lundi 6 octobre 2014

Ça sent le fauve : La Panthère de Cartier version extrait, Musc Tonkin et La Chair des Dieux de Parfum d'Empire

Dans ses Études de psychologie sexuelle, Havelock Ellis, l’un des pionniers de la sexologie, soulignait que « l’importance particulière du musc » provenait du fait « qu’il s’agit d’un parfum, largement répandu dans la nature et souvent sous une forme agréable, qui est en même temps très fréquemment une odeur personnelle chez l’homme. »

Si j’ai choisi le nom Grain de Musc pour ce blog, c’est justement parce que cet ingrédient ambivalent liant notre chair à la nature est, sous sa forme animale, le spectre qui hante la parfumerie : une matière première dont la perte hante même les parfumeurs qui ne l’ont jamais utilisée. Jusqu’ici, seul Muscs Kublaï Khan de Serge Lutens avait réussi à convoquer ce spectre de façon palpable. Désormais, deux autres parfumeurs intrépides ont réussi à piéger la bête dans le flacon.

Mathilde Laurent avait déjà fait roder une base “musc Tonkin” dans La Panthère. La nouvelle version extrait de parfum lâche le fauve : dès la première bouffée, son animalité bondit au nez avec une telle inconvenance qu’on en reste terrassé. Si la bête s’apaise assez vite après cette attaque frontale, le gardénia ne s’en remet pas : il en reste tout palpitant, hérissé, engorgé par le rugissement délibérément old-school du musc. Culotté jusqu’à l’indécence (donc, en somme, prêt à tomber le string).

Marc-Antoine Corticchiato, lui non plus, n’a jamais reculé devant les notes fauves. Réinvention de l’ingrédient éponyme lancée en 2012 dans une édition limitée l’an dernier sous forme d’extrait – concentré d’animalité si virulent qu’au-delà d’un pschitt, on songeait à convoquer un exorciste – son Musc Tonkin a gagné en beauté lors de sa traduction en eau de parfum, qui intègre la collection permanente. La cage aux tigres s’est aérée ; les notes y gagnent en espace de résonance. Les facettes cireuses de la rose et de l’iris patinent de leur onctuosité un fond boisé baumé, obscur et moussu comme les replis du corps aimé…Sans doute le parfum contemporain de facture française le plus impudique du marché ; le plus proche de la potion aphrodisiaque, « esprits animaux » compris…

La bougie de Parfum d’Empire, La Chair des Dieux (qui fait partie du nouveau trio « La Quête des Dieux »), prolongera cette orgie olfactive. Interprétation brûlable et brûlante du Femme de Rochas – si Femme s’était convertie à un culte dionysiaque archaïque --, ce parfum-ménade embrase ses bois fauves d’épices. Une odeur allumeuse capable de vous transformer en bête, tel un dieu lubrique de l’antiquité grecque…

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