lundi 29 décembre 2014

Mon Top 10 des parfums 2014


C'est en 2014, le niche est sorti de la niche. Le groupe Estée Lauder a croqué Le Labo, puis Frédéric Malle. L’Artisan Parfumeur a rejoint Serge Lutens chez Sephora et poursuivi une politique qui fait hurler ses détaillants, en soldant ses produits non seulement sur son site, mais au très chic Bon Marché juste avant Noël. Amazon.fr vend désormais treize marques de niche – dont L’Artisan, Arquiste, Olfactive Studio et Miller Harris – dans son corner Beauté Prestige.

Côté nez, si Christine Nagel a rejoint Hermès au début de l’année pour succéder à Jean-Claude Ellena, c’est à la fille de ce dernier, Céline Ellena, que l’on doit les premiers parfums “non-JCE”, une collection pour la maison. Chez Chanel, Olivier Polge qui remplacera son père Jacques a présenté sa première composition en novembre, un Exclusif commercialisé en mars : Misia, accord lipstick sensuel sur fond baumé de fourrure.

Côté jus, on ne s’étonnera guère que le tsunami oudé continue à déferler : les digues ne tiennent plus que chez Hermès et Chanel (Cartier a cédé l’été dernier avec trois « Heures Voyageuses »). Sous cette influence, les roses ont muté vers des notes plus sombres et plus boisées – même le mainstream flirte désormais avec la rose moyen-orientale, comme en atteste le nouveau pilier de Clinique, Beyond Rose.

Ledit mainstream nous a réservé d’heureuses surprises cette année – dans les maisons de composition, on affirme que les budgets alloués aux formules est en train de remonter. Knot de Bottega Veneta, Narciso de Narciso Rodriguez (lancé aux USA, prévu pour le printemps en France), Beyond Rose de Clinique, Jour d’Hermès Absolu, Terre d’Hermès Eau très fraiche, B. Balenciaga et Burberry Brit Rhythm for Her n’ont pas intégré cette liste uniquement parce qu’elle se restreint à dix sélections. J’y aurais sûrement ajouté les rééditions Helmut Lang, Cuiron, l’Eau de Cologne et l’Eau de Parfum… Pour lire mes billets sur les parfums sélectionnés, cliquez sur le titre.



Oriental Express, Mugler Les Exceptions
par Olivier Polge et Jean-Christophe Hérault (IFF)

Mon coup de foudre de l’année : dès que j’ai drainé mon échantillon, il m’en a fallu un flacon. Une vanille sombre comme un patchouli, modernisée par une tête aromatique verte puissamment diffusive et par une extraction particulière de la graine de carotte concoctée par IFF/LMR aux facettes irisées, boisées et abricotées. Si j’étais perverse, je dirais que c’est une reprise brillante de l’idée de base de La Vie est Belle (un iris gourmand), mais sans caramel.




Œillet Bengale, Aedes de Venustas
par Rodrigo Flores Roux (Givaudan)

À chaque lancement, Aedes de Venustas le confirme : c’est l’une des marques de niches les plus intéressantes, les plus olfactivement cohérentes des dernières années. J’aurais pu également intégrer son quatrième parfum Copal Azur à cette liste (ce mur d’encens intransigeant a tellement impressionné certains de mes amis que j’ai dû céder mes décants les uns après les autres). Mais c’est Œillet Bengale, fleur en petard embrasée d’épices et d’encens, qui s’est consumé sur ma peau.




Cuir d’Ange, Hermès
par Jean-Claude Ellena
Ce dernier Hermessence en date n’est sans doute pas le chant du cygne de Jean-Claude Ellena – aucune date n’est officiellement annoncée pour son départ d’Hermès --, mais témoigne d’une évolution vers une parfumerie plus émouvante (ou alors, c’est simplement qu’à force, je « rentre » mieux dans ses compositions ?). Cuir d’Ange, hommage à Jean Giono, exfiltre le cuir de la Russie pour lui conférer la douceur florale et poudrées d’une plume d’aile de chérubin. 




par Thierry Wasser

Cette édition limitée s’est retrouvée en rupture de stock cet été sur plusieurs points de vente Guerlain (mais je vois que le site de la marque la propose à nouveau). Un floral tropical lumineux d’une délicieuse simplicité qui parfume également une ligne solaire, dont une crème « after-sun » absolument irrésistible (dont je préfère encore la note à celle du parfum).





La Panthère, Cartier
par Mathilde Laurent

Hommage aux grands chypres rosés des 80s avec un crochet par les années 20 – on y subodore Mitsouko --, La Panthère bondit hors des buissons de patchoufruits entre lesquels il faut se frayer un passage à la machette dans les self-services de la beauté. Son accord musc et gardénia, soyeux dans l’eau de parfum, gagne en férocité fauve dans l’extrait. On en ronronne.





Eau de Magnolia, Frédéric Malle
par Carlos Benaïm (IFF)

Inspiré par la lecture de captures « headspace » de magnolia, ce parfum délicat réinvente les colognes chyprées des 70s. Et m’a valu les compliments de parfumeurs intrigués par mon sillage, rien de moins.




Rosabotanica, Balenciaga
par Oliver Polge et Jean-Christophe Hérault (IFF)

Le dernier parfum conçu sous la houlette de Nicolas Ghesquière chez Balenciaga. Un packaging éminemment convoitable, qui habille une rose déconstruite virant aux notes aromatiques-boisées, presque médicinales, cueillie par un apothicaire de science-fiction dans le jardin de simples d’une station orbitale.




