La première bouffée de L’Enlèvement au Sérail – qui tient son nom d’un opéra de Mozart -- dégage une impression de familiarité immédiate : Francis Kurkdjian a manifestement piqué dans l’arsenal d’Edmond Roudnitska sa fameuse base Prunol, ou quelque chose qui lui ressemble. Même saveur acidulée pêche-prune soulignée d’un fond un peu noisette marinée dans l’alcool, celle que l’on retrouve en ouverture du Parfum de Thérèse (Frédéric Malle Édition de Parfums) ou de son quasi-clone, le Diorama proposé actuellement par Dior. Mais alors que le Diorama moderne (je n’ai pas eu la chance de sentir l’ancien) persiste de longues minutes dans cette note fruitée qui fait un peu crisser les dents, L’Enlèvement au Sérail bifurque aussitôt vers une consistance plus charnue, presque animale, de pétales de jasmin noyés dans un nuage d’agrumes battus en crème, aromatisés d’ylang-ylang et de vanille. L’alliance bergamote-vanille et le duo classique jasmin-rose lui confèrent un peu de la consistance florale comestible de certains Guerlain : fantômes du Mitsouko d’antan (la pêche), de Shalimar (la bergamote et la vanille), de Parure (la prune, la rose, le patchouli). On pourrait aussi songer à Femme de Rochas (la version originale, prune toujours) ou à Quadrille de Balenciaga (encore la prune), qui tirent L’Enlèvement au Sérail, par analogie et bien qu’il s’agisse plutôt d’un oriental floral, vers les chypres fruités des années 1950.
La composition aurait d'ailleurs tout aussi bien pu être classée parmi les nouveaux chypres malgré l'absence de ciste labdanum et de mousse de chêne : après plusieurs heures de port, le patchouli agit comme cette dernière pour l'assécher, lui procurer un fondement amer qui freine la fugue sucrée de la vanille. L'effet structuré du chypre, sa tension entre la fraîcheur juteuse de la bergamote, le coeur floral et la base terreuse un peu brûlée est présent, plus fortement que dans ce qu'on désigne en général aujourd'hui sous le nom de chypre.
Tout se passe comme si Francis Kurkjian, également capable de compositions postmodernes basées presque entièrement sur des matières de synthèse (Narciso Rodriguez for Her, Jean-Paul Gaultier Le Mâle), s’était ici amusé à effleurer ses classiques, sans redite toutefois (ça ne sent pas la vieille dame, ça ne copie rien). Les classiques en question ayant pour la plupart dégénéré au gré des reformulations de plus en plus bon marché, lorsqu’ils n’ont pas carrément disparu, c’est donc à un classique, tel qu’il devrait être composé, avec des matériaux de première qualité et une vraie recherche de fondu, qu’on a affaire.
L’esthétique des parfums MDCI lancés par Claude Marchal en 2006 range donc la gamme dans une famille de parfumerie de niche assez peu fréquentée, celle qui s’efforce de poursuivre le grand style à l’écart des tendances du marché : les parfums Divine d’Yvon Mouchel ou Parfums de Nicolaï de Patricia de Nicolaï. Cependant, contrairement à ces lignes, MDCI affiche des prix grand luxe : €3 700 et €3 150 pour des flacons en cristal numérotés, €540 pour le flacon a bouchon biscuit numéroté, €250 pour les recharges de 60 ml, ce qui la range un cran au-dessus des Indult, Tom Ford et autres By Kilian, dans la catégorie de l’exclusif extrême occupée par Clive Christian ou JAR. La maison propose cependant un coffret d’échantillons très généreux comprenant les cinq fragrances de la ligne pour €65. Dommage (pour nos portefeuilles). Car ce sont vraiment de très beaux parfums.
Image: Jean-Marc Nattier, Mademoiselle de Clermont en sultane (1733), The Wallace Collection (Londres).
Tu me connais assez bien pour savoir que cela allait m'attirer... Style/composition retro, comparaison avec Parure et Quadrille, nom Mozartien... comment je pourrais resister? Bien sur, à ce prix là, hors de de question d'acheter, mais dit-moi, tu l'as senti où? Printemps?
RépondreSupprimerxxx/K
Pour autant que je sache, les parfums MDCI ne sont disponibles que sur leur site. C'est là que j'ai acheté mon jeu d'échantillons.
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