Les compagnies de CRS ont déjà bloqué l’avenue de La Motte Picquet, les pompiers s’alignent, les hélicos nous bourdonnent au-dessus de la tête… Bienvenue au 14 juillet, vu de mon quartier. Dans quelques heures, je vais devoir convaincre ma petite chatte que ce n’est pas la fin du monde, quand les vitres se mettront à trembler lors des feux d’artifices. Et il faudra que je lui explique Johnny...
Quel parfum porter pour célébrer la prise de la Bastille ? L’un de ceux dont une Marianne a été le visage ? Chanel N°5 pour Catherine Deneuve, Coco pour Inès de la Fressange, Champs-Élysées de Guerlain pour Sophie Marceau qui a failli se retrouver en buste dans les mairies ?
Peut-être un parfum de Bicentenaire ? Je conserve encore un souvenir ébloui du défilé métissé de Jean-Paul Goude en 1989, avec Jessye Norman chantant la Marseillaise place de la Concorde, là où s’est jadis dressée la guillotine, la robe-drapeau tricolore d’Azzedine Alaïa claquant sur son corps de déesse… Peu de parfums sortis en 1989 semblent s’accorder à l’ambiance. Peut-être le Gardénia Passion d’Annick Goutal, plus tubéreuse que gardénia, d’ailleurs, pour son côté feux d’artifices olfactif. Le Palais Jamais d’Etro semble ironiquement intitulé, comme pour rappeler que les palais en question n’appartiendraient plus jamais à la famille royale (sauf qu’il y a eu la Restauration). Jean Desprez a bien sorti une Révolution à Versailles, disparu depuis, que je n’ai pas senti.
Si je recule encore d’un siècle, je pourrais opter pour l’indétrônable Jicky, lancé l’année du centenaire de la révolution, en même temps que la Tour Eiffel.
Ou alors, par esprit de contradiction, devrais-je porter Un Lys de Serge Lutens en souvenir de la royauté française ? Muscs Koublaï Khan pour m’afficher en Muscadin – porter un parfum musqué à l’époque, c’était risquer la décollation, puisque c’était l’emblème odorant des royalistes…
Et puisqu’on est dans le 18ème siècle… Pourquoi pas le 1740 d’Histoires de Parfums, inspiré par le marquis de Sade ? Ce pauvre marquis, enfermé à la Bastille par lettre de cachet à la demande de sa belle-famille qui le trouvait décidément trop remuant (il avait notamment enlevé sa belle-sœur), s’était mis à hurler qu’on égorgeait les prisonniers par le tuyau de renvoi des eaux sales… le 12 juillet 1789. On le transféra donc, pratiquement nu, vers une autre geôle. Non seulement rata-t-il sa mise en liberté le 14, mais il perdit son manuscrit des 120 Journées de Sodome, dissimulé dans sa cellule. Il pressa sa femme d’aller le récupérer. La brave marquise se met en branle le 14 juillet. Sade ne revit jamais son manuscrit, mais il prétendit par la suite, auprès des comités révolutionnaires, qu’il était à l’origine de la prise de la Bastille. On le comprend : en tant que ci-devant, il devait donner des gages…
1740 est un curieux cuir tiraillé entre le sucré – la vanille et la facette chocolatée du patchouli – et l’épicé – cumin, coriandre, cardamome et immortelle. Bien qu’il goûtât le fouet de façon active et passive, le marquis de Sade n’était pas un fétichiste du cuir (cette « passion », comme il l’aurait appelée, ne fut répertoriée que vers la fin du 19ème siècle), mais c’était très assurément un gourmand. Ses lettres à sa femme, lors de ses diverses incarcérations, comportent souvent des listes de friandises à lui procurer. Que faire d’autre qu’écrire en prison, et… réagir à son inspiration, à part manger ? L’option gourmande de 1740 n’est donc pas mal vue, et c’est un beau cuir arrondi assez digne de son inspirateur.
Et vous ? Que portez-vous pour le 14 juillet ?
Bel héritage de notre histoire. L'Héritage de Guerlain est celui que j'ai choisi aujourd'hui.
RépondreSupprimerEt moi, j'ai finalement opté pour deux vintage, Femme de Rochas et Mitsouko... Cet héritage-là, la France peut en être fière.
RépondreSupprimerMoi tout simplement je portais l'Eau du Coq, histoire d'éviter toute pollution qui aurait nuit à la "revisite" du Patrimoine Français à laquelle je m'étais préparé.
RépondreSupprimerMerci Denyse, tu as su porter avec panache le drapeau tricolore !
humm.. je ne me suis aps trop posée la question ne terme d'évènement en fait, juste suivi mes envies, du coup attrape-coeur hier soir.
RépondreSupprimerThierry, cette Eau du Coq était tellement discrète que je ne l'ai pas devinée... ;-)
RépondreSupprimerSoph, en fin de compte, j'ai fini la soirée avec Shalimar extrait... Comme quoi.
RépondreSupprimerComme souvent en ce moment (et souvent tout court, d'ailleurs) c'était le fidèle des fidèles: Vol de Nuit.
RépondreSupprimerMais sinon, dans la liste de Carmencanada, je vote Un lys. Parfum sublime 3 mois par an (ça tomber bien, c'est sa saison) et puis le testament politique de Louis XVI a été retrouvé récemment, donc c'est raccord. ;-)
Bénédicte, il faudrait qu'il fasse encore plus chaud pour Un Lys, non? Ça manque un peu de canicule, tout ça (dit la perverse qui aime sentir ses parfums dans le cagnard).
RépondreSupprimerIl semblerait que la journée fut propice à Guerlain, patrimoine historique ?
RépondreSupprimerBen, faut croire... cocorico!
RépondreSupprimerCertes, un Lys mérite 30°C pour être apprécié pleinement. Mais bon, à partir de 20°C, cela reste bien. En revanche, il n'est vraiment vraiment pas joli, et peut même parfois prendre un aspect aigre, quand il fait froid.
RépondreSupprimerA l'inverse, son cousin Lily & Spice chez Penhaligon's est parfait la plupart du temps, et spécialement en hiver, sauf justement pendant les mois d'été: trop, beaucoup trop de spice! Sur moi en tous cas l'overdose de safran décapite le lys. Et pour le coup, voilà la métaphore olfactive d'un 14 juillet.
J'etais un peu pre-occupee et je suis un peu tard ici (meme que j'avais accompli ma liste propre sur mon site), mais je voudrais t'informer que Palais Jamais n'a pas d'associations au revolution comme il est repli de vetiver et de bois fumes, lors qu'il a une tete frais. Revolution a Versailles est -selon mon avis- moins belle que Bal a Versailles, alors pas grande chose que le parfum est disparu. C'est Bal que j'avais choisi pour le jour.
RépondreSupprimerHelg, je me doutais bien que Palais Jamais n'avait rien de révolutionnaire, c'était juste un clin d'oeil! Bal à Versailles, parfait pour l'esprit de contradiction, à moins qu'on n'y danse la carmagnole (vive le son du canon!).
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