La Frieze Art Fair de Londres vient de fermer ses portes et la FIAC les ouvre demain ; j’ai beaucoup parlé parfum récemment avec des amis artistes et critiques qui convergent à Paris. D’où ces quelques considérations, déclenchées en grande partie par les posts récents d’Octavian Coifan sur le statut artistique du parfum :
On refuse souvent au parfum ce statut car contrairement à un tableau, à une composition musicale ou à un film, il s’agit d’un produit destiné à être porté, comme le vêtement : il ne pourrait dès lors prétendre qu’au statut d’art appliqué. (Je songe ici à la phrase d’Yves Saint Laurent au sujet de la haute couture : « Ce n’est pas un art, mais il faut être artiste. »)
Soit, une grande part des parfums relèvent de l’art appliqué, d’un « art d’agrément » qui ne cherche pas à être autre chose qu’agréable : cela dit, c’est aussi le cas d’une quantité considérable de tableaux, de musiques ou de films. Cela nous empêche-t-il de considérer ces disciplines comme des champs artistiques ?
Et soit, le parfum est fait pour être porter, tout comme le vêtement. Mais le vêtement a au moins trois fonctions pratiques : protéger le corps contre les éléments, respecter les lois régissant la pudeur dans une culture donnée, et marquer le statut social. S’y ajoute une fonction relativement récente : l’expression de la personnalité.
Le parfum ne remplit pas les deux premières fonctions. On pourrait soutenir que deux de ses usages pratiques historiques – repousser les miasmes putrides censés transmettre les maladies, masquer les mauvaises odeurs personnelles ou celles de l’environnement – persistent dans ses usages contemporains, fut-ce inconsciemment (bien qu’aujourd’hui, ce soit pour certains le parfum lui-même qui ait des effets nocifs pour la santé). Mais on ne peut pas dire qu’il ait les usages pratiques (protection, pudeur) du vêtement. Le parfum est purement ornemental et essentiellement inutile – c’est d’ailleurs pour cela que l’industrie du parfum a une peur mortelle des campagnes négatives sur les prétendus effets nocifs de ses matières premières. Son usage même relève du gaspillage, puisque contrairement à un vêtement qui peut être nettoyé, réparé, porté jusqu’à ce qu’il tombe en lambeaux, le parfum disparaît au fur et à mesure qu’on le porte.
Bien entendu, cette fonction ornementale de marqueur de statut social ou d’expression de la personnalité ne suffit pas, loin s’en faut, à lui conférer le statut d’œuvre d’art : si c’était le cas, un sac Vuitton ou un blouson en peau de serpent pourraient également y prétendre.
Abordons autrement la question. Supposons par exemple que Mitsouko ou Féminité du Bois, chefs d’œuvres reconnus de l’histoire du parfum, soient effectivement considérés comme des œuvres d’art : celle d’un seul créateur, Jacques Guerlain, dans le cas de Mitsouko ; celle de trois esprits (Serge Lutens, Pierre Bourdon et Christopher Sheldrake) dans le cas de Féminité du Bois. Ces deux parfums ont fait époque, créé des formes (même si, dans le cas de Mitsouko, cette place est disputée par le Chypre de Coty) dont des familles entières ont été dérivées, et tous deux portent une signature olfactive unique. Pourquoi ne pas leur accorder le même statut que, par exemple, une sonate de Beethoven ou une chanson des frères Gershwin ? Parce qu’ils sont produits à échelle industrielle (et ont été conçus ainsi d’entrée de jeu) ? Certes, mais la sonate et la chanson sont également indéfiniment reproductibles, via les enregistrements ou l’impression des partitions. Ah oui, direz-vous, mais la musique a des interprètes, dont l’apport ajoute une dimension artistique supplémentaire : on peut même avancer que la sonate ou la chanson n’existent pas si elles ne sont pas interprétées…
À ce titre, la partition serait à la musique ce que la formule est au parfum.
Mais qui sont les interprètes du parfum ?
Nous.
Mis à part le liquide contenu dans le flacon, il faut quatre choses pour qu’un parfum existe. Le corps qui le porte. L’air qui le transporte. Les nez qui le captent. Les cerveaux qui le transforment (en impression, en langage).
Et voilà où le récent post d’Octavian sur le parfum comme art social m’a fait réfléchir. Dans ce texte, il se réfère au conservateur, critique et théoricien d’art Nicolas Bourriaud, auteur de L’Esthétique Relationnelle (1998). Très schématiquement, cette théorie s’applique à l’art à l’époque d’internet : la thèse principale en est qu’une certaine famille d’œuvres contemporaines déplace la relation traditionnelle, duelle, de l’œuvre d’art avec un spectateur unique ; que par sa structure même (disons, pour aller vite, celle d’une « installation » ou d’une « performance »), ce type d’art relationnel général des rapports sociaux entre ses spectateurs, et que ces rapports sociaux forment une part intrinsèque, essentielle, de l’œuvre. Elle n’est pas complète sans eux ; elle continue à évoluer au gré des interactions, du discours, des usages qu’elle génère (pour en savoir plus sur l’Art Relationnel, cliquez sur ce lien à Wikipédia).
Il se trouve que Nicolas Bourriaud est un vieil ami à moi. Je l’avais perdu de vue pendant qu’il était en poste à la Tate Modern à Londres ; entre-temps, j’ai entamé l’écriture de ce blog. Lorsque j’ai revu Nicolas, je lui ai bien entendu parlé de tout cela. Il a réagi de façon très positive et enthousiaste : selon lui, il s’agirait d’une « extension du champ de la critique ». Je n’ai pas encore abordé avec lui le sujet de l’esthétique relationnelle dans ses rapports aux parfums, mais le post d’Octavian m’a semblé tout à fait pertinent dans ce sens.
Le parfum génère bel et bien des relations sociales depuis toujours, ne serait-ce qu’inconsciemment, puisqu’il influe sur la façon dont nous nous présentons au monde et sur celle dont nous sommes perçus par ceux qui sentent notre sillage.
Mais cela va plus loin. Le parfum a aussi créé tout un réseau de relations sociales, facilitées par les connections internet haut débit et les instruments de publication en ligne (forums et blogs). Il a été réapproprié et détourné de la maîtrise des propriétaires du discours : parfumeurs, services de presse et de marketing, rédactrices beauté, journaux professionnels. Par-delà la façon dont la « chimie » des peaux individuelles influe sur son développement, chaque nouvel avis ou commentaire en transforme la perception, la définition, l’histoire. Sa nature même, que ce soit comme œuvre intransitive et immanente d’un créateur ou produit de consommation, a été irréversiblement altérée par la « culture parfum ». L’argument même selon lequel « le parfum ne peut faire l’objet d’une critique puisque sa perception est essentiellement subjective » est, par là même, invalidé. La subjectivité fait partie du processus par lequel le parfum est approprié en tant qu’œuvre d’art ; par lequel il génère de la communauté et s’accomplit à travers le discours de cette communauté – l’extension virtuelle indéfinie de ses propriétés et de ses effets.
Ce qui, soit dit en passant, ne contredit pas ce que j’avançais dans un post précédent au sujet des critères objectifs qu’on peut appliquer à la critique de parfum : ils lui sont en effet applicables, comme ils le sont à toute pratique artistique, mais ils ne représentent que l’un des éléments d’une dynamique plus globale, celle de la communauté des amoureux du parfum.
Je crois que le sujet de conversation de mon prochain dîner avec Nicolas est tout trouvé.
Image: VB 53, oeuvre de Vanessa Beecroft présentée à l'édition 2004 du salon Pitti Immagine.
Un jour un "astiste" rencontre apres un vernissage dans une galerie de Chelsea a New York m'a dit qu'il me considerait comme une oeuvre d'art. J'ai jamais voulu le revoir! De meme cette obsession de mettre constament sur un piedestal les "artistes", les oeuvres, nous les humains qui nous prenont pour des demi-dieux pendant qu'on massacre les especes animales les unes apres les autres, ca me desaspere. L'affaire du ministre du la culture en France est egalement un exemple avec le fosse qui est en train de se creuser entre les elites intellectuelles et l'opinion publique.
RépondreSupprimerJ'aime le parfum a la folie, mais autant que je ne suis pas une oeuvre d'art mais une nana qui fait ce qu'elle peut pour y arriver, le parfum c'est du parfum, point barre, apres ca il y a des grands parfums d'enfer et de la grosse daube.
carmencanada, je ne sais pas si tu connais ce texte d'Edmond Roudnitska, c'est interessant de lire et de situer sa vision des choses, pour ma part j'en prends mais j'en laisse beaucoup:
http://www.amabilia.com/cgi-bin/ultimatebb.cgi?/topic/1/5015.html
Uella, ne mélangeons pas tout, les artistes "sur un piédestal", Frédéric Mitterrand et les bébés phoques. Les humains sont nuls, on est d'accord, mais comme le dit Céline, avec beaucoup d'efforts peut-être qu'à la fin on arrive à être un tout petit peu moins merdiques qu'au départ. Et l'art fait partie de ces efforts pour être un tout petit peu moins des merdes: pour transformer quelque chose de la vie, ne fut-ce que pour un instant. Ne fut-ce qu'en transformant un petit peu de sa propre vie en oeuvre d'art, comme les dandys ou Andy Warhol.
RépondreSupprimerCe que j'ai modestement ébauché dans ce texte, à partir de l'Esthétique relationnelle, me semble poser la possibilité de sortir de l'impasse dans laquelle s'est retrouvé Roudnitska lorsqu'il a tenté de démontrer le statut artistique du parfum en s'appuyant sur des notions classiques de l'esthétique (sincèrement, je trouve beaucoup de ses écrits théoriques assez illisibles: je regrette en revanche qu'il n'ait pas plus longuement exposé ses méthodes ou analysé celle d'autres parfumeur).
Ce qui importait surtout à Monsieur Roudnitska ce n'était pas tant qu'on adhère à ses écrits, à toutes ses réflexions sur l'Esthétique du parfum ou qu'ils soient répétés... Ce qui l'importait surtout c'était que le débat qu'il avait lancé continue, perdure et murisse...alors merci de reprendre ce débat avec Octavian. Avez-vous lu "La dimension olfactive dans le théatre contemporain" de Dominique Paquet aux éd. L'Harmattan ?
RépondreSupprimerJe cherchais depuis longtemps l'interprète....et vous avez complètement raison, l'interprète c'est bien vous, nous.....Comme une évidence au milieu de la figure
Anonyme, votre commentaire attise ma curiosité! Oui, en effet, j'ai été un peu expéditive dans ma réponse à Uella ci-dessus: la réflexion entamée par Edmond Roudnitska n'a pas eu l'écho et les prolongements qu'elle méritait (pas encore?)...
RépondreSupprimerJe ne connais pas l'ouvrage que vous citez mais je me le procurerai. Et si vous voulez prolonger cette conversation, je suis facile à contacter!
Absolument fascinant ! Merci Denyse et Octavian pour cette réflexion fertilisante.
RépondreSupprimerJe pense que le parfum pourrait presque endosser les fonctions de pudeur sociale et celle du statut social que vous attribuez au vêtement. Le « sentir correct » est aussi un moyen de se fondre dans la masse, d’appartenir à un groupe, de se cacher en quelque sorte derrière les codes olfactifs d’une époque, ou d’accéder parfois à un certain statut. La pudeur vient aussi par rapport à nos odeurs corporelles, à ce côté nature de l’homme, ce qui le rattache un peu trop à ses origines de « bête à poil ». Mais peut être que pour cela, la savonnette suffit.
Denyse, pouvez vous m’expliquer un peu plus…? Quelle est la différence avec la lecture ? Personne ne songera à retirer le statut d’œuvre d’Art à un monument de la littérature. Pourtant il est reproductible à l’infini. Qui est l’interprète, le lecteur certainement? Et si ce même lecteur partage son ressenti subjectif autour ce cette œuvre dans un forum, (échappant ainsi à toute l’institution autour de la littérature : critiques, écrivains, éditeurs), celle-ci pourrait elle entrer dans la catégorie de l’art relationnel ? Ou faut il une autre dimension pour cela ? Je ne suis pas sûre de bien comprendre.
Nathalie,
RépondreSupprimerAbsolument d'accord pour la fonction de statut social du parfum (comme je l'ai précisé dans mon texte) et en effet, la fonction de pudeur pourrait être évoquée selon l'angle de la dissimulation des odeurs animales, même si, en général, l'hygiène assume aujourd'hui cette fonction. Alors qu'en des époques moins hygiéniques, les parfums se caractérisaient justement par l'ajout d'odeurs animales... Aujourd'hui, on assiste donc à un double gommage: d'une part on lave et on désodorise, d'autre part le parfum qu'on ajoute remet une deuxième couche de "propre".
Mes commentaires sur la reproductibilité d'une oeuvre ne relevaient pas de l'esthétique relationnelle. Je voulais juste dire que plusieurs oeuvres d'art sont tout aussi susceptible d'être fabriquées en séries que le parfum.
Disons qu'une oeuvre relevant de l'esthétique relationnelle, au sens "strict" développé par Nicolas Bourriaud, nécessite autant qu'elle engendre des relations entre ses spectateurs/usagers. Si l'on élargit la notion d'esthétique relationnelle, alors je suppose qu'un livre peut aussi créer ce genre d'effet, au même titre qu'un parfum (l'effet en question peut d'ailleurs englober les tenants du discours officiel, dont le discours suscite à son tour du relationnel, etc.)
Ce qui me semble intéressant, c'est ce détournement du parfum par les communautés en ligne (qui se rencontrent de plus en plus dans la vie). Son statut ambigu, à la lisière de l'art, bascule dans le champ artistique à partir de cette réappropriation.
Mais bon, faut que j'en parle avec l'auteur de la théorie, il aura peut-être des éclairages là-dessus!
"La fonction de statut social du parfum", autant etre honnete mais la 99,99% des gens laissent tomber...
RépondreSupprimerBien sur le sentir correct est un moyen de se fondre dans la masse, mais quel est le rapport avec l'Art?
Pourquoi un parfumeur serait artiste alors qu'au mieux un grand chef se voit recompense comme meilleur Ouvrier de France?
Ce mode de pensee "parfum-art" contribuera a une seule chose: marginaliser encore plus le parfum. Deja que le parfum aujourd'hui souffre du marketing reducteur autour du concept de seduction, ce qui le rend aujourd'hui "futile" aux yeux des masses puisque la seduction s'est diversifiee, a change et ne repose plus sur le parfum, alors tenter de lui donner un status artistique ne menera qu'a sa perte.
Certes il y a de tres parfumeurs talenteux, mais soulignont que la plupart des parfumeurs qui sortent d'ecoles sont reduits a faire des shampooings par manque de debouches (et je suis sure que c'est tres laborieux de composer un savon ou une creme anti-age qui sent bon).
Seul une petite clique de parfumeurs bien connectes travaillent pour la haute parfumerie. Meme les plus doues d'entre-eux ont tous, un jour ou l'autre, mis leur nom sur un parfum qui ne valait rien (voire liste "nez" sur le site NST). Un artiste ne se compromet pas et ne se vautre pas dans la mediocrite.
Le parfum c'est une seconde peau, un vetemement, une presence qui sublime la personnalite de celle ou celui qui le porte. Il est evident que Serge Lutens n'a pas cree Feminite du Bois pour qu'on idolatre sa formule dans un musee mais pour qu'il soit porte comme un bijou precieux mais surtout pas comme moyen d'expression artistique.
Uella,
RépondreSupprimerAlors pour vous, le parfum se réduit au marché de la parfumerie occidental ? mais le parfum est bien plus que cela Uella et l'olfaction est bien plus que la perception des produits du marché...replongez vous dans l'histoire du parfum depuis le début de l'humanité est peut être que votre vision réductrice de l'application du parfum ou du parfum tout court changera. A cela, vous semblez en savoir peu sur la composition, l'écriture du parfum ou du moins vous ne savez que ce qu'un marché vous en a fait découvrir....le parfum est aujourd'hui ce qu'on a bien voulu faire de lui dans notre monde occidental contemporain, dit moderne...votre discours nie l'histoire du parfum dans le monde...
Bravo Denyse!
RépondreSupprimerCe que vous faites, vous et Octavian est selon moi TRÈS IMPORTANT pour la parfumerie et le regard qu'on y porte, malgré la portée de votre discours réduite aux ammateurs de parfum. En revanche, vous provoquez visiblement de passionantes discussions!!
Uella, là, je regrette, je ne peux pas être d'accord avec toi...
RépondreSupprimer1/ Si le parfum est souvent menacé par le marketing, ce n'est pas principalement à cause de la manière dont il est vendu "aux masses" mais à cause des limitations qu'il impose au niveau de la création, grâce auxquelles la plupart des lancements mainstream ne valent guère mieux que des gels-douches, d'une part, et à l'inculture générale des talibans du marketing, d'autre part (mes excuses à ceux qui exercent cette profession avec talent, intelligence et sensibilité, il y en a sûrement).
2/ Crois-tu sincèrement que mon approche aura le moindre début d'impact sur la perception du parfum par lesdites "masses"? Je ne m'adresse pas au % de gens qui veulent simplement un sent-bon, désir au demeurant tout à fait légitime.
3/ Ce n'est pas l'absence de reconnaissance par les institutions qui détermine le statut d'une discipline ou d'un créateur. C'est la perception et la pensée. Pour moi, Ferran Adria par exemple, même s'il oeuvre en cuisine, réalise un travail aussi important que bien des gens qu'on expose à Beaubourg.
4/ Les parfumeurs réalisent en effet souvent des travaux de commande dont l'issue est médiocre. Mais ce fut aussi le cas de maints compositeurs, cinéastes ou auteurs: durant l'essentiel de l'histoire occidentale, les créateurs ont effectué des travaux de commande. La notion de l'art avec un grand "A", et de musée d'ailleurs, est assez récente (fin 18ème). Le système des studios à Hollywood a imposé des contraintes dont sont issus des chefs d'oeuvre mais aussi des nanars, souvent signés des mêmes réalisateurs.
5/ Si l'art n'était que dans les musées, autant se flinguer. C'est *aussi* une attitude, une façon de voir le monde et de l'interpréter. Le parfum est un art d'autant plus vivant qu'il se vit.
Anonyme,
RépondreSupprimerEn effet, tout comme nous pouvons considérer certaines oeuvres d'autres siècles et d'autres cultures d'un point de vue artistique aujourd'hui alors qu'elles relevaient du sacré à l'époque de leur création, le parfum a eu (et a toujours) un rôle différent ailleurs qu'en Occident. Je dirais que sans doute même en Occident ce peut être le cas, même si ce n'est pas formulé. Vous avez raison de rappeler que ces questions ne se réduisent pas aux 20ème et 21ème siècles en Europe et en Amérique.
Anonyme, merci. J'espère que ce discours pourra un jour prochain avoir une portée dans le champ culturel... Il n'est pas interdit de l'envisager.
RépondreSupprimeranonyme, je vous prierai de ne pas reprendre mon pseudo afin de m'y faire dire des choses stupides que je n'ai jamais dites.
RépondreSupprimerLe metier de nez ou de parfumeur releve du domaine de la technique, d'ailleurs le parfumeur Serge Lutens, utilise le terme de technicien pour evoquer le travail de son tres loyal complice Chris Sheldrake (a ce que je sache ce dernier ne l'a jamais conteste).
Au meme titre que les grands chef de gastronomie ou les grands artisans de la vigne travaillent autour de techniques compliquees, savantes et meticuleuses qui font egalement appel a des connaissances de chimie, de meme les nez sont des techniciens. Ils creent des compositions subtiles autour de molecules pour assembler des accords olfactifs et donner vie a un parfum, dans la plupart des cas commissione par un parti tiers.
J'ai eu la chance d'avoir eu un jour une conversation telephonique avec Victoire Gobin Daude, elle revendiquait fierement ce status d'artisan et de parfumerie artisanale. Ellena est un des plus grands techniciens-nez, il manipule les molecules et les accords comme personne mais sa vision d'artiste est beaucoup plus limite et ca se ressent dans ses compositions "solo" qui font plus penser a des exercises de style plutot qu'a des oeuvres d'art.
Ce n'est donc pas reducteur de parler d'artisanat du parfum, au contraire c'est valorisant et je pense que le grand public aurait plus d'estime et d'affection pour la haute parfumerie si on parlait de metier du parfum et on evitait d'intellectualiser la parfumerie en la situant dans la sphere des elites intellectuelles que personne ne peut souffrir aujourd'hui.
Denyse,
RépondreSupprimerMerci pour ces compléments d’informations.
Bon, en attendant l’avis de monsieur Bourriaud sur la question je vais me plonger dans ses écrits.
Uella, encore une fois, nous sommes en désaccord. D'une part, la personne qui signe "anonyme" sait extrêmement bien de quoi elle parle, mais je respecterai sa volonté d'anonymat.
RépondreSupprimerD'autre part, si plusieurs compositeurs de parfum sont avant tout des techniciens, leur travail est loin de s'y réduire: un technicien ne crée pas la beauté.
Enfin, "la sphere des elites intellectuelles que personne ne peut souffrir aujourd'hui"... Ne généralisons pas. De plus, ce n'est pas parce qu'une majorité abreuvée de reality-shows, de Pink Sugar et de politique-spectacle (dont, je le sais, tu ne fais pas partie) rejette ce qui lui semble "prise de tête" qu'elle a raison. Et même, c'est une raison de plus pour faire bande à part, et préserver ce qui reste de pensée.
Nathalie, moi aussi je me replonge, tant qu'à faire!
RépondreSupprimerBrilllante analyse Denyse ! C'est un plaisir de lire de telles pensées, merci de prendre le temps de le faire, j'ai toujours l'impression qu'il y a si peu de gens sur terre capables d'une telle capacité de reflexion sur ce sujet alors que le parfum touche paradoxalement tellement de personnes !
RépondreSupprimerJ'aime l'idée que nous soyons tous interprètes du parfum que l'on porte, car on affiche ainsi au reste du monde une partie cachée de nous même, de notre mental, de notre vécu, toute cette mixture complexe et intime composée de nos souvenirs conscients et surtout inconscients, qui determine notre goût olfactif.
C'est à la fois très lié à la complexité de notre cerveau très élaboré, qui fait de nous des humains, mais c'est aussi tellement animal, ce besoin de nous parer d'une odeur que l'on soumet aux autres, comme la marque de notre personne, unique et explicite...
Bonjour Uella,
RépondreSupprimerl'art n'offre pas que des chefs d'oeuvre....le parfumeur est un technicien au même titre que l'est un sculpteur et son métal, un poète et ses rimes, un réalisateur et ses gros plans, un peintre et son cubisme, un musicien et ses sonates...sans technique, il ne peut y avoir d'art....alors, oui, je suis d'accord avec vous : Heureusement que les parfumeurs sont des techniciens.
Par le parfum en tant qu'oeuvre d'art, on entend oeuvre de l'esprit...empirisme, intellectualisation de l'olfaction et travail Original. Sans intellectualisation de l’olfaction, sans activité de l’esprit, il ne peut y avoir de formule, de compositeur, de créateur. Sans intellectualisation de l’olfaction, il ne peut y avoir d’Interprète.
Par artisanat, il est entendu métier manuel et traditionnel…or le travail du parfumeur n’est en rien manuel. Il est avant tout cérébral. Le parfumeur est l’artisan d’une formule dans le sens où il en est l’auteur. Mieux vaut ne pas confondre le travail des producteurs de matières premières parfumerie avec celui des parfumeurs-nez.
Quant au grand public, il est assez surprenant de se rendre compte qu'il est en fait étonné d'apprendre que le travail du parfumeur n'est pas considéré tel un travail artistique. Pour le grand public, c'est d'apprendre que la composition de parfum n'est pas considérée comme une oeuvre de l'esprit qui est une aberration. Pas besoin de faire partie d’une élite pour être intelligent, pour avoir du discernement !
carmencanada, j'avais loupe ta seconde reponse. Je comprends mieux ton point de vue et je le partage dans une certaine mesure. La derive du marketing est effectivement responsable de cette situation; le parfum ne se vend plus comme avant.
RépondreSupprimerSi je parle souvent de Serge Lutens c'est parce qu'il a depoussiere l'image futile du parfum "sent-bon". Il a redefinit l'utilite du parfum: seul le parfum et la personne qui le porte comptent. Dans un marche en depression, Serge Lutens est non seulement numero un dans le haut de gamme mais le seul parfumeur a realise une croissance de marche. Sa conception de la parfumerie a forcement un sens. Les histoires lui parfumeur, Sheldrake technicien, c'est pas tres important.
Jeanne, que connaissez-vous des animaux? Les experts sont formels, nous ne sommes pas si differents que les animaux, en fait nous sommes tres proches. On le sait aujourd'hui, les animaux ont une vie emotionnelle beaucoup plus complexe qu'on voulait bien le croire. Sais-tu qu'un porc qui vit une situation d'holocaust dans un abbatoir a un QI equivalent a celui d'un enfant de 3 a 5 ans? Nous sommes tellement civilise que nous sommes en train d'exterminer 90% des especes animales!
anonyme, plus personne aujourd'hui sous-entend travail manuel de non cerebral en parlant d'artisanat! C'etait encore ce qu'on pensait dans les annees 80 mais plus maintenant et heureusement. Au contraire, on a revalorise l'artisanat et le travail des artisans. Je ne suis pas surprise que certains parfumeurs (et certainement plus que ceux que j'ai enumere) se revendiquent artisans et non artistes.
Uella,
RépondreSupprimerLes artisans sont-ils des artistes ? les artistes sont-ils des artisans ? Comment définiriez-vous l'artisanat d'art ?
Quant aux parfumeurs, nous n'avons pas les mêmes sons de cloche ! ou plutôt nous n'avons pas eu la chance de rencontrer les mêmes parfumeurs !!!!!
Quant à votre réponse à Jeanne, je me permet de vous suggérer de relire son commentaire dans lequel elle relève bien le fait que nous sommes Animal..........C'est tout à son honneur !
Bonsoir,
RépondreSupprimerRien de bien nouveau sous le soleil, l'art et le parfum !
Il serait bon de se poser la bonne question, qu'est ce que l'art !
Autant une pièce musicale peut vous tirer des larmes des yeux, jamais un parfum ne le ferra ..
Quelle est l'inspiration du parfumeur, sachant qu'un parfumeur n'a aucun message à faire passer, tout ce qu'il peut faire est ce créer un moment de beauté, de plaisir ?
Contrairement à ce que peut affirmer un parfumeur qui adore se faire mousser, un parfum n'est pas une œuvre symphonique ou les notes sont les mots etc ... car les notes de musique se superposent pour donner naissance à une mélodie alors que deux ou plusieurs notes olfactives vont se mélanger et le résultat peut être une odieuse puanteur !
Autant nous savons comprendre une peinture, un poème ou une musique,autant nous sommes incapables de comprendre une odeur !
Comparez et disséquez le poème de Mallarmé, l'après midi d'un faune, la musique de Debussy, le prélude à l'après midi d'un faune, la peinture de Boucher représentant deux nymphes épiées par un faune et finalement le ballet de Diaghliev !
Voici une chaîne d'inspiration (musique, peinture, danse et chorégraphie) : il n'y à pas de place pour un parfumeur ...
Car le parfumeur na pas de langage qui lui soit propre !
Car son parfum est porté comme on porte une robe un costume : le même peut être sublimé comme détruit par la personne qui le porte.
C'est "porter beau" !
Ce qui n'en fait pas un art ...
Un parfumeur est un technicien qui doit faire en sorte qu'il répond bien à toutes les contraintes qui lui sont soumises, le parfumeur de nos jour à développé un "art" qui répond aux besoins du monde dans le quel nous vivons ...
Le Parfumeur est peut être le dernier des troubadours ...
Je boucle la boucle en disant qu'il n'y à rien de bien nouveau sous le soleil, pour vous en persuader, lisez cet article en anglais de 1967 ... le débat ne date pas d'aujourd'hui : http://www.lejardinretrouve.com/forums/index.php?showtopic=56
Cordialement
Denis GUTSATZ
Jeanne, nous sommes interprètes et ces interprétations, à travers ce que nous percevons, disons et écrivons les uns et les autres, s'enchevêtrent, se croisent, se superposent pour ajouter du sens et du récit... y compris l'animalité de notre marquage de territoire, perçue comme animalité (ça en rajoute une couche!).
RépondreSupprimerAnonyme, je comprends que certains parfumeurs se définissent comme artisans: dans tel cas, il peut s'agir d'une sincère modestie, dans d'autres, notamment les parfumeurs autodidactes, d'une appréhension effectivement manuelle de leur travail (je pense à Mandy Aftel, qui décrit ses compositions comme des processus assez intuitifs, "hands-on").
RépondreSupprimerMais j'ai toujours pensé que ce n'étaient pas forcément les artistes qui parlaient le mieux de leur art. Ils fabriquent les boîtes noires: aux critiques de les déplier, de les éclairer.
Uella, dans la mesure où Serge Lutens a créé un langage, un univers olfactif et imaginaire qui lui est propre, en s'appuyant (notamment, mais pas uniquement) sur le talent de Chris Sheldrake, j'estime que l'entité "Serge Lutens" est artiste -- on peut imaginer Lutens réalisateur/scénariste et Sheldrake chef-opérateur, par exemple.
RépondreSupprimerNous sommes ses interprètes: ses stars.
Anonyme, cette conversation, je l'ai eue avec une amie artiste qui travaille sur le médium de la céramique: la même question se pose dans cette discipline "féminine" (la poterie) déconsidérée. La frontière est parfois mince en effet, poreuse, franchissable.
RépondreSupprimerDenis: un assemblage de notes peut tout aussi bien être une cacophonie immonde. Et pour moi, Mitsouko est une symphonie qui me fait flageoler. Jacques Guerlain a bien composé Bouquet de Faunes. Et certains des plus grands réalisateurs de cinéma ont dû composer avec la technique, les exigences des producteurs, la censure, les goûts du public -- ce qui ne leur retire en rien leur génie.
RépondreSupprimerJe ne vois pas en quoi on ne pourrait comprendre une composition parfumée -- on ne manque pas de langage dans ce domaine, mais d'éducation. Ils ne sont pas nombreux non plus, ceux qui peuvent dire pourquoi une fugue de Bach ou un solo de Miles Davis sont beaux, ou les analyser verbalement.
Carmencanada,
RépondreSupprimerIl est vrai que la frontière entre l'artisan et l'artiste est parfois très très mince...d'où mes ?
Pour info, en tant que parfumeur, je fais partie de la Maison des Artisans sous l'enregistrement d'une activité artistique...si mon discours penche du côté de l'activité artistique, c'est bien parce que le débat tourne autour du statut artistique du parfum....
Aucune prétention de ma part mais plutôt le courage et la prise de risque d'en débattre...Quant à mon travail et tous les doutes qui l'accompagnent, je n'oserai jamais dire que mon travail est de l'art...ce n'est pas à moi d'en juger mais bien à vous critiques, interprètes !
Anonyme, un autre parfumeur qui a souhaité réagir à titre privé me faisait également part de cette nécessité d'une intervention critique pour structurer le débat... Cette personne ajoutait que l'un des "handicaps" du parfum dans cette reconnaissance était le fait de sa disparition: plus encore que la danse (dont on préserve des photos) c'est un médium évanescent, et qui plus est périssable...
RépondreSupprimerSommes nous dans de l'Art Ephémère ?
RépondreSupprimerJe n'en suis pas sûre. Après tout, même avec des matières premières différentes, N°5 ou Shalimar ont traversé le siècle (ce n'est pas le cas des vêtements de la même époque).
RépondreSupprimerJe dirais qu'avec les conceptions actuelles du marketing, tout le monde veut faire le prochain n°5 et sort du "jetable" à la Zara, mais que si on parle du fond de cet art, on n'est pas dans l'éphémère mais dans un *jeu* avec l'éphémère.
Je n'ai pas encore pris le temps de lire toutes les réactions, mais il fallait que je réagisse, il y a trop de méconnaissance de ce qu'est la vie d'artiste dans certains commentaires. Quel que soit notre Art, nous avons plongé dedans souvent depuis notre plus jeune âge, parfois en héritage et parce-que les adultes ont décelé en nous un don et une passion qui ont été encouragés et développés. Il arrive le moment inévitable où on doit, la mort dans l'âme, renoncer à nos idéaux (pour la grande majorité d'entre nous) et choisir de pouvoir vivre; c'est réellement blessant d'entendre dire qu'en faisant cela on se "vautre dans la médiocrité", et trop facile venant de la part de gens nés avec une cuillère d'argent dans la bouche, ou en tout cas n'ayant jamais vécu dans la misère pour avoir été choisis par un métier (parce-que oui, quand on fait ces métiers, on n'a pas choisi, ça nous est tombé dessus, comme une évidence) pour lesquels la majorité des gens n'a pas envie de dépenser de l'argent ou bien n'a pas la culture nécessaire pour l'apprécier. On préfère aujourd'hui acheter le dernier écran plat plutôt qu'un tableau. Et des gens très aisés trouvent encore normal de nous demander de jouer de la musique gratuitement pour le mariage d'un-tel etc. Certains chanceux, comme Serge Lutens, Mathilde Laurent, Jean-Claude Ellena et d'autres pour la parfumerie, peuvent exprimer leur Art dans des conditions privilégiées, évidement ils ont du talent, mais nombre d'autres en ont tout autant et n'ont simplement pas eu leur CHANCE et se retrouvent à parfumer les lessives, cela n'a rien de deshonorant. Si van Gogh avait pu tirer le portrait de touristes à Monmartre pour pouvoir manger, il n'en aurait pas moins été un Artiste. Affirmer qu'"un Artiste ne se compromet pas" reflète une grande ignorance de ce qu'est la vie de tous les artistes. Je n'ai pas été payée pour le meilleur concert que j'ai fait de ma vie, au Musikverein, et qui est pourtant même commercialisé, et je vois tous les danseurs, comédiens, peintres autour de moi passer la vie à accepter ce genre de projets gratuitement par amour de l'Art, alors si on finit par avoir la chance de pouvoir se "compromettre" pour pouvoir manger (parce-que même cela, c'est difficile de l'obtenir, mon ami peintre est bien content quand un touriste lui achète un portrait), personne n'a le droit de le juger et de le mépriser( et surtout pas les privilégiés qui ont la chance de faire un métier "dans le vent"), car nous sommes ceux qui en souffrent.
RépondreSupprimerAlors justement il est urgent de faire ce que font Denyse et (rares) autres pour "éduquer" le nez en l'occurence, mais par là même l'esprit. La "masse" est avilie actuellement, certes, mais il faut continuer le travail pédagogique, pour recentrer le débat sur la parfumerie, je pense que le même snobisme qui pousse certains à s'offrir un sac Hermès peut également pousser à rechercher la qualité pour son parfum. Pour que la masse finisse par connaître, puis valoriser donc dépenser son argent dans des parfums qui ont une valeur artistique et que les nez ne soient pas obligés de faire des parfums-shampoings pour gagner un contrat avec une grande marque. Il est bien-sûr utopiste de penser qu'un jour tout le monde sera cultivé et investira dans l'Art, mais c'est ce à quoi la société doit aspirer, et tous ceux qui apportent leur grain de sable sont bienvenus. Merci Denyse.
Muguette
Désolée pour ce post si long...
RépondreSupprimerMuguette, merci pour ce témoignage, et je sais de quoi vous parlez: j'ai écrit plus d'un livre de commande, non pas pour boucler mes fins de mois mais pour avoir un toit sur la tête et de la nourriture dans le ventre. Ce sont mes "lessives" à moi.
RépondreSupprimerEn ce qui concerne les parfumeurs -- pas ceux qui font de la parfumerie fonctionnelle, mais ceux qui, malgré leur grand talent, "commettent" parfois des sent-bons médiocres -- je voudrais évoquer ce que m'a dit l'un d'entre eux:
"Parfois, on veut simplement remporter le brief, donc on est prêt à faire ce qu'il faut pour satisfaire le client". Ajoutons à cela que ces parfumeurs disposent parfois de délais et de budgets dérisoires, lorsqu'ils ne sont pas carrément confrontés à un client qui préfère un jus médiocre à une création plus originale.
Oui, il faut bien vivre -- exactement comme à la grande époque d'Hollywood dans le système des studios dont les réalisateurs étaient les salariés.
Mais comme c'est arrivé à Hollywood, où certains réalisateurs se sont affranchis du système des studios, certains parfumeurs s'affranchissent dorénavant du système des labos (je pense notamment à Laudamiel et Kurkdjian), trouvent un "producteur" prêt à prendre des risques (comme Frédéric Malle) ou savent s'aménager une aire d'indépendance au sein d'une société de luxe.
Reste la question de la "voix" du parfumeur qui travaille en indépendant, sans direction artistique... mais c'est un autre sujet.
Bonjour Carmencanada,
RépondreSupprimerQu'entendez-vous par parfumeur indépendant qui travaille sans direction artistique ?
Le témoignage de Muguette est assez touchant...
Un parfumeur me racontait que lors de ses entretiens d'embauche dans les années 90, il lui était régulièrement rétorqué : "ce que vous faites, c'est de La Parfumerie et on en a pas besoin...ce n'est pas ce que demande le marché "
En fait, j'aurais dû écrire "sans directeur/trice artistique".
RépondreSupprimerMême chez Frédéric Malle qui dit laisser une totale liberté à ses parfumeurs, on peut s'interroger sur son apport en tant qu'éditeur -- a-t-il totalement lâché la bride aux parfumeurs, a-t-il guidé un peu?
On peut se poser le même type de question à propos des autres maisons: quel est l'apport esthétique d'une direction artistique?
Donc, si le parfumeur travaille en solo, pour son propre compte, se poussera-t-il lui-même dans ses retranchements? Comment se manifestera son goût?
La question reste ouverte puisqu'il s'agit d'un phénomène récent dans cette génération (je ne parle pas des méthodes de création d'avant les années 70).
