lundi 10 décembre 2012

Jour d'Hermès, les gagnants du tirage au sort (et quelques notes)

Les gagnants du tirage au sort pour des échantillons de Jour d’Hermès sont :

Jack Sullivan, Hélène et Schimmelman

Merci de me contacter à graindemusc arobase gmail point com pour me donner votre adresse. N’oubliez pas que je vous demanderai de m’écrire quelles fleurs vous y avez « lues » : je publierai vos petits mots en janvier.

J’ai été particulièrement heureuse de constater que des auteurs de blogs dont j’estime l’avis – Victoria de Bois de Jasmin, Robin de Now Smell This et Octavian de 1000 Fragrances – ont également aimé Jour d’Hermès. Comme plusieurs d’entre vous, j’imagine, Hermès est une maison qui m’importe, parce que c’est l’un des rares acteurs du luxe qui me semble encore avoir de la tenue.

Sa façon de gérer son patrimoine olfactif est particulièrement intéressante. Parfumeur depuis 1951 mais dépourvu d’un nez attitré, Hermès a fait en 2004 le pari d’une refondation confiée à Jean-Claude Ellena. Ce qui est d’ailleurs aussi une manière pour la maison de renouer avec sa propre histoire, puisque L’Eau d’Hermès était signée en 1951 par Edmond Roudnitska, dont Ellena affirme justement avoir « reçu en héritage  [la] volonté de recherche de la simplicité ».   

Avec ses parfums « nouvelles » traduisant des ambiances (les Jardins) et des « poèmes » centrés sur les matières premières (les Hermessence), ce sont d’ailleurs deux des innovations conceptuelles introduites par la parfumerie de niche dans les années 90 qu’Hermès a su ériger en institution. Innovations dont Jean-Claude Ellena a d’ailleurs été un acteur. Son Eau Parfumée au Thé Vert pour Bulgari en 1992, initialement en lice pour le Fahrenheit de Dior, est peut-être le premier parfum mainstream à ne pas avoir été conçu comme l’expression d’un archétype masculin ou féminin (bien que les premières pubs montrent un couple nu s’étreignant dans un lac). Et avec Bois Farine, premier de la série des parfums-voyages conçue par Pamela Roberts pour L’Artisan Parfumeur, il a été l’un des pionniers de ce concept désormais largement repris.

Jean-Claude Ellena est aussi l’un des très rares parfumeurs à avoir éclairé sa démarche créative dans des livres, après s’être prêté au jeu de la transparence pour Chandler Burr dans The Perfect Scent lors du développement d’Un Jardin sur le Nil. Transparence qui, certes, ne pouvait que profiter à Hermès puisqu’elle lui permet de mettre en avant son parfumeur-maison. Mais qui n’aurait pas été possible s’il n’avait pas joui d’une liberté artistique que n’ont pas forcément d’autres parfumeurs détenant le même type de poste…

Que l’ont soit sensible ou pas à l’esthétique de Jean-Claude Ellena est une affaire de goût, mais on ne peut nier qu’il est l’un des rares dans le métier à pouvoir revendiquer le label d’artiste. D’abord parce qu’il reconnaît lui-même, dans son Journal d’un parfumeur, avoir une démarche d’artiste (l’intention, c’est tout de même une pré-condition). Ensuite, parce qu’il a eu et s’est donné la possibilité de signer un corpus cohérent. Enfin, parce qu’il sait tenir un discours sur son esthétique (dont aucun artiste contemporain ne peut faire l’économie). Quant à le ranger comme le fait l’expo new-yorkaise « The Art of Scent » parmi les « Luministes » (paysagistes américains de la fin du 19ème) c’est une question que le principal intéressé écarte avec un sourire amusé…





24 commentaires:

  1. Bonjour Denyse,

    Je n'ai pas pu résister à aller le sentir en boutique... et à le choisir comme cadeau de Noël. Outre le flacon qui renoue avec le véritable luxe, celui qui ne se voit pas mais qui se sent et se touche (lourd, le flacon !), j'ai bien sûr été séduite par le parfum lui-même. Rentrée à la maison, je me suis amusée à lire ici et là des "critiques" et au vu de certaines assez sévères, je me suis dit que mon nez m'avait joué un tour. Mais je n'ai pas regretté mon achat, refusant de me laisser trop influencée par les blogueurs et blogueuse de tout poil. Mais me voilà tout à fait rassurée en vous lisant, vous l'esthète, ce parfum est donc aimable, au sens littéral du terme. Je n'ai ni la connaissance, ni la culture olfactive me permettant de décrire Jour d'Hermès. Je commence seulement maintenant à apprécier véritablement le style d'Ellena, que je parviens quand-même, avec mon petit nez, à reconnaître (à l'exception de First, que je ne lui aurais jamais attribué !). Je trouve, entre autres, son travail sur Brin de Réglisse assez sidérant: cette lavande et cette réglisse qui se superposent en alternance et ne se mélangent jamais...mais comment fait-il ?
    Je ne trouve pas jour d'Hermès si simple que çà. Ou plutôt, on devine la sophistication du travail réalisé pour parvenir à cette simplicité.
    On m'a indiqué dans la boutique que "Jour" était une référence à la lumière du jour inondant les ateliers d'Hermès, et dont les mains de la maison ne peuvent bénéficier qu'en commençant leur travail très tôt. Comme toujours, le ressenti du parfum dépasse la perception olfactive seule, et se vaporiser dans le cou quelques unes de ces molécules permet de s'approprier un peu de l'âme de la maison, dès le petit matin, lorsque les "petites" mains sont déjà à leur travail minutieux. Et comme vous avez raison, Hermès parvient à garder une certaine tenue, et l'irruption de LVMH dans son capital en 2010 m'avait stupéfaite. Je suis toute cette histoire d'un oeil à la fois intrigué et il faut le dire, un peu effrayé !
    Narriman

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  2. Narriman, j'ai en effet entrevu quelques commentaires assez sévères, qui m'ont d'ailleurs fait réfléchir sur ce qui pouvait les motiver.

    Je pense que la culture parfum de la blogosphère est assez particulière, fondée sur des critères niche/vintage d'intensité, d'aspérités, avec des penchants pour certains registres (cuiré, baumé, animalisé...). Par ailleurs, quand on teste des quantités époustouflantes de parfums, on est forcément plus blasé, on veut des trucs qui étonnent.

    Je remarque aussi qu'on est beaucoup plus sévère envers les créateurs que l'on a longtemps encensés, particulièrement d'ailleurs Jean-Claude Ellena et Serge Lutens: parce qu'ils poursuivent dans un registre qu'ils ont eux-mêmes inventé, avec lequel on est familier, on leur reproche de ne pas proposer des compositions aussi diversifiées que des parfumeurs travaillant pour différents clients.

    Toutes choses défendables, mais qui illustrent bien le paradoxe du parfum comme forme de création artistique: ceux qui le considèrent comme tel ne vont pas à sa rencontre de la même façon que ceux pour qui les parfums sont créés, c'est-à-dire le grand public...

    Ce sont des positions que je me suis efforcée de remettre en cause dans ma propre approche, pour mieux apprendre à apprécier des parfums moins "spectaculaires", mais dont la simplicité apparente, comme vous le signalez, est le résultat d'un travail très sophistiqué.

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  3. Je pense qu'on peut à la fois être séduite par un parfum de niche et être bon public quand les sorties mainstream sont de qualité. Certains parfums (très chers) de niche ne me font ni chaud ni froid. Comme vous, je refuse de me laisser enfermer dans des étiquettes. Et laisse parler mon coeur...Bref, Jour d'Hermès est un bel achat et un très beau cadeau, n'en déplaise aux "perfumistas" un brin hystériques, devenus très snobs. Vous avez bien fait de le "chroniquer". Narriman

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  4. Narriman, absolument d'accord, Jour d'Hermès est un beau parfum que j'ai grand plaisir à porter, mais assez subtil dans sa construction pour être aussi intéressant intellectuellement. Mais cela, il faut faire assez de silence autour de soi pour pouvoir l'entendre. On n'y est pas toujours disposé!

