Il est toujours intéressant de revenir sur un lancement attendu avec impatience, une fois que le buzz s'est apaisé…
Ainsi, le Kelly Calèche d'Hermès. À sa sortie, il a suscité des réactions assez mitigées de la part des perfumistas pourtant plus que favorablement disposés à l'égard du parfumeur-maison d'Hermès, Jean-Claude Ellena.
La raison ? Un peu son nom, puisque Kelly Calèche n'a rien à voir avec le classique composé par Guy Robert en 1961; mais surtout, le fait qu'il ait été désigné comme "cuir floral". Un parfum cuiré signé Ellena, voilà qui suscitait la convoitise de tous les amateurs de parfum, frustrés par la disparition du sublime Doblis composé par Guy Robert en 1955 et relancé en 2004 en édition limitée, qu'Hermès n'a aucune intention, semble-t-il, de rendre à nouveau disponible.
Or le problème, c'est que Kelly Calèche ne tient pas ses promesses cuirées pour tous les nez. Le mien, par exemple, n'y sent que des fleurs, et je sais que je ne suis pas la seule. En revanche, il suffit de parcourir le forum américain Makeup Alley pour découvrir que plusieurs commentatrices y trouvent des relents d'écurie... Comme je les envie !
Jean-Claude Ellena s'est très clairement expliqué sur le problème que lui posait le désir d'Hermès de proposer une référence "cuir" en harmonie avec le patrimoine-maison. Il n'avait aucune intention de faire dans la redite en recourant aux ingrédients habituellement convoqués pour réaliser l'effet cuir (goudron de bouleau, castoréum, styrax, isobutyl-quinoléine, etc.).
Il s'en est donc dispensé, pour en produire l’effet en creux, par évocation et association, grâce aux fleurs jadis utilisées dans les processus de préparation des peaux (l’iris et la cassie, qui ont par ailleurs des facettes cuirées). Les notes de tête hespéridées qui couronnent en général les parfums cuirés servent à renforcer cette impression de cuir fantôme, tout comme le narcisse avec ses relents d’écurie et de tabac frais (si vous avez senti le Fleur de Narcisse 2006 de L’Artisan Parfumeur, vous comprenez).
Ces accords devaient créer une sorte de cuir végétal tout en douceur, un cuir implicite obtenu par soustraction : les semelles des chaussures d’un ange, disait Ellena en évoquant Jean Giono. Hélas, à force d’être allusif, ce cuir reste presque indécelable. Kelly Calèche est avant tout l’une des nombreuses variations d’Ellena sur l’odeur de l’eau. Kelly Calèche regorge de pétales gorgés de pluie : l’iris, le mimosa, la rose et le narcisse qui flottent dans les flaques après une averse de printemps l'apparentent plutôt à la série des « Jardins ». La tension interne entre le désir de parfumeur d’Ellena (l’eau, le végétal, l’immatérialité) et le brief d’Hermès (le cuir, le patrimoine équestre) est peut-être ce qui rend Kelly Calèche aussi indécis, bien qu’il soit ravissant dans sa pâleur délavée.
Les amateurs de parfums cuirés étant restés sur leur faim, ils réclamaient une sorte de Kelly Calèche Extrême : la sortie récente d'une concentration parfum semblait pouvoir les combler. Son flacon en forme de cadenas évoque celui qui ferme le mythique Kelly : c’est surtout ce flacon qui semble être promu, plutôt que le jus qu’il contient.
De fait, le parfum n’est pas très différent de l’eau de toilette. Mais la bruine qui le nimbait s’est évaporée, les fleurs ont été épongées et l’effet curieusement aqueux est moins en évidence – on est passé de l’aquarelle au pastel. Il me semble que du jasmin a été ajouté ; la tubéreuse est plus en évidence ; l’iris, à la fois métallique et carotté, reste prédominant.
Cette plus haute définition retire un peu de son caractère Ellena à la composition : bien qu’il reste parfaitement reconnaissable, le parfum Kelly Calèche ressemble plus à un floral traditionnel qu’à une créature amphibie végétale-animale éclose dans le jardin après l’orage.
Et le cuir, direz-vous ? Hélas, non, toujours pas…
Le nouveau parfum est vendu dans un flacon cadenas d’une contenance de 7,5 ml (€140) ; des recharges sont disponibles (€71). Il est également proposé en flacons de 15 ml (€156) du même modèle, en plus petit, que le flacon Calèche classique (la version parfum de Calèche, 24 Faubourg et Parfum des Merveilles font également partie de cette gamme).
Je fais partie de ces perfumistas qui decelent un cuir d 'ecurie de cette composition, mais malheureusement un cuir humide qui sent la vachette, comme un morning-after effect d 'une veste en cuir bas de gamme qu 'on aurait laisse trempee toute une nuit dehors sous la pluie. On est loin d 'un superbe cuir de doblis signe Hermes! Autrement l 'ensemble est execute autour de notes hesperidees et fruitees rose bonbon tres jeune fille, ca aussi c 'est decevant et tellement "facile".
RépondreSupprimerCâline, effectivement, ce n'est pas le genre de cuir qu'on a envie de sentir... Mais si tu en as l'occasion, vas sentir la concentration parfum pour voir si elle te fait le même effet. Il me semble qu'elle est un peu plus "grande fille".
RépondreSupprimerkelly caleche, la premiere fois que je l'ai teste, j'etais dubitative, pour moi un floral, relativement banal et deja vu...ensuite, je me suis dis que je passais peut etre a côté de qqchose, jc Elena est un excellent compositeur, donc je me suis repenchée dessus...j'en perçoie beaucoup plus de finesse et de facettes qu'auparavant, je ne le classerais pas dans les cuirs purs et durs, c'est plutot une peau de daim feutrée legerement rapeuse.Un toucher buvard, dans lequel on aurait infusé une rose en ethérée, une pluie finement poudrée de roses qui s'impregne delicatement sur un voile de daim, je l'ai adopté
RépondreSupprimerVéro, je crois que l'appellation "cuir floral" a nui à KC à son lancement, pour la poignée d'aficionadas des parfums cuirés... Mais il est effectivement intéressant pour d'autres raisons. C'est pour cela que j'ai envie de me pencher à nouveau sur des sorties plus anciennes: avec Ellena, on a toujours des surprises!
RépondreSupprimerJe faisais partie des déçues au lancement de l'eau de toilette, et le cuir m'apparaissait aussi comme une vague odeur d'écurie... Et puis j'ai compris comment ce cuir n'était en fait qu'un accord de fleurs miellées et tabacées, ce qui l'a fait remonter dans mon estime, sans l'adopter pour autant. Mais ce que j'ai pu constaté en le ressentant de temps à autre, et surtout dans la rue et dans le métro, c'est qu'il a indéniablement de la personnalité, on ne peut le confondre avec rien d'autre.
RépondreSupprimerIl n'a pas l'air d'avoir fait un carton en 2008, mais je lui souhaite sincèrement de trouver une clientèle fidèle et sensible à ses fleurs humides et equestres...
Jeanne, je crois que le côté tabacé dû au narcisse est un peu plus accentué dans la concentration parfum, mais cette dernière est moins "Ellena".
RépondreSupprimerKC a en effet un charme assez insidieux, je suis d'accord. Pas gagné au départ, mais finalement plus intéressant, au fur et à mesure qu'on le découvre.