Mandragore est une bien curieuse potion: une bergamote pétillante que l’ajout d’anis étoilé, de poivre noir, de gingembre et de menthe semble rendre impropre à la consommation, voire vaguement toxique. Comme un poison qu’on aurait déguisé en bonbon ; comme mordre dans une écorce d’agrume et sentir l’amertume aromatique de l’huile essentielle sur sa langue.
C’est peut-être là le paradoxe qui valu à ce parfum pimpant d’être baptisé du nom d’une plante à l’odeur fétide, réputée pour sa toxicité ainsi que pour ses propriétés hallucinogènes, aphrodisiaques et magiques (fécondée au pied de l’échafaud par le sperme d’un pendu, arrachée par une nuit de pleine lune et soumise à des rituels particuliers, la racine de mandragore peut se transformer en homoncule capable d’accorder à son maître fortune et fécondité).
Lors du lancement de Mandragore, Camille Goutal avouait que l’idée du nom lui était venue à la lecture d’Harry Potter. Est-on également fan de heavy metal dans la maison ? La couleur du flacon et l’adjectif « pourpre » ne rendraient-ils pas un hommage ésotérique au groupe Deep Purple, dont le premier album, en 1968, comportait un morceau intitulé « Mandrake Root » ? (Et voilà ce qu’on gagne à trop consulter Wikipedia : on peut trouver des liens entre les infos et les enchaîner jusqu’à demain. N’empêche, j’aime bien l’idée d’un parfum Deep Purple.)
Les notes principales de Mandragore sont reprises et soutenues dans Mandragore Pourpre par de nouvelles notes aux odeurs contiguës. Ainsi, le romarin et le myrte s’enchaînent à la facette aromatique de la bergamote et la prolongent jusqu’au médicinal ; l’encens ajoute une note minérale et brûlée à la facette « poudre à fusil » du poivre noir ; l’héliotropine, avec ses rondeurs anisées, reprend sur le fond, en plus diffus, l’anis étoilé tandis que le géranium amplifie sa fraîcheur. L’ambre approfondit et adoucit le gingembre.
Image: La cueillette de la mandragore
Bonjour Denyse, je suis vraiment curieux de sentir le nouveau Mandragore. Je sens l'original comme une œuvre inachevée...il s'évanouit quand je commence à le décrypter, comme une brume de fraicheur qui est déjà disparue quand on commence à la savourer. Jusqu'aux orientalistes j'avais pensé que M.me Doyen avait entrepris un chemin vers la transparence voire vers une conception plus cérébral des parfums (e.g. l'Antimatière pour Les Nez). Les orientalistes ont représentés à mon avis un bouleversement pour la marque de AG. Est-il Mandragore Pourpre inscrit dans ce chemin ou...?
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerbravo pour cette très belle critique.
Fan de Mandragore l'original, je me suis précipité à Londres où Mandragore pourpre est déjà disponible depuis début Aout. Coup de coeur immédiat, Mandragore pourpre à tous les attributs qui à mon sens manquaient finalement à l'original (y compris en edp). Je partage également votre avis sur la tenue que j'aurai souhaité plus tenace sur la longueur (et ce n'est pas faute d'appliquer sans modération). Mais en même temps,ca me laisse rêveur sur une éventuelle eau de parfum ou un extrait..magique ;)
Et bien sur félicitions pour votre blog que je lis toujours avec beaucoup d'intérêt et de plaisir;)
Alexandre
Antonio, je vois exactement ce que tu veux dire.
RépondreSupprimerJ'ai aussi l'impression que Les Orientalistes ont marqué un réel virage vers une conception différente de la marque, bien qu'en ressentant certains parfums les précédant, je voie ce virage en préparation. Par exemple, le Jasmin contient déjà plein d'idées de Matin d'Orage mais cela n'apparaît qu'en après-coup.
Mandragore Pourpre me paraît en effet plus abouti que Mandragore au sens où les idées premières sont prolongées et étoffées. Il est déjà assez éloigné de notre représentation des Goutal "classiques" même à la sortie de Mandragore, mais je crois qu'on s'en apercevra plus maintenant, post-"virage".
Alexandre, merci! En effet, l'idée d'un Mandragore Pourpre en extrait laisse rêveur. J'aimerais bien refaire la séquence en moins évanescent: en même temps, c'est ce côté scintillant, "potion magique", qui fait le charme de Mandragore.
RépondreSupprimerDeep Purple ? Mais tes jeunes lecteurs ne vont rien comprendre ! Ah Wikipedia !
RépondreSupprimerJ'ai essayé Mandragore "classique" hier et très vite il s'est évanoui. On m'a donné un échantillon de MP (qui sortira en septembre) que j'ai à peine ouvert et testé : il semble assurément plus sombre et plus intense. Y perçois-tu la couleur pourpre ?
Thierry, je suppose que les jeunes lecteurs peuvent faire comme moi, lorsque j'explorais la musique des décennies passées -- d'autant qu'il n'est plus nécessaire désormais de fouiller dans les bacs des disquaires, tout est sur YouTube!
RépondreSupprimerQuant à la couleur pourpre... si le pourpre peut évoquer quelque chose de vénéneux et d'un peu décadent sous les citrus, oui, l'odeur est pourpre.
Hum, ca me semble prometteur.. sauf que j'aime de moins en mois l'anis dernierement. J'espere que cette note ne sera pas predominante sur ma peau. J'adore le Mandragore original, mais ca tenait une heure max sur la peau... un extrait "intense" serait le bienvenu.
RépondreSupprimerTara, il faudra essayer celui-là, mais sur moi en tous cas, la note anisée est prononcée et tenace. Ce n'est pas ma note préférée (je trouve qu'on s'en lasse), donc je ne crois pas que celui-là soit pour moi, mais c'est un parfum extrêmement original.
RépondreSupprimerWell done. Your clear and thoughtful writing provides valuable perspectives on the topic.
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