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  5. Bonsoir,
    J'adhère totalement à vos commentaires GRAIN DE MUSC. Je parcours également les blogs de parfum et suis vraiment très choquée de certains propos vulgaires et très désobligeant à l'égard des parfumeurs et de leurs créations, parce qu'ils ne sont pas dit "de niche". J'aime moi aussi les parfums de niche mais aussi les mainstream. Ce que je ne comprends pas c'est que les personnes qui se nomment parfumistas ont le droit de critiquer mais quand on n'est pas d'accord avec elles alors on ne comprend rien et on est des nuls. Le parfum c'est comme la peinture, c'est une oeuvre d'art et cela peut plaire ou pas, mais il faut laisser les personnes s'en rendre compte elles-même et les laisser dire tout simplement j'aime cette odeur ou je ne l'aime pas. Moi j'aime Jour d'Hermès! Je ne pourrai pas le dire avec des termes techniques mais simplement j'aime ce parfum et je l'offrirais et le recommanderais à mes amies.

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  6. Bravo pour cette belle défense d'un travail remarquable.
    Le style Ellena est en effet loin du style niche/vintage que vous avez bien défini.
    Pour moi, il reste un maître de la molécule et un des très rares parfumeurs qui a développé une véritable poésie abstraite à partir des matériaux les plus contemporains.
    Il me semble qu'il est important de défendre et de mettre en avant un tel personnage qui peut apporter la preuve aux nouvelles générations de nez que la création peut et doit se développer au sein d'une grande marque commerciale.

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  7. Anonyme, je pourrais répondre en détournant la phrase du grand critique de cinéma Serge Daney au sujet de la télévision, "cette grande veule qui hypertrophie le goût de la critique". Internet, c'est ça, puissance 1000.

    La critique de parfum, qui s'est presque entièrement élaborée sur le Net, est initialement issue dans le monde anglophone de la critique de consommateurs, où chacun bien évidemment a voix au chapitre.

    D'autre part, l'un des rares livres en français sur le sujet, Parfum: Le guide de Luca Turin dans les années 90 (suivi du blog de Luca et de son guide en anglais, co-écrit avec Tania Sanchez), a posé la matrice du genre avec des critiques souvent drôles, acerbes et péremptoires. Sauf que Luca, entre le 1er et le 2eme guide, avait eu assez largement accès aux coulisses de l'industrie, et qu'il a un talent d'écriture assez époustouflant qui lui permet de traduire des impressions de synesthète. Ce ton grinçant a créé des émules qui n'ont pas forcément ses talents ou ses connaissances.

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  8. Romuald, j'ai moi-même indiqué dans d'autres billets les éventuelles limites de l'intégration d'un parfumeur-maison au style aussi signé... mais il me semble, tout comme il doit le sembler aux décideurs d'Hermès qui ne sont tout de même pas des mécènes finançant à perte le travail d'un créateur, qu'au total, les avantages l'emportent dans une telle démarche. Et comme, de toutes les marques ayant un parfumeur-maison, j'ai l'impression qu'Hermès est la seule à jouer le jeu à ce point (je devine un peu plus de "butées" chez Cartier)... en effet, c'est une très belle démonstration du fait qu'un parfumeur-créateur peut développer une oeuvre cohérente au sein d'une marque prestigieuse et largement diffusée.
    Et que ça peut marcher commercialement: la preuve, Terre d'Hermès.

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  9. Ceci dit, Turin a pu massacrer des parfumeurs, de manière tout à fait excessive et injustifiée, et encenser des parfums médiocres. Le talent n'excuse pas tout. On en se méfie pas assez des auto-proclamés critiques (même en cinéma et littérature) et des dégâts irréversibles qu'ils peuvent faire. Je préfèrerais toujours un créateur, même quand il se loupe, à celui qui juge l'oeuvre du haut d'un piédestal, somme toute très relatif. Sur le reste, tout à fait d'accord avec vos lecteurs. Que certains, avant de se permettre de juger le travail d'Ellena, fasse un effort de recherche de vocabulaire...
    Narriman

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  10. fassENT (et moi des efforts en orthographe !)

