Une touche est tombée hier des pages du cahier où je l’avais glissée.
Imprégnée plus d’un mois auparavant d’un Chanel N°5 vieux d’au moins quarante ans, elle exhalait encore une tenace et suave odeur de musc. Un peu de musc naturel, sans doute, appuