lundi 14 novembre 2011

M7 Oud Absolu: Yves Saint Laurent rhabille l'agar



Comme vous devez à peu près tous le savoir désormais, au lieu de lancer une collection « exclusive » comme chez Armani, L’Oréal a décidé de réveiller un demi-siècle de belles endormies chez Yves Saint Laurent pour « La Collection ». In Love Again, édition limitée, et Nu, supprimé du catalogue, ont été repêché des limbes ; Y, Yvresse, Yves Saint Laurent pour Homme, Rive Gauche pour Homme, Jazz et M7 ont été rhabillés. Les flacons, deux cubes superposés beiges pour les filles, noirs pour les garçons, n’ont pas été spécialement bien reçus. Mais j’aime plutôt bien leur esthétique 70s minimaliste. On entendra sans doute aussi beaucoup parler de reformulations – mais même dans l’ancienne présentation, ce devait déjà être chose faite.

M7 Oud Absolu étant le seul jus à avoir changé de nom, on peut donc imaginer qu’il a bougé.  Comme c’est Yves Saint Laurent période Tom Ford qui a inauguré la ruée vers l’or noir de l’oud en 2002[1], on ne peut pas reprocher à la maison d’enfoncer le clou. Je ne me rappelle pas si à l’époque, on en avait beaucoup parlé : la pub affichant la première nudité masculine frontale du mainstream, c’était plutôt le gars que l’agar qui mobilisait l’intérêt.

Je n’ai jamais porté le M7 original de Jacques Cavallier et Alberto Morillas, bien que je l’aie énormément senti à Beyrouth. Je laisserai donc des confrères ou consœurs plus experts comparer les deux produits. Mais j’ai porté M7 Oud Absolu à quelques reprises et en dépit de ce qu’on pourrait redouter, il ne s’agit pas d’un oud sous anabolisants dans le style Montale. Comme je suis hyperosmique aux matériaux boisés-ambrés de type Karanal que j’appelle le « bois qui pique » parce qu’il me donne la sensation de me faire récurer le nez au Velcro, je le décèle à la première molécule. En l’occurrence, je n’ai pas la réaction pénible qui me fait hâter le pas rue de la Paix.

Boostées par la mandarine, les facettes amères/sucrées de la myrrhe produisent leur note « Coca-cola » caractéristique, baptisées d’une rasade de sirop anti-toux aux cerises qui rappelle, de très loin, le Boxeuses de Serge Lutens. Une note caramélisée évoque la fumée du bois d’oud (qui n’ont pas le remugle de fauve de l’huile essentielle). Une note encre suggère cependant le castoréum (qui partage de nombreuses facettes avec l’oud). Sans doute l’effet de « fraîcheur minérale » évoquée par le communiqué de presse, allié à ce qui me semble être une pointe d’aldéhydes et une dose de jasmin dont l’indole dégage un effet pluie-sur-béton-chauffé. Donc, minéral, en effet, plus qu’animal.

La note huile d’oud ressort plus nettement au bout d’une heure de développement : huileuse, justement, comme un cuir de Russie bien lubrifié. À ce stade, le parfum est curieusement plus diffusif que dans ses notes de tête. Une fois ancré dans ce cuir par une base ambrée-patchouli, il tient des heures.
Malgré sa cible masculine, M7 Oud Absolu est assez riche et souple pour plaire aux femmes qui aiment les parfums aussi noirs et forts qu’un café ristretissimo.




[1] Montale, fondé un an auparavant, se range plutôt dans le genre French-Oriental destiné au Moyen-Orient que dans le mainstream. Mais en fait, c’est sans doute le Séquoïa de Comme des Garçons Series 2 : Red qui, en 2001, a été le premier parfum occidental à revendiquer la note. Il s’agissait en l’occurrence d’une évocation de la fumée d’oud au Japon plutôt que de l’huile essentielle.

26 commentaires:

  1. Pour moi, c'est un Oud qui n'a rien à envier à tous les soient disant "bois d'agar" de la parfumerie de niche actuelle!
    Sensuel au plus haut point, velouté et profond, il s'étale sur la peau d'une façon que je n'arrive pas à décrire, tout comme il m'envoûte à chaque relent un peu sucré.
    Il a, par mégarde, monopolisé la manche de mon blouson pendant une semaine, suite à son test sur mon poignet. J'ai été "dérangé" (dans le bon sens du terme) par ce parfum pendant toute une journée avant de l'identifier clairement.
    Et comme vous le dites, je le vois aussi bien dans le décolleté d'une femme en fourreau noir qu'au creux du cou d'un homme en en polo bleu-gris !