Je sais que Frédéric Malle a fait apporter quelques modifications sur Lipstick Rose…
RépondreSupprimerUne des raisons pour laquelle j’ai abandonné l’idée de créer une ligne de parfum (du moins dans l’immédiat) c’était justement cette petite phrase récurrente chez mes partenaires financiers : « On veut pas faire du parfum d’Art, on veut vendre. » Parce qu’il y a une chose à laquelle il faut (malheureusement) penser, c’est l’argent. Rien ne se concrétise sans lui. Et pour être parfumeur indépendant, il faut non seulement être son propre directeur artistique mais aussi entrepreneur dans l’âme.
Tout le monde ne cumule pas les qualités techniques et artistiques d’un bon parfumeur avec celles (qui font appel aussi à la créativité et la ténacité) d’un bon entrepreneur. On peut toujours s’associer mais il faut vraiment trouver le partenaire idéal sinon la dualité création/marketing ne peut pas être féconde.
J’ai trouvé cette définition de l’Art de Nicolas Schöffer qui résonne bien avec le thème de votre article Denyse : http://www.olats.org/schoffer/defart.htm .
Pardon, j'ai mis un point après le lien et il ne fonctionne pas le voici :
RépondreSupprimerhttp://www.olats.org/schoffer/defart.htm
Nathalie, vous avez entièrement raison: la structure du marché du parfum est telle que ce dernier ne peut fonctionner comme le fait une galerie d'art, avec les prises de risque que cela implique mais aussi le "débouché" des musées et autres institutions culturelles...
RépondreSupprimerEn effet, le talent de créateur et celui d'entrepreneur sont bien distincts. Et tout le monde n'est pas un Frédéric Malle ou un René Shifferle (LesNez) capable d'oser la différence et l'originalité.
J'espère tout de même que votre projet aboutira un jour.
Bonne chance Nathalie! Pour ceux que ça pourrait amuser, une petite anecdote assez marrante: aujourd'hui, en cherchant Romeo et Juliette sur youtube(après avoir vu que la version comédie musicale a été visionnée 660000 fois contre 30000 pour prokoviev), j'atterris sur la version par le berliner et Abbado à la direction, avec un commentaire en dessous (2eme partie): "the guy at the beginning reminds me of robert deniro". J'ai commencé par pleurer de rire, avant de réaliser que c'est génial que via internet, quelqu'un qui non seulement ne connaît pas Abbado, mais en plus ne sait pas que "the guy" ça s'appelle un chef d'orcheste, soit arrivé là et, peut-être, a tout écouté. Allez, on peut imaginer un groupe du 93 aux galeries en train de dire "eh mec, Rita Mitsouko ça sent trop trop bon! En plus, Denyse de Nice le dit dans sa liste d'Automne" lol
RépondreSupprimerMuguette
Muguette, en effet, la confusion Guerlain/ Catherine Ringer, ça m'est déjà tombé dessus, et pas chez les petits loulous du 93, comme quoi...
RépondreSupprimerExcellent !!!
RépondreSupprimerLOL
Moi qui suis une amoureuse du beau parfum, je ne sais s'il est un Art mais certains sont considérés à juste titre comme des chefs d'oeuvre de la parfumerie.
RépondreSupprimerEn tout cas, comme tous les Arts, il exige une technique, un savoir faire. Un parfumeur-créateur comme Jacques Guerlain en 1919 avait il le sentiment d'être un artiste en créant Mitsouko?
Aujourd'hui, alors que l'on essaye de réenchanter le parfum, la blogosphère semble en effet l'ériger en oeuvre d'Art, cherchant à propager le Beau et à protéger ces fameux chefs d'oeuvre en péril qui au final ne sont pas nombreux, ainsi qu'à mettre enfin un nom et un visage derrière les créations Dior, Saint Laurent ou Cacharel...
Le parfum, c'est aussi (et surtout) une industrie qui cherche à faire de l'argent sans se soucier nécéssairement du Beau et du Noble. Là, les parfumeurs sont de simples "tâcherons" qui tentent de faire de l'argent, sans grande liberté. J'ai vu les dessous de l'affaire pour savoir combien le parfum peut rester au ras des pâquerettes, notamment avec le chromatographe et des briefs frileux.
Art ou non, je crois qu'il est fondamental de préserver notre beau patrimoine olfactif et d'essayer d'instruire au mieux les nouvelles générations.
Rebecca, tous les tableaux, films ou compositions musicales ne sont pas de l'art, mais la discipline elle-même peut mériter ce nom, je crois.
RépondreSupprimerQuant au sentiment de Jacques Guerlain, à moins de tomber sur son journal, on ne le connaîtra jamais, mais si quelqu'un mérite d'être reconnu à ce titre, c'est bien lui.
A Uella et à anonyme qui s'interrogeaient sur l'artiste vs l'artisan voici une belle, et féconde sans doute, définition de Pierre Soulages, donnée récemment dans Le Monde :
RépondreSupprimer"Un jour, Claude Simon m'a dit : "Nous sommes des artisans". Je lui ai répondu : "Pas du tout. L'artisan, le très grand artisan sait ce qu'il va faire et comment il va s'y prendre. Il connaît la fin de son activité et les bonnes méthodes à employer. Nous, nous ne savons pas ce que nous allons faire, ni ce qui va se faire, indépendamment de nous." Je crois que Claude avait été assez frappé par cette réponse. Il l'a citée plus tard."
Muguette, votre témoignage est exemplaire, je connais plusieurs artistes, femmes surtout, partageant cette vie difficile, entre création/expression et compromis; en butte contre le matériel.
Très intéressant échange qui n'a aucune chance de se clore de sitôt. Et c'est mieux ainsi.
Effectivement, elle est à retenir cette citation.
RépondreSupprimerMerci Véronique
Véronique, en effet, excellente citation. A retenir!
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