Le Ministère de la Culture existe en France depuis 1959. La mode, le design, le rock, la bande dessinée et le cirque sont considérés comme des formes de création artistiques depuis les années 80. Mais il aura fallu encore un quart de siècle pour que la République reconnaisse que le parfum, quintessence de l’esthétique et de l’art de vivre de la France et l’un de ses produits les plus prestigieux dans le monde entier, est également un art. Les efforts de la Société Française des Parfumeurs présidée par Patrick Saint-Yves, appuyé par Annick Le Guérer, ont porté leurs fruits.
Monsieur le Ministre : merci. Il était temps.
Hier après-midi, donc, Frédéric Mitterrand conférait l’ordre de Chevalier des Arts et des Lettres à cinq grands parfumeurs, diplomatiquement choisis dans chacune des cinq grandes maisons de composition : Daniela Andrier (Givaudan), Françoise Caron (Takasago), Olivier Cresp (Firmenich), Dominique Ropion (IFF) and Maurice Roucel (Symrise).
Le Ministre a prononcé un discours chaleureux, très joliment écrit et très bien documenté. Les nouveaux chevaliers se sont exprimés tour à tour : Daniela Andrier pour défendre la liberté de création ; François Caron, extrêmement émue, pour dédier cet honneur à ses parents récemment disparus ; son frère Olivier Cresp pour nous promettre qu’il nous surprendra encore. Dominique Ropion a lu un texte dans lequel il jure avoir glissé deux de ces contrepèteries pour lesquelles il est réputé. Maurice Roucel, drôle et direct, a conclu en photographiant l’assistance et le ministre avant de quitter le podium.
Que changera cette cérémonie pour l’industrie ? Le Ministère conférera-t-il enfin à certains chefs d’œuvre un statut de patrimoine qui les affranchirait au moins en partie des réglementations et permettrait de les restaurer, d’en assurer la pérennité ? La question du droit d’auteur sera-t-elle enfin abordée concrètement ? Des ressources seront-ils alloués aux expositions, à la recherche historique, à la conservation du patrimoine et des archives ? L’Osmothèque recevra-t-elle un soutien ?
Pour le moment, il s’agit d’un geste essentiellement symbolique, mais la plupart des parfumeurs auxquels j’ai parlé étaient émus, et pleins d’espoir. Assoiffés, aussi, car on a très vite manqué de champagne. Et plutôt affamés, car le buffet était… peu consensuel. Les invités sont donc descendus assez tôt visiter l’exposition conçue par Annick Le Guérer dans les vitrines du Ministère, qui comprend des atomiseurs de parfums historiques tels que Moment Suprême de Patou et Un Air Embaumé de Rigaud.
En entrant, l’une des premières personnes que j’ai croisées était Michel Roudnitska. Pendant que Frédéric Mitterrand parlait, je l’ai regardé prendre des photos – car il est photographe autant que parfumeur – sans pouvoir m’empêcher de penser à son père. Edmond Roudnitska s’est longuement battu pour que le parfum soit considéré comme un art à part entière. Celui que M. Mitterrand a nommé le Commandeur n’a jamais eu droit à une distinction honorifique. Mais son esprit flottait sûrement hier sous les moulures dorées.
Exposition « Le Ministère est au parfum », du 23/01 au 18/03
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Il y a 19 heures
et comment !
RépondreSupprimerCe qui me venait à l'esprit hier soir? "C'est pas trop tôt."
RépondreSupprimeret bien, je peux vérifier mes lacunes malgré mes lectures bloguesques, car à part Dominique Ropion, je n'avais pas entendu parler des autres!
RépondreSupprimercolumbine
Columbine, il était un peu trop tard dans la nuit pour entrer dans les détails, mais voici: Daniela Andrier a fait tous les parfums de Prada sauf un. Françoise Caron est célèbre pour son classique L'Eau d'Orange Verte d'Hermès. Olivier Cresp a créé Angel. Maurice Roucel, c'est 24 Faubourg chez Hermès, L'Instant et Insolence chez Guerlain, Musc Ravageur et Dans tes Bras chez Frédéric Malle.
RépondreSupprimerDominique Ropion, entre Ysatis, Amarige, Alien, et sa collaboration avec Malle, vous connaissez.
Evidemment, ils ont tous signé bien d'autres merveilles!
Bravo! Quelle bonne nouvelle...en attendant qu d'autres suivront (réssuscitation des formules vintages de nos parfums préférés entre autres!)
RépondreSupprimerTara, ça par contre, je ne compterais pas des masses dessus. On peut imaginer éventuellement que certains classiques soient produits et vendus comme objets de "contemplation" à ne pas mettre sur peau, mais comment supposer qu'une entreprise commercialise des produits munis d'un label "attention danger"?
RépondreSupprimerMême si très peu de consommateurs couraient un risque de réaction, l'idée même contredit à ce point le côté "vendons du rêve" de l'industrie du parfum que je ne vois laquelle s'y aventurerait.