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  2. Patrice, je dois dire que même si j'aime beaucoup deux ou trois autres interprétations de la note (notamment Pure Oud de By Kilian et Leather Oud de Dior), cette nouvelle version de M7 m'a convaincue. Côté anglophone, deux internautes qui ont beaucoup porté l'original sont également séduits.

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  3. Et je trouve les prix plutôt raisonnables!
    Ou bien ai-je louché!?

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  4. Pure Oud de Kilian ne me touche pas particulièrement et ne rend pas honneur au Oud, de mon humble point de vue! D'ailleurs, comme toute la gamme Kilian, il manque quelque chose: du punch, de la vie, ...

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  5. Patrice, le prix: tout à fait abordable. Le Kilian: j'aime beaucoup sa noirceur d'encre. Mais je ne l'achèterais pas forcément, n'étant pas approvisionnée en pétro-dollars.

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  6. Je trouve l'Oud de l'Artisan Parfumeur bien plus intéressant et plus intéressant au niveau qualité/prix!

    (mon dieu, j'ai horreur d'entendre des mots tel que "qualité/prix" à côté du mot "parfum". C'est contre ma façon de penser habituelle tout cela, mais je trouve ces mots tellement corrects pour parler de Kilian!)

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  7. En effet, Al Oudh est le troisième de cette famille que j'avais omis de mentionner. Je lui trouve aussi une luminosité (un côté "chair de datte confite traversée de soleil") que n'ont pas toujours les ouds.

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  8. Pour moi c'est un peu un quartz fumé ce Al Oudh !
    L'épaisseur du oud, son parfum complexe, cuiré, racé, mais plutôt cristallin !
    Je ne sais pas si je m'exprime assez clairement! ^^

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  9. Eh bien oui, il me semble qu'on pourrait dire comme ça aussi! Topaze?

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  10. Oeil de Tigre conviendrait bien aussi!
    Et puis cette image de "transparence d'une matière initialement épaisse et compacte" me rappelle justement l'interprétation de l'Ambre dans l'Eau d'Ambre, toujours chez l'Artisan Parfumeur!

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  11. L'Eau d'Ambre ne m'est pas très familière: j'ai du mal à supporter la note traitée en solo. En tous cas, cette façon de faire passer la lumière dans des notes sombres sans les décharner, c'est quelque chose que Bertrand Duchaufour sait très bien faire.

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  12. Et très Jean Claude Ellena aussi, justement dans l'Eau d'Ambre!

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  13. Absolument. Mais JCE travaille plutôt dans l'aquarelle, BD plutôt dans le fusain ou la sanguine.

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  14. L'aquarelle que manie aussi Olivia Giacobetti, mais pourtant, cet Al Oudh je le vois très "aquarelle" aussi!
    Fusain et sanguine, je le vois plutôt chez Nathalie Lorson!
    Quand à la peinture à l'huile, ce sont Maurice Roucel et Dominique Ropion qui en sont les maîtres! ;)

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  15. Il est vrai que ce genre d'analogie a ses limites, et qu'un artiste peut travailler sur plusieurs médias. En tous cas, curieusement, depuis que j'ai décelé cette note Coca-cola, limite Cherry Coke dans M7 Oud Absolu, je le vois à peu près dans ces couleurs-là...

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  16. La note "Coca-Cola" comme vous l'appelez, me rappelle celle que l'on peut sentir par exemple dans Arsène Lupin Dandy: juste infecte cette note!
    Serait-ce la même?
    On la sent aussi beaucoup dans de nombreux lancements masculins récents, et devient presque incontournable!

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  17. Je n'ai pas Arsène Lupin "en nez". Pour moi, c'est un effet de la myrrhe combinée à d'autres notes (je la sens un petit peu, par exemple, dans Myrrhe Ardente de Goutal). Mais en effet, on ne parle peut-être pas de la même chose!

