La première fois que j’ai senti la fleur d’oranger en vrai, c’était dans les bras d’un garçon, à Séville, durant les processions de la semaine sainte. Elle avait un autre nom pour moi en ce temps-là, légué par les Maures à la langue espagnole : azahar. Sous ces arbres au feuillage vert sombre et ciré piqueté de petites étoiles blanches, lourds encore des oranges de l’année précédente, j’ai vécu l’une des expériences olfactives les plus enivrantes de mon existence. Évidemment, ce Román aux yeux chocolat et aux hanches flamencas n’y était sans doute pas étranger… C’est ce souvenir exquis que me rappelle le nouvel Orange Blossom de Penhaligon’s, dont je m’inonderai à défaut de m’envoler à Séville pour Pâques…
L’absolue de fleur d’oranger trahit les facettes végétales, minérales et animales que la fleur dissimule en temps normal sous ses petites jupes blanches – tige d’asperge vert sombre, bouffée d’asphalte chauffée au soleil avant l’orange, trainée grasse de cire, voile de pollen miellé… C’est cette absolue que Bertrand Duchaufour a étudiée, de la même façon qu’il avait déshabillé/rhabillé la gousse de vanille pour le Havana Vanille de L’Artisan Parfumeur : comme s’il s’agissait d’un matériau inédit. Le résultat n’est pas aussi complexe qu’Amaranthine : Orange Blossom reste un soliflore dont la structure verticale répète « fleur d’oranger » à tous les étages. Ce n’en est pas moins une construction subtile, qui atteste d’une maîtrise croissante des matériaux chez son auteur.
Orange Blossom se déroule comme une fugue olfactive, chaque stade du développement reprenant et explorant des notes dévoilées au stade précédent. Le débouché scintillant vibre de notes zestées, teintées par le petitgrain d’une saveur acidulée-sucrée d’aspirine pour bébé à l’orange ; la facette haricot vert cassé/tige d’asperge du petitgrain est reprise à son tour par la feuille de violette. L’absolue de cardamome fait écho, dans un ton plus chaud, aux accords à la fois verts et zestés des notes de tête; l’odeur anisée de la baie rose ajoute à cette palette de verts une autre nuance. Le jeu chaud/froid des deux épices fonctionne ici un peu à la manière des aldéhydes, pour brasser les notes de tête effervescentes dans celles, plus capiteuses, du cœur.
Ce cœur s’ouvre sur d’autres facettes vertes, celles de la rose, de la tubéreuse et du jasmin sambac, notes florales qui étoffent l’accord principal de fleur d’oranger, composé d’absolue et d’Aurantiol (une base composée d’anthranylate de méthyle, l’une des principales molécules de la fleur d’oranger, et d’hydroxycitronnellal à odeur de muguet). À ce stade, Orange Blossom développe des notes vertes et savonneuses sur fond de muguet, de jasmin et de chèvrefeuille, dans un sillage saupoudré de pollen et traversé de bouffées d’indole.
Lorsqu’Orange Blossom atteint ses notes de fond, c’est l’aspect miellé/cireux, presque résineux de l’absolue qui s’affirme avec la note « solaire », baumée et légèrement huileuse du salicylate de benzyle (ingrédient jadis utilisé comme filtre solaire et qui, du coup, est devenu le synonyme olfactif de la plage). Ce baiser tropical, réchauffé d’une touche de clou de girofle, de santal, de vanille et de musc, s’attarde sur la peau plusieurs heures.
Si Orange Blossom ne s’aventure pas aussi loin sous les froufrous qu’Amaranthine, présenté par Penhaligon’s comme « l’odeur de la cuisse d’une femme », il n’en insinue pas moins, sous son enjouement printanier, quelques sous-entendus appuyés. Après tout, ces fleurs qui symbolisent l’innocence dans les couronnes de mariées font aussi, forcément, allusion à la nuit de noces…
D’une fleur à l’autre : les accords printaniers d’Orange Blossom me font songer à la voix délicieusement acidulée et coquine de Blossom Dearie, surnommée la Betty Boop du Bop. Cliquez ici pour l’entendre interpréter le standard If I were a bell. Pour les cloches pascales, avouez que c’est tout indiqué.
Well sir all I can say is if I were a bridge I’d be burning…
Or if I were a season, I’d surely be spring,
And if I were a bell I’d go ding, dong, ding, dong, ding…
Orange Blossom sera mis en vente dans la dernière semaine de mars.
Denyse,
RépondreSupprimerCette description est alléchante !
Orange Blossom remplacera t -il Nuit de Tubéreuse dont Octavian dit que vous le portez magnifiquement ?
Anne
Anne, comme je ne suis pas très fidèle en parfums... je pense que je peux aller de l'un à l'autre, avec quelques détours par Amaranthine (pour rester chez le même auteur). Mais Nuit de Tubéreuse est à mon sens une création plus complexe et innovante.
RépondreSupprimerDenyse,
RépondreSupprimerpouvez vous le décrire en quelques mots ?
Ma curiosité ne peut plus attendre !
Anne
Anne, je viens de boucler mon texte... mais j'attends qu'on se rapproche un peu de la date de lancement pour publier. Disons que ça ne ressemble à aucune tubéreuse sur le marché.
RépondreSupprimerJe vais en rêver alors ... dites moi juste la date de sortie ?
RépondreSupprimerParfumeusement vôtre
Annoucheka
Alors mystère: on n'a pas su me renseigner avec exactitude, on parle de mai voire de juin... Cela dit, mes renseignements ne viennent pas du service de presse.
RépondreSupprimerhumm tres allechant ce parfum
RépondreSupprimeril faudra que je le teste celui la, une fleur d'oranger pas si innocente d'apres ce que je vois
Vero, pas spécialement innocente, c'est vrai. C'est justement ce qui me plait chez elle.
RépondreSupprimerPremière impression sur Orange Blossom, OMG c'est ravissant! C'est une fleur d'oranger confite et fraîche en même temps, riche comme l'absolue mais sans l'aspect métallique et légère comme l'essence avec bien plus de corps. Ma seule crainte est qu'elle ne tienne pas beaucoup mais quel joli parfum estival!
RépondreSupprimerPour NdeT, la date a changé, du 15 c'est passé au 24 mai! Patience...
Rebecca, je trouve qu'Orange Blossom tient très bien pour l'avoir testé à plusieurs reprises...
RépondreSupprimerEt, zut, NdT ne sort plus à la sainte Denise, je le prends perso...