S’arsouiller au rouquin qui tache avec Ti-Jean Kerouac et ses potes, les poètes Beat. Trainer sa silhouette de squelette élégant avec Patti Smith et Robert Mapplethorpe. Frayer au Mudd Club avec William Burroughs, Lydia Lunch ou John Lurie…
L’histoire se déroule toujours dans le New York d’avant Giuliani; toujours dans un noir et blanc cradingue comme une photo de Robert Frank, une page de journal crachée par les rotatives au temps où l’encre avait encore une odeur, une feuille de papier carbone arrachée à une machine à écrire. Et c’est toujours une histoire d’amitié.
On a beau se raconter qu’on juge un parfum sur des critères purement olfactifs, c’est faux : on ne peut pas le séparer de son histoire, paroles des notes, espace de résonance des accords. La série Turtle Vetiver lancée par Isabelle Doyen pour Les Nez n’est pas qu’une collection de parfums. C’est aussi un générateur de communauté, celle du
« salon anarchique » Turtle du cinéaste Michael H. Shamberg, qui réunit des artistes du monde entier ; un badge olfactif cueilli par ses hôtes et amis. (Shamberg a produit, entre autres, la vidéo
Summer Cannibals de Patti Smith réalisée en 1996 par le photographe Robert Frank ; lequel Frank a réalisé en 1959 le film underground
Pull my Daisy, adapté de la pièce Beat Generation de Jack Kerouac. D’où les références ci-dessus au New York des 50s au début des 80s.)
Turtle Vétiver est également un
work-in-progress conceptuel : un série de parfums en édition limitée qui a démarré avec
Exercise 1, essence de vétiver servie pratiquement crue et qui sera imperceptiblement modifiée au fil des ans jusqu’à ce qu’elle devienne, à terme, entièrement autre chose.
Si Isabelle Doyen a choisi le vétiver comme point de départ, c’est que pour elle, c’est déjà pratiquement un parfum en soi, mais aussi parce qu’il reflétait bien l’élégance anguleuse de Michael Shamberg. Mais on peut aussi imaginer que ce rhizome évoque très précisément la structure sans racines ni hiérarchie (donc, anarchique) d’un réseau comme Turtle, lié par internet.
Le nouvel « exercice », Turtle Vetiver Front (qui sera suivi de Back), est directement inspiré par les photos de Robert Frank et plus particulièrement par leur noir et blanc urbain, granuleux. Pour le noir : les facettes fumée et silex du vétiver, boostées jusqu’à sentir l’encre et le papier carbone. Pour le blanc : l’incongruité d’une lactone « coco » (dite aussi aldéhyde C18) plaquée de façon assez cavalière sur le vétiver. Pour le gris : un goutte de teinture d’ambre gris et une rasade d’Evernyl, l’un des matériaux-fétiches d’Isabelle Doyen, « poudre de perlimpinpin qui sent un lichen supraterrestre », écrit-elle dans
Les Parfums d’Élisabeth de Feydeau.
Une amie artiste qui a fait du premier Turtle Vetiver son parfum-signature, et qui a reçu des échantillons des deux nouvelles versions en avant-première – une fois de plus, Turtle existe pour susciter des rencontres – confie qu’elle porte plus volontiers Front parce que, radouci par la note coco, il est un chouïa plus facile à vivre.
Turtle Vetiver Front devrait être proposé sous peu sur
le site Les Nez. Entretemps, je serais ravie de partager mon propre échantillon avec vous : commentez pour participer au tirage au sort.
Photo: Jack Kerouac par Robert Frank
Thank you for the article. Vetiver is one of my favorite scents, this sounds intriguing and I would love to be entered in the draw.
RépondreSupprimerThank you.
Graham, the English version will be coming out in a few hours, if that's more comfortable for you to read. Of course, you're in.
RépondreSupprimerLe vétiver et moi, c'est "je t'aime! moi non plus"...
