dimanche 23 août 2009

Idylle, le nouveau Guerlain: Bouquet joyeux



Quand ses clientes américaines cessèrent de traverser l’Atantique, Jean Patou demanda à son parfumeur-maison, Henri Alméras, de leur composer un parfum dont il leur fit cadeau. Joy fut officiellement lancé deux ans plus tard, en 1932 avec ce slogan sonnant comme un défi aux marchés en vrille : « Le parfum le plus cher du monde »… Son duo exaltant de la rose et du jasmin devint l’archétype du luxe à la française : la « reine des fleurs » et « la Fleur » tout court. L’essence même du parfum.

Aujourd’hui, on ne parle plus de crash mais de crise, et les riches clientes qui ont déserté les salons de la haute couture parisienne ne sont plus américaines, mais russes – bien que les Moyen-orientales se pressent toujours aux comptoirs des marques de parfumerie de luxe. Mais on peut se demander si c’est tout à fait par hasard que Thierry Wasser a choisi, pour son premier grand lancement féminin depuis sa nomination comme parfumeur-maison de Guerlain, de renouveler le dialogue du jasmin et de la rose...

Idylle n’est pas « le parfum le plus cher du monde », mais il est assez joyeusement charnu et rebondi pour se donner des allures d’opulence. Une rose bulgare, très légèrement métallique, surfant sur une vague d’hédione – le genre de rose fraiche et jeune qu’on a senti dernièrement dans l’Essence de Narciso Rodriguez, par exemple. Une énorme gerbe de muguet lie le jasmin à la rose, encore allégée par de la pivoine et une petite branche de lilas en toile de fond (ces trois fleurs étant bien entendu des créatures de laboratoire puisqu’on ne peut pas en extraire l’essence : elles partagent d’ailleurs toutes trois une parenté avec la rose). Le freesia fait aussi partie des notes officielles, mais il n’est pas très proéminent, sauf peut-être dans un petit trait d’ionones.

L’inclusion de notes muguet et lilas prononcées est toujours une gageure puisqu’elles sont aujourd’hui communément utilisées en parfumerie fonctionnelle, mais Idylle contourne l’écueil « désodorisant maison ». Cette Idylle-là se déroule dans un jardin anglais échevelé – il n’y manque même pas la petite note « terre humide » du patchouli et la mousse (synthétique) – noyé dans un énorme nuage cotonneux de musc blanc. Selon les peaux, c’est la rose ou le jasmin qui est accentué. Sur moi, avalanche jasminée. Sur mon cobaye, jardins de Bagatelle (la roseraie, pas le Guerlain de 1983). En tous cas, c'est du femme-femme.

Bon, dites-vous. Maintenant, elle va bien nous dire un petit truc sur la fève tonka et la vanille ? On est bien chez Guerlain, non ?

Oui, mais non. Pas une goutte de Guerlinade à l’horizon. La base d’Idylle est ce que Guerlain nous présente comme la « muscinade », une « interprétation contemporaine » de sa fameuse signature – celle qu’on retrouve dans L’Instant et ses flankers, Cruel Gardénia ou l’Iris Ganache de Thierry Wasser.

D'une certaine manière, il n'avait pas le choix. Copier le style Guerlain canonique n'était pas vraiment une option, sous peine de faire du sous-Jacques ou Jean-Paul G. Pour Idylle, Thierry Wasser a voulu trouver ses marques en travaillant seul, sans consulter Jean-Paul Guerlain (comme il l’avait fait pour Guerlain Homme) ou Sylvaine Delacourte, directrice du développement de la maison, qui copilote les créations des parfumeurs « invités ». La voie que Thierry Wasser a choisie diverge passablement du style familial ou de l’éclaboussure baies-violettes de l’Insolence de Maurice Roucel. Reste cette sensation d'opulence, de féminité affichée.

Dans un entretien accordé en mars dernier à la télévision d’état suisse, Thierry Wasser affirmait qu’ « on veut tous faire un J’adore ». D’évidence, Idylle pourrait se poser en concurrent du best-seller de Dior. Un bouquet romantique et joyeux emballé de tulle musqué, destiné à celles qui se trouvent trop grandes filles pour les fruités-floraux (donc en âge de se marier)… Et qu’on peut s’offrir, même sans être la poule d’un oligarque russe. Ouf.


Image par Kate O'Brien


12 commentaires:

  1. carmencanada, j'ai egalement pu tester Idylle a Saks par contre impossible pour moi d'enumerer le muguet, la rose, le jasmin... j'ai decele un bouquet intense de fleurs blanches sur un fond musque qui n'est pas sans rappeler Narcisso Rodriguez For Her et Lovely de Sarah Jessica Parker.
    Idylle n'a rien d'un Guerlain traditionnel mais il devrait bien marcher aux Etats-Unis.

