L’un et l’autre sont des séducteurs. Sans doute
ont-ils d’autres points communs ; c’est tout de même à celui-là qu’on
songe en premier. Leur charme, de ceux qui font un peu mollir du genou lorsqu’ils
nous parlent, n’aura pas forcément d’impact sur leurs futures créations. Mais
passer les rênes de l’attelage parfum d’Hermès n’est pas qu’une question de style :
Jean-Claude Ellena et Christine Nagel sont appelés à travailler ensemble un
moment, à rencontrer la presse ensemble, et tout ce qui peut nourrir leur
complicité rendra l’exercice plus aisé…
L’un et l’autre sont aussi, du coup, doués pour la
communication, qualité essentielle chez un parfumeur-maison. Mais de façon très
différente. Exemple : lors du lancement d’Elle l’aime de Lolita Lempicka, Christine Nagel me disait quelque
chose dans le genre « Je ne peux pas le mettre en mots, dis-moi, toi »
(évidemment, elle peut). Alors que Jean-Claude Ellena aurait plutôt tendance,
lorsqu’il n’est pas d’accord avec moi, à me le dire et à m’expliquer pourquoi
(j’adore : j’apprends). Christine Nagel enseigne par le faire – la dernière
fois que je l’ai interviewée, elle avait installé dans son bureau une
étudiante-parfumeuse, dont elle m’a d’ailleurs dit le plus grand bien, parce
que c’était la meilleure façon de lui transmettre son savoir-faire. Jean-Claude
Ellena, lui, ne prend pas d’apprentis, pour autant que je sache. C’est à
travers ses livres et ses rencontres avec les journalistes – donc en direction
du public – qu’il transmet ses connaissances, sa vision des choses. Sa dernière
présentation presse, sur laquelle je reviendrai très vite, était un véritable master class sur l’histoire de la
parfumerie des dernières décennies.
Autre contraste : Jean-Claude Ellena a pu, et
su développer un discours sur sa propre méthode qui rapproche sa démarche de
celle d’un artiste. Christine Nagel,
travaillant pour plusieurs clients différents, n’a pas eu comme lui une
décennie pour affirmer son style au sein d’un même corpus. J’ai eu l’impression,
lors de nos diverses conversations, qu’elle prenait réellement plaisir à se
glisser dans les univers des maisons pour lesquelles elle composait – plaisir qui
me semble proprement féminin, ce qui
n’est évidemment pas une question de biologie puisque les hommes peuvent l’éprouver
aussi. Il n’en reste pas moins que dans ce binôme, au risque de frôler le
cliché, on pourrait parler d’une complémentarité
masculin/féminin.
Ce qui ramène forcément à la question des parfums.
Hermès n’a pas encore de blockbuster féminin équivalent à Terre d’Hermès, réglage par défaut de la parfumerie masculine, en
tous cas dans une certaine CSP. Christine Nagel a signé de grands succès
féminins, notamment Narciso Rodriguez for
Her (avec Francis Kurkdjian), consacré meilleur parfum féminin des deux
dernières décennies lors des Fifi français 2013. S’il en est une qui puisse dessiner
quelques courbes dans les flacons d’Hermès, c’est elle… On ne demande qu’à se
laisser séduire.
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