RépondreSupprimerVétiver Extraordinaire me ravit en automne, lors de balade dans la campagne. Parfait en ces circonstances, il me déplait le reste de l'année. Je porte aussi, de la même manière, Encre Noire.
Le reste de l'année, le simple fait de repenser à ces parfums, et aux autres "solinotes" vétiver m’écœure.
Vous mentionnez ici l'aldéhyde C18, associé au vétiver, ce qui aiguise ma curiosité. En effet, il est difficile de les imaginer tous deux associés, mais le rendu a l'air vraiment intéressant!
Très bonne soirée Denyse!
Patrice, pour moi c'est le contraire, je suis folle du vétiver. Je ne le porte pas très souvent mais j'ai des extases rien qu'à le sentir. En effet, la juxtaposition avec la lactone coco est insolite!
RépondreSupprimerAh ben voilà! Enfin. Je trouvais déjà l'exercice 1 très portable quoi qu'un peu cavalier c'est vrai et pas franchement très urbain mais si la C18 s'en mêle et Kerouac par dessus le marché ( j'ai un point commun avec Ti- Jack comme tu dis: nos racines viennent du même bled) me voilà sur des charbons ardents.
RépondreSupprimerMais j'ai déjà gagné les échantillons de Neela Vermeire, ce serait mal poli de concourir pour ceux-là en sachant qu'il est fort probable qu'un flacon de Front vienne rejoindre son frère ainé.
Anatole: en effet, l'Exercice 1 est cavalier, mais je l'ai beaucoup aimé... Celui-ci est un tout petit peu plus soft. Quant à Ti-Jean Kerouac, c'est mon compatriote: je n'oublierai jamais la fois où je l'ai entendu parler français dans une vieille émission de Radio-Canada... Plus "chemise de bûcheron" que ça, et on ne sort pas des bois! N'empêche, On the Road, c'est toute mon adolescence...
RépondreSupprimerJe ne porte quasiment jamais de Vetiver. Pourtant je sais pertinemment qu'un vetiver caché derrière un col de chemise d'homme est l'un des trucs les plus graou miaou qui existent.
RépondreSupprimerLà ce qui m'interpelle, c'est la façon "brute" dont elle nous sert son vetiver !
Phoebus
Phoebus, en effet, l'essence est vraiment utilisée à bord cru, dans toute sa puissance. Et, oui, le vétiver sur monsieur, c'est délicieux.
RépondreSupprimerEt là, le fan en moi crie "gniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii" !!!!!!
RépondreSupprimerGrand fan du premier (on dit "Merciii Thierryyyy"), grand fan d'Isabelle Doyen, et grand fan d'aldéhyde C18 (la note léazrd !!!!).
Comme qui dirait : "Shut up and take my money !!"
En attendant, je prie Iris Silver Mist pour que Miss Jicky sélectionne son homonyme humain !
Jicky
Jicky, l'homonyme féline est avertie, et me signale son enthousiasme en s'étalant sur le dos comme une Sainte Thérèse d'Avila moustachue.
RépondreSupprimerHonte à moi : je n'aurais jamais reconnu cette facette coco tout seul !
RépondreSupprimerEn vétiver addict, il m'arrive de porter cette version radicale que constitue l'Exercice n°1 mais avec parcimonie car je n'en possède qu'un semi-flacon. Je vais pouvoir me lâcher avec cette version commercialisée.
J'avais surtout noté l'accentuation de l'aspect fumé(e) dans ce Front mais en le retestant ce matin après lecture de ton article c'est sa souplesse qui m'apparaît évidente.
J'ai la chance d'avoir un échantillon de Front et Back ; je cède donc mon tour aux autres...
PS : As-tu une explication relative au choix du flacon qui rompt avec l'esthétique labo du reste de la gamme ?
Thierry, aucune explication sur le choix du flacon... Je pense que plusieurs marques sont en train de réfléchir à une montée en gamme de leur présentation, c'est tout.
RépondreSupprimerEt y'a pas à avoir honte, c'est souvent comme ça avec les parfums, on entre dedans de façon très différente selon les sensibilités.