. Je le respire plutôt comme un Chypre (floral blanc) et comme tel, je l'admire mais à distance (nous en avons parlé). Comme le signale Thierry, et ceci va dans le sens de Luca, Tania, Denyse et moi,c'est avec New York et Le temps d'une fête (nouvelle version), les parfums Nicolaï les plus beaux et les plus intéressants. Allez je me fais l'avocate du diable en ce qui concerne le packaging : "qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse!" et c'est aussi votre conclusion.
    Merci de votre visite.

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  4. Rebie, ce fut un plaisir! Et je suis la première à dire que le flacon ne m'importe pas tellement, personnellement. Au fond, comme je suis une fille de chercheur scientifique, je crois que j'ai une esthétique "labo".

    Il est intéressant que vous, l'admiratrice à distance des chypres, vous le perceviez comme chypre. Moi qui suis beaucoup plus "chypre hardcore", je le perçois comme un floral blanc.
    Mais quant à la stricte classification du chypre, c'est vous qui avez raison: tête bergamote et fond mousse de chêne, le compte est bon!

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  5. Pour vous donner une idée, l'une de mes clientes l'a élu pour remplacer le disparu La Nuit de Paco Rabanne. Et quand nous avons parlé des parfums qu'elle avait porté, j'ai vu que tous ses goûts étaient tournés vers les chypres. Ceci dit, moi qui adore les floraux blancs, je le trouve trop sombre pour moi pour n'être qu'un floral blanc. Et contrairement à Number One qui contient aussi de la mousse de chêne et qui reste un bouquet de fleurs blanches, dans Odalisque je ressens vraiment le "magma originel" du chypre avec effectivement l'accord bergamote/jasmin/patchouli/mousse de chêne.
    A bientôt.

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  6. Rebie: Pour remplacer La Nuit de Paco Rabanne? Alors là, pour parler comme l'Agrippine de Brétécher, ça me troue. La Nuit, que j'ai acheté à l'aveugle sur recommandation de Luca T., est un chypre trop violent même pour moi, qui porte Bandit...
    Cela dit, c'est sûrement ce côté sombre d'Odalisque qui me plaît.

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  7. L.T. a pris beaucoup des prisonniers avec cette parfum recommende! :P
    C'est trop sale, c'est vrai.

    Je crois que tous les PdN sont un peu dehors de classification et traihissent leur nom propre (peut-etre leur charme?). Maharanhi n'est pas un oriental lourd (tres recommande); New York, c'est pas Manhattan mais Quartier Latin etc.

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  8. Helg, c'est vrai, avec La Nuit, je me suis un peu faite avoir... Mais on ne sait jamais, j'ai parfois changé d'avis, je re-teste de temps en temps!
    Les PdN, c'est vrai, ont du curieux noms pour ce qu'ils sont, mais après tout, on s'en fiche: ils sont beaux.

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  9. les parfums de Patricia de Nicolaï m'intriguent, j'ai hâte de découvrir Le Temps d'une fête, Sacrebleu et vanille tonka, j'ajouterai donc odalisque à ma liste...

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  10. Soph, il faut! Allez dans la boutique rue de Grenelle samedi, vous serez accueillie par RebieFR (commentaires ci-dessus).

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  11. oui ce serait top, et j'ai prévu d'y aller bientôt
    mais bon, je comptais aussi aller chez lutens samedi acheter bois de violette pour ma mère et en profiter pour découvrir d'autres lutens au passage.. mais je peux peut-être cxaser ça sur une pause dej et aller rue de grenelle samedi... en tout cas j'ai bien hâte de découvrir leurs créations!

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  12. Soph, bon, hein, ça peut attendre une semaine... Priorité à maman et à Serge!

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  13. Ce parfum m'évoque une huile d'Argan parfumée dont se couvrent les femmes secrètes de ces pays et qui donne ces reflets si particuliers à leur peau. Ni vraiment floral, ni vraiment chypré, légèrement boisé et aldéhydé, parfois un peu miellé et épicé, Odalisque dévoile ainsi plusieurs facettes et son sillages est troublant, au propre, comme au figuré. Si les Odalisques se dévoilent, c'est pour mieux faire onduler leur hanches dans une danse du ventre, et c'est un peu de ce parfum qui émanerait de leur corps. Un bel hommage en tout cas merci graindemusc !

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  14. Méchant Loup, ça ne doit pas être la même huile d'argan que j'ai acheté au Maroc... Dommage! En tous cas, je ne dirais pas qu'Odalisque n'est pas vraiment floral, pour moi c'est un vrai floral blanc à accent verts (le muguet) et à fond chypré. Mais je suis d'accord, il a plusieurs facettes qui dépassent les classifications, comme souvent les Nicolaï.

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  15. Odalisque me fait penser au "bain turc" d'Ingres, où les odalisques sont au hamman. Car c'est cet effet, nimbant, chaud, et abstrait, que m'évoque Odalisque.

    Au demeurant, je reproche à ce parfum de ne pas me donner de plaisir. Trop abstrait à mon goût.

    Les recommandations de Luca Turin ? Je pense qu'on s'est tous fait entuber au moins une fois avec elles (les *****). J'ai un flacon de Yohji homme dont je n'ai que faire, et d'autres acquisitions qui sont loin du génial auquel je m'attendais.
    Bref : n'acheté jamais un parfum à l'aveuglette, "unsniffed".

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  16. Julien, mon achat-Turin remonte à l'époque de son blog... Maintenant, je connais mieux ses goûts et surtout, les miens!

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  17. Je n'apprécie pas spécialement Odalisque mais je confirme l'accueil hors pair de la vendeuse charmante de la boutique de Nicolaï de la Rue de Grenelle, rien que pour elle, il faut pousser la porte et découvrir TOUTES LES FRAGRANCES de Madame de Nicolaï !

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