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  2. Guet-Apens, la rose se sent pourtant beaucoup... et il ne me rappelle que de fort loin le NR et le SJP, sauf pour le musc. Enfin, en effet, je pense qu'Idylle devrait plaire aux US, car il a beaucoup de sillage tout en restant clean.

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  3. J'ai poste la meme remarque sur le blog d'Octavian, moi la rose, si c'est pas Nahema ou YSL Paris, je la sens pas. Bien qu'emportee pas la passion du parfum je reconnais mes limites.
    Crois-tu qu'Idylle sera markete "rose" pour le marche americain? Dans le passe chaque tentative dans ce domaine s'est soldee par un flop commercial.

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  4. Guet-Apens, tu sais pour moi aussi la rose est parfois difficile à sentir, en tous cas dans les anciennes formules, parce qu'elle n'est pas nécessairement utilisée pour représenter la rose et aussi parce qu'elle est tellement partout que pour moi, l'essence de rose, ça "sent le parfum", tout simplement.
    Je ne sais pas comment Idylle sera présenté aux US, pas comme une rose j'imagine mais plutôt un bouquet, ce qu'il est.

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  5. Je professe d'être interesée maintenant malgré les limitations que un parfum mainstream pose et surtout un parfum de cette maison.

    Il ne me étonnerait plus si la direction artistique demandait une version NR ou SJP: c'est une grosse tendance il y a quelques années et le prémier d'entre eux est responsanble pour ça. (C'est trop sincère de Thierry citant ce parfum là)!
    Ce qui m'étonerrait serait d'écouter qu'ils presenteront ceci en version "rose" (c'est a dire en paroles marketing, bien entendu), parce que la rose est vue comme "femme agée".
    Si mes calculations sont justes, il sera presenté comme Cruel Gardénia, mais pour les hoi poloi.
    Pourtant, je vais l'essayer avec beaucoup d'interêt.

    J'espère que tu sois en pleine forme! Envois-moi tes nouvelles si tu veux.

    :-)

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  6. Helg, Thierry a cité J'adore, pas NR ou Lovely, mais en effet, Idylle appartient à la tendance "lourde" du floral transparent musqué. Il fait aussi, en effet, partie de ce que j'appelle les Guerlains "blancs" comme Cruel Gardénia, mais l'aspect floral est beaucoup plus prononcé.

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  7. Mais si, c'est J'adore que j'ai compri, en disant "ce parfum là"! C'est bien entendu, je lis avec attention.
    Ce que je voudrais dire est que c'est sincère de la part de Thierry pour admettre à vouloir faire un best-seller! C'est tout!

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  8. Helg, oui, en effet, c'est sincère de sa part. Il faut dire qu'il était à la télévision suisse, donc un peu chez lui, et pas en période de promotion d'Idylle (autrement, son propos aurait invité des comparaisons avec J'adore, sans doute -- mais sur internet, rien ne se perd)...

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  9. Hello Denyse,
    ma première impression a été "Pleasures" ensuite NR ou Lovely. En somme, j'ai trouvé ça plutôt joli mais pas du tout nouveau et encore moins Guerlain.
    J'ai préféré Parisienne.
    Bien à toi
    R

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  10. Rebecca, je suis peut-être un peu anosmique à certains muscs d'Idylle mais le rapport à Lovely et NR ne m'a pas apparu aussi évident qu'à toi, Octavian ou Emmanuella... Et le rose-fruits-patch de Parisienne, je ne peux plus!!!

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  11. carmencanada, j'ai reteste Idylle cet apres-midi, cette fois sans m'asperger de Secrets de Sophie ni d'Attrape-Coeur dans tous les sens. Je retiens deux phases; la premiere tres "rose" et plus sucree que je le pensais, la deuxieme, plus fleurs blanches et musc.
    D'ordinaire les parfums debutent par des notes fraiches pour mourir autour de notes chaudes en ennivrantes, ici l'opulence se trouve en debut de parcours alors que la fraicheur s'affirme dans l'evolution.

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  12. Guet-Apens, merci pour ces remarques qui sont vraiment intéressantes. Quant à moi, j'ai re-testé Lovely aujourd'hui (je ne l'avais pas ressenti depuis sa sortie) et je vois le rapport entre ce dernier et la phase la plus musquée d'Idylle, donc bien vu encore une fois!

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