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  11. Narriman, Dieu sait que je ne suis pas toujours d'accord avec Luca, mais je me dis que je ne vois pas forcément la même chose que lui et qu'il défend une certaine esthétique qui n'est pas forcément la mienne. Maintenant, que des parfumeurs soient en désaccord avec ses commentaires parce qu'il se plante sur une note ou une matière première, c'est autre chose: ils savent ce qui est dans leurs formules! Cela étant, encore une fois, j'adore la plume de Luca...
    Pour citer à nouveau Serge Daney -- que j'ai beaucoup relu récemment -- il disait qu'il y avait au fond deux sortes de critiques: ceux qui parlaient au noms de spectateurs, et ceux qui écrivaient une lettre ouverte au créateur, que d'autres pouvaient lire.
    Je pense que ce dernier cas est le mien: je n'écris rien de ce que je ne pourrais dire à quelqu'un en face. L'internet a bon dos, qui protège les commentateurs des conséquences de leurs commentaires.

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  12. Denyse, certes, sa plume est talentueuse et ses livres furent mes premières lectures en matière de parfum, je ne vais donc pas cracher dans la soupe. Même si depuis, des amis scientifiques m'ont convaincue que sa théorie sur la fréquence ds vibrations ne tenait pas la route.
    Et parce que cela m'a touchée "par procuration", une phrase (l'auteur m'échappe) pourrait s'appliquer, de manière générale, aux critiques: "le mal que nous faisons aux autres, nous le le mesurons jamais." J'espère avoir un jour l'occasion de lui dire en face toute l'admiration que j'ai pour son style (qui m'a souvent fait sourire) et tout le mépris que j'ai pour son acharnement, parfois. Je préfère nettement votre approche, qui est positive. Vous consacrez votre talent d'écriture et votre somme de connaissances à nous parler des parfums, des parfumeurs que vous aimez. Pour ma part, être obstinément méchant ne m'a jamais paru être un signe de talent ni de distinction.
    Mais vous l'aurez compris, je réagis aussi par loyauté amicale.
    Narriman.

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  13. Narriman, j'ai bien compris, et sur ce point -- surtout à ce moment-ci de l'année -- je ne peux que partager votre colère.

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  14. Merci Denyse!!! décidément, votre blog me porte chance, voici la seconde fois que je gagne :-)
    Quant à la discussion sur la vision critique sur les parfumeurs: je suis d'accord, on reproche à Ellena du faire "du Ellena" ou à Lutens de faire "du Lutens" comme on reproche à Eastwood, Almodovar ou Cronenberg (pour ne citer que des cinéastes contemporains) de creuser un sillon et un seul. Sans prendre en compte le fait que de travailler la variation, la déclinaison des thèmes, le camaïeu, ce n'est pas de la paresse intellectuelle mais un des marqueurs d'une démarche artistique. Quant aux critiques, pour lire un certain nombre de blogs (certains consacrés au parfum, d'autres au cinéma), je trouve que trop d'auteurs se laissent griser par la tentation de faire un "bon mot" aux dépens de leur sujet - avec la perspective toujours grisante de faire rire ou pester leur petit auditoire virtuel. Le livre de Luca Turin, que j'ai commencé (en anglais, tant qu'à faire), cède parfois à cette facilité, mais heureusement se rattrape dans les articles plus argumentés et documentés.

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  15. Jack, vous n'étiez pas de dizaines non plus à vous inscrire! Quant à la tentation des bons mots... tellement humaine, non? Ce qui distingue la critique de cinéma de celles du parfum, mis à part la différence radicale des objets, c'est que la première a commencé à s'élaborer il y a des décennies, dispose d'un corpus écrit très fourni, de grands théoriciens... Alors que pour le parfum, c'est nouveau, et ça vient de l'extérieur, donc de personnes (moi comprise au début) qui n'avaient pratiquement aucun accès aux sources directes d'information. D'où le problème perpétuel de ce qui peut faire autorité.