Rose Infernale, Terry de Gunzburg
par Sidonie Lancesseur (Robertet)

En se prenant un shoot de virilité à coups de vétiver, d’encens et de muscade, cette rose mutante s’arrache, comme Rosabotanica, aux clichés de la « reine des fleurs ».





Smoke for the Soul, By Kilian
par Fabrice Pellegrin (Firmenich)

Ça aurait pu être un clin d’œil, une sorte de blague olfactive… Mais cette déconstruction de l’odeur du cannabis, amère, résineuse et brûlante, pourrait être une bouffée de fumée s’échappant d’un flacon de Bandit détourné en cocktail Molotov. Tellement original qu’on aurait vu Jean-Claude Ellena en acheter un flacon dans un grand magasin parisien, c’est dire.




par Céline Ellena

Cette nouvelle collection d’Hermès propose des compositions originales et poétiques sous l’une des formes les plus adorables que j’aie vues pour ce genre de produit : un cheval en origami imprégné de senteur. Je convoite une boîte de ces mini-Pégase, dans la note cuirée À cheval!, à tel point que si elle n’apparaît pas sous l’arbre à Noël, je me l’offre.

Pour découvrir d’autres Top 10 de 2014 (en anglais), 
cliquez sur les liens suivants:
Bois de Jasmin
Now Smell This
Perfume Posse
The Non-Blonde 

Je vous souhaite une année 2015 délicieusement parfumée !

 

10 commentaires:

  1. Ma chère Denyse,
    Mes meilleurs voeux pour l'an 2015!
    Sara

    RépondreSupprimer
  2. Moi aussi j'ai adoré Copal Azur, Oriental Express, Terracotta le Parfum et Rose Infernale. Bizarrement, je n'arrive pas à sentir Oeillet Bengale sur moi. Mes autres grandes découvertes de l'année étaient Papillon Perfumery Anubis et Tom Ford Sahara Noir. J'ai fait des stocks de Dans Tes Bras en vue de la vente de FM à Estée Lauder. C'était une très bonne année parfumée en fin de compte!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai trouvé aussi qu'il y avait beaucoup de bonnes choses... Par contre, je ne vois pas pourquoi faire des stocks de parfums Frédéric Malle ? Le problème n'est pas ce rachat, mais l'impact des règlementations... Pour l'instant, Dans tes Bras n'a pas bougé, la seule chose qui pourrait devenir inquiétante serait une restriction sur le cashmeran (auquel cas, oui, on stocke, même si la note violette a tendance à "pourrir" assez vite en règle générale).

      Supprimer
  3. La Panthère de Cartier c'est vraiment l'événement de l'année pour moi. Je porte pratiquement plus que ce parfum, je ne peux m'en passer.

    Emma

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je trouve cela très rassurant qu'après autant d'années d'exploration du monde du parfum, nous puissions encore vivre ce genre de coup de foudre!

      Supprimer
  4. C'est effectivement le constat que je dresse après toutes ces années consacrées à la passion du parfum. Face à la médiocrité de la parfumerie actuelle, au fait aussi que les vieux classiques ne sont plus vraiment intemporels, voire quasi impossible à porter dans la vie de tous les jours, et puis une certaine lassitude, l'excitation du nouveau Lutens n'est pas la même aujourd'hui après une soixantaine de parfums qu'il y a dix ans. Ça c'est sûr. Donc, ouI que l'on arrive encore à s'emerveiller pour un nouveau parfum relève pratiquement du miracle. En plus, je n'ai toujours pas senti l'extrait de La Panthère de Cartier, ça c'est la prochaine étape, si c'est commercialisé aux États-Unis, pas sûre que ça le soit.

    Bonne année!

    Emma


    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis assez d'accord avec toi sur les vieux classiques -- je ne les porte pas plus souvent que mes fringues vintage, donc assez rarement (et jamais parfum + vêtement vintage en même temps, on n'est pas dans la reconstitution historique!).
      Les coups de foudre ne viennent pas souvent, mais ils viennent: comme quoi, on n'est pas forcément blasées, juste plus connaisseuses donc plus difficiles à épater!

      Supprimer
  5. Pour moi un parfum de niche ne peut être vendu qu'accompagné d'un conseil des plus professionnels qui seul permet de valoriser le produit à sa juste valeur.
    Je ne comprends pas comment une marque comme "L'Artisan Parfumeur" puisse être vendue sur ebay, un site loin des canons de la parfumerie sélective.
    Est-ce que cette marque a une vie en dehors de la niche, cela va vraiment être intéressant de suivre son évolution!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est juste, Aurélie, ce conseil est d'autant plus nécessaire que bien des clients n'ont pas de connaissance préalable de la marque... Cela dit, d'une certaine manière, les blogs et les forums de discussion en ont un peu assumé la fonction, surtout pour les personnes qui n'ont pas accès aux boutiques ou à certaines marques, et qui sont prêtes à acheter à l'aveugle. Mais Amazon, ça n'a vraiment rien de glamour! Quant à l'Artisan, ils ont certainement une stratégie, mais elle n'est pas très facile à comprendre de l'extérieur car on a l'impression qu'entre les soldes et les Explosions qui coûtent un rein, ça part dans tous les sens...

      Supprimer