samedi 18 juillet 2009

Fille en Aiguilles de Serge Lutens : Potion de Pin




Quel parfum porter en temps de pandémie ?

Il me semble que le nouveau Serge Lutens, Fille en Aiguilles, conviendrait à la situation. Non que les aiguilles en question fassent référence aux seringues – pas plus, d’ailleurs, qu’aux talons hauts. Ces aiguilles-là, c’est le sol des pinèdes qu’elles jonchent.

Le sillage chaud-froid d’essence de pin de Fille en Aiguilles est assez pénétrant pour dégager les sinus et laisser une sensation de fraîcheur sur les papilles. Sa facette médicinale est intensifiée par la brûlure camphrée du vétiver, dont l’essence est traitée crûment, comme à l’emporte-pièce, sans ses classiques apprêts hespéridés, un peu à la manière du Turtle Vétiver d’Isabelle Doyen pour LesNez. Une note carbonisée, presque poudre à fusil d’encens poivré noircit les lueurs de gemme de cette mixture résineuse. Les vapeurs combustibles, mettent plusieurs heures à se dégager avant d’exhaler des facettes plus sucrées du fir balsam, assaisonnées d’un soupçon de ces fruits confits dont Lutens a fait sa signature. Elle adoucissent une crudité assez peu caractéristique du style-maison que si cette composition était présentée par un petit parfumeur indépendant, on n'y verrait que du feu...

Fille en Aiguilles est une composition simple et curieusement réconfortante qui évoque tour à tour les pastilles pour la toux, la térébenthine et les pinèdes. Son aura salubre la fait pencher du côté des potions antiseptiques plutôt que du parfum, rappelant en cela l’usage de matériaux aromatiques puissants pour repousser les miasmes putrides porteurs de maladies, à l’époque pré-pasteurienne. C’est peut-être là l’ordonnance du Dr. Serge contre les vilains microbes qui menacent de s’en prendre à nous l’automne venu.

Un peu de pensée magique n’a jamais fait de mal. Et l’alchimiste du Palais Royal s’y connaît en magie.


Image: Madeline von Foerster, La Femme grave se gave (2005)


20 commentaires:

  1. C'est l'antiviral bio pour lutter naturellement contre les outbreaks! LOL

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  2. Diable Rouge: Bio, je ne sais pas, mais je parie que les mites auraient peur...

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  3. D,

    "poudre à fusil d’encens poivré"?

    "térébenthine"??

    Tout à coup, ce dernier Lutens m'intéresse beauuuuuucoup plus que je ne l'aurais cru!

    Merci pour cette critique, je l'attends maintenant avec impatience!

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  4. Six', welcome back! ;-)
    Plus que deux semaines et vous pourrez vous faire vous-même une idée...

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  5. Merci!

    Je me remets peu à peu au parfum, j'ai manqué plein de choses et j'en vois d'autres bien jolies qui s'annoncent!

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  6. Oh là là il faut vraiment que j'aille l'essayer sur la peau, juste par curiosité, il a l'air vraiment drôle celui-là! La décoction de résineux, c'est rafraîchissant, n'est-ce pas? :-))

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  7. Bénédicte, oui, ça a un côté chaud-froid,un peu comme la menthe... décidément, on ne sort pas de la pastille!

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  8. Après un premier essai sur touche avant la sortie officielle, je m'étais dit qu'il fallait lui donner une "seconde chance" sur peau, que peut-être quelque chose allait se passer...
    Eh bien non, pas de mouvement cinétique, pas de fondus enchaînés, rien de tout cela...
    Je crains que son rôle de répulsif ne se limite pas aux méchants virus...

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  9. Le Docteur Serge a tout de même adouci sa potion résineuse par un coulis de fruits rouges en arrière-plan. L'ensemble m'evoque quelque chose comme : " Cueillette des framboises et des mûres à l'orée d'une sapinière" (scène de la vie rurale en Haute-Ardèche ;-) )

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  10. Thierry, ça ne m'étonne pas, ce n'est pas du tout ton genre de beauté!

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  11. Le Gnou, bienvenue sur Grain de Musc!
    J'ai décelé un arrière-fond fruité mais sur ma peau, c'était trop discret pour que j'en voie la couleur. En tous cas, c'est en effet une vision assez bucolique!

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  12. Hmm, y a-t-il un rapport avec Monocle Hinoki, au niveau des terpenes? Ou peut-etre Turquoise d'Olivier Durbano? Le Durbano ne m'a pas tellement plu, mais Hinoki Monocle si. En tout cas, un parfum de pin qui me rappelle les forets des Landes me ferait bien plaisir.

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  13. Tara, Turquoise je ne connais pas (je ne sais pas où les parfums d'O. Durbano sont diffusés à Paris), mais c'est à Hinoki que j'ai le plus pensé. Cela dit, je ne l'ai porté qu'une fois, le jour où je te l'ai emprunté, donc c'est plutôt une parenté, je crois.

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  14. A lire votre avis, je le "voyais" plus sec et craquant. Je viens de l'essayer et je suis frappée par sa douceur baumée sur la peau, j'aime assez mais je ne sais si je ne regrette la première idée que je m'en étais faite...
    alizarine.

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  15. Alizarine, je crois qu'il peut évoluer très différemment selon les peaux. Sur moi il demeure très pin et camphré. Sur mon amie, il prenait en effet des rondeurs fruits et baumées très rapidement... Dans un cas comme dans l'autre, il est très beau!

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  16. de mon côté, le côté "brûlé" a bel et bien été repéré! j'adore, en tout cas...

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  17. Justement, sur moi il devient très fruité comme le décrit LeGnou, confit; y'aurait pas un peu de violette aussi? Je le regrette presque, j'adorais ce départ fumé très sec, qui donne presque l'impression d'entendre les aiguilles crépiter sous les pas. Ça me rappelle les vacances au bord de la mer en Toscane, quelle émotion, ce parfum! Je vais le tester sur la peau de mon homme, je suis impatiente de voir ce que ça va donner!

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  18. Clochette, c'est en tous cas un parfum qui suscite de puissantes émotions... c'est rare.

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