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  16. Certes, du côté francophone de votre blog il y a bien moins de "concurrence" et donc une probabilité bien plus forte de l'emporter ;-)
    Pour le parallèle cinéma/parfums: c'est une question de "maturité" de l'espace critique, rien de plus! Beaucoup de critiques sont "entrés en cinéma" par amour des films et se sont formés aux aspects techniques et à l'histoire de cet art a posteriori - l'autorité de chacun s'est établie ensuite autour d'écoles de pensée, ce qui suppose qu'il y ait déjà un nombre de critiques suffisant pour que des courants se différencient. Le domaine de la critique de parfum est bien plus jeune et moins normé mais le web, les blogs, les forums, est en train de le faire mûrir très vite. Avec cet effet collatéral de désacraliser l'objet en démocratisant l'expression et en multipliant les sources d'information, on peut trouver ça plus ou moins bien selon les cas.

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  17. Jack Sullivan, je fais souvent le parallèle entre le développement du cinéma et celui de la parfumerie moderne, nés à peu près au même moment de l'histoire. Mais si le premier a eu sa politique des auteurs dans les années 50, créée par des amateurs passionnés dont plusieurs allaient bientôt passer "émetteurs", la seconde n'a vu de reconnaissance des auteurs qu'il y a une décennie à peine. Mais la connaissance du parfum pâtit toujours d'un manque d'accès à la formation -- dès l'âge de 17 ans je suivais des cours d'histoire du cinéma, je participais à des stages de réalisation avec des cinéastes québécois réputés... Bref, si j'avais souhaité poursuivre dans cette voie j'avais déjà des outils théoriques et pratiques dispensés par des professionnels. Pour le parfum, tintin. L'accès aux sources directes d'information -- ou de formation -- est encore très restreint. Et puisque les parfumeurs ne sont pas toujours libres de discuter d'un travail dont les droits ne leur appartiennent pas... on est encore très loin de l'élaboration d'un discours critique théorique.

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  18. J'aime quand on à l'impression d'acheter "du lourd". Condition organoleptique importante. Mais j'attends, non sans fébrilité, le jour où on ne trouvera dans le flacon en verre... que du verre massif. On s'en approche tranquillement. 1 ml de jus entouré de 500g de cristal. Le contenu sera DEVENU le contenant. Boucle bouclée.

    Quant à la "transparence" d'Ellena, elle est je crois naturelle aussi. Normale. Voici un monsieur qui n'a plus grand chose à prouver, ni à espérer (en tout cas au plan professionnel, il est en haut de la pyramide). Que reste-t-il quand on a plus rien à prouver, quand on est dixième dan, et qu'on commencerait presque à s'ennuyer un peu ? Eh bien la transparence. La communication. Le "venez dans mon antre, approchez un peu, messieurs et dames, venez découvrir comment je procède...". On lève le voile. Entendons-nous bien : on lève UN PEU le voile. Subsiste toujours un flou artistique savamment entretenu. A l'heure où la France accuse un retard monstrueux sur les "petits secrets de la parfumerie" qui sont distillés çà et là tout autour, les gestes de partage sont assez bienvenus. A quand un musée du parfum dans Paris ? Non, allez, j'exagère... :)

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  19. NLR, je suis bien d'accord sur les motivations de cette transparence... démarche entamée assez tôt après l'arrivée de JCE chez Hermès, me semble-t-il, avec le livre de Chandler Burr. Donc également rendue possible par cette maison-là en particulier. Encore faut-il avoir un discours et une écriture (intéressant, à ce titre, de comparer les différents textes rédigés par des parfumeurs dans la section anthologie des Parfums d'Élisabeth de Feydeau).

    Quant à la transparence totale, c'est une question que j'ai eu à me poser en rédigeant les chapitres concernant la création de Séville à l'aube dans mon propre livre. Quelques ingrédients ont été tus pour ne pas faciliter outre mesure le travail d'éventuels plagiaires d'odeurs... Mais aussi des ellipses parce que trop de détails techniques auraient rendu la lecture imbitable. Les maisons d'édition sont *très* réticentes dès qu'il s'agit de parfum.

    Et pour le musée... évidemment, ça manque cruellement. Qu'il n'y ait même pas eu une exposition d'envergure au Musée des Arts Déco prenant en compte l'olfactif, qu'il faille que la première ait lieu à New York et comporte des éléments intellectuellement aussi contestables, c'est tout de même un comble.