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  18. Probablement pas alors!
    En tous cas, merci pour cet échange passionnant !
    Très bonne semaine!
    A très bientôt...

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  19. je viens un peu après la bataille mais j'ai acheté hier cet M7 oud absolu l'ayant simplement senti sur touche; si je compare avec Al Oudh de l'Artisan parfumeur que j'aime beaucoup, je constate qu'il est bien moins "diffusant", qu'il ne sent qu'à peine.
    Certes l'odeur est délicieuse, j'apprécie énormément mais je l'ai mis ce matin et j'ai l'impression que je viderais la bouteille avant la fin de la journée pour enfin le sentir plus profondément...
    quand lis partout que le M7 original que je ne connais pas se remarquais même dans la rue ou les bars, j'ai comme un doute... quelqu'un a une idée ?

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  20. Laurent, en effet, il semble que cette nouvelle version soit beaucoup moins "bombe olfactive" que l'originale. C'est un peu dommage puisque le produit est dorénavant proposé dans une collection plus exclusive. Mais pour ma part, je peux plus facilement porter celui-ci que son prédécesseur.

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  21. Hum du coup effectivement la logique m'échappe, d'autant plus que je pense à ceux qui avaient jeté leur dévolu sur l'original de M7 et qui désormais ne le trouveront plus, sauf sous la forme Oud absolu.
    Cela dit, Oud absolu est vraiment très agréable, j'en m'en suis aspergé encore plusieurs fois et décidément ce parfum est délicieux. En plus si c'est censé être pour hommes, me voilà malin à l'utiliser à hautes doses !
    Il n'a qu'un rapport lointain avec deux que j'ai aussi testé, celui de Frédéric Malle Portrait of a lady et celui de By Kilian Rose oud dont j'aimerais un jour me procurer les flacons un jour mais il y a une sorte d'air de famille dans ma mémoire,, pas désagréable.

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  22. Laurent, en effet, ces deux parfums peuvent plaire aux mêmes personnes que M7... Je pensais aussi tout d'un coup à Myrrhiad de Pierre Guillaume/ 8ème art qui présente aussi une certaine parenté avec cette nouvelle version, mais sûrement avec une plus grande concentration de belles matières premières.

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  23. M7 oud absolu est le parfum qui a marqué mon dernier passage chez Seph*ra.
    Je suis touché, voire séduit.

    Si je devais dresser un lien de parenté, la note oud de M7OA me rappelle celle d'"Habit rouge EDP".
    Mais M7OA me séduit bien mieux par son abord sale revendiqué, rééquilibré subliminalement par les aspects propres et sec des encens (myrrhe, oud).
    Et cet aspect nature, herbe séchés, qui me rappelle de loin ce que j'aime dans "l'eau noire" de Kurkdjian chez Dio.
    Bref, animal chaud et nature, si je finis mon échantillon j'irais l'acheter :)

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  24. Julien, je n'avais pas fait le rapport avec Habit Rouge edp, puisque je ne crois pas avoir senti ce dernier -- j'étais restée sur l'extrait, très animalisé. Je crois que ce que M7 a perdu en aspérité et en diffusion, il l'a gagné en... convivialité? En tous cas, je me sens mieux à même d'habiter cette version.

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  25. Je ne connais pas le M7 original. L'actuel a un très bon sillage.

    Je souris en t'imaginant porter M7OA. Car cela me rappelle Sable de Goutal, qui est parfois porté par des femmes, toutes très féminines.

    Et ça ne m'étonne pas vraiment, car en sentant M70A, j'ai pensé à l'accord sale de Bal à Versailles, ou la démonstration "l'animal sent bon" contenu dans Muscs Koublaï Khan.
    Ce dernier, tu l'aimes déjà, et lui avait consacré ton premier billet sur grain de musc.
    Le premier, j'ai mis du temps à le comprendre et l'accepter. Car j'y aime les fleurs qui s'envolent pourtant si vite. Alors que c'est l'intention du parfum de faire prédominer un accord animalisé. (sauf dans l'extrait, où le jasmin est persistant)

    Et c'est toujours un bon signe quand un "nouveau" parfum ravive en nous le souvenir d'autres parfums réussis, de références.

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  26. Julien, en effet: les parfums nous parlent, mais se parlent aussi entre eux!

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