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  20. Carmen, dans le registre des combles et des sidérations, je viens d'apprendre il y a peu que des sociétés grassoises vendent, légalement, des concentrés de jus récents (et fort connus), moyennant un changement obligatoire de 3 à 5% de la formule réelle (obtenue par chromato ou autre...), et à la condition que le flaconnage et le nom changent. Ce sont les parfums que vous trouvez devant les Galeries Lafayette, par exemple, ou sur certains sites web. Vendus entre 5 et 15 euros... Et qui sentent "à peu près" comme le N°5 ou L'Heure bleue"... Un "à peu près" que chacun pourra apprécier, bien sûr. Mais c'est pour dire.

    Ainsi, pas sûr que "Séville à l'aube" ne se voie pas revu et (à peine corrigé) un de ces quatre en "Manille au crépuscule"... Je doute que de mettre dans votre livre un ou deux ingrédients en plus ou en moins n'y change quelque chose. On est pistés !

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  21. Eh oui, les contretypes, tout le monde en fait (et pas seulement les officines obscures). Il y a eu un reportage assez bancal (mais tout de même instructif) d'Envoyé Spécial à ce sujet l'an dernier, et un pigiste de TF1 m'a contactée pour la préparation d'un sujet similaire à diffuser avant les Fêtes. Evidemment, plus il y a d'ingrédients naturels, plus il est difficile de parvenir à un résultat à peu près correct. Certaines MP, les résines par exemple, sont plus difficiles à analyser en chromato; certains ingrédients naturels utilisés en traces également, même s'ils agissent sur l'odeur.
    Séville à l'aube ne court sûrement pas les mêmes risques qu'un best-seller, cela dit. Mais quand le parfumeur d'une grande société m'a dit "y'a de l'idée, tu m'en donnerais un échantillon?", je me suis dit qu'en tous cas, ça pouvait inspirer!

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  22. "Contretype" oui, merci, c'est le mot que je cherchais. Je trouve ça assez dingue que ce soit autorisé. (Cela produit une sorte de "second marché", tout est bon à prendre quand il s'agit de faire des bénéfs.) On peut y voir une sorte d'hommage aussi, car on ne copie pas un parfum qui ne plaît que trop peu, qui se vend peu.

    Quant aux matières naturelles, qui il est vrai contiennent pour certaines des centaines de molécules, un opérateur chromato un peu balèze et expérimenté peut lire, retrouver, des formes caractéristiques sur le chromatogramme (à la forme que ça dessine) qui lui diront s'il s'agit de rose absolu, ou de tubéreuse... A partir de là tout est possible. On comprend mieux pourquoi certains labos fabriquent des molécules captives, – parfois exclusives –, qu'on ne peut pas obtenir avant quelques années sur le marché...

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  23. Tant que les formules de parfum ne seront pas protégées il y aura du contretype à gogo. Mais il y a réellement des MP naturelles plus difficiles à lire en chromato, je l'ai entendu plusieurs fois (et de la part de gens qui n'avaient aucune raison de me jeter de la poudre aux yeux). Et de toute façon trop chères pour qu'on les utilise dans un contretype...
    Les captifs sont aussi un élément de la stratégie permettant d'éviter ce qu'on a vu ces dernières années: une grande marque qui "rapatrie" des formules créées pour elles.

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  24. Lire une chromato c'est un peu comme résoudre une partie de Master Mind, vous savez, là, ce jeu de déduction logique... Le plus dur à résoudre, c'est lorsque vous avez plusieurs matières aux composants proches, superposables, mais qui sentent différemment à cause d'une molécule juste orientée dans l'autres sens (héhé). Ainsi les parfums construits de manière linéaire sont plus difficile a décrypter que les non-linéaires (dont les évaporations sont lisibles au cours du développement...) Pourtant je préfère ces derniers, plus "narratifs", Seville à l'aube en est un joli exemple. Bien le bonsoir, chère Carmen. Et merci, votre blog m'accroche toujours quand j'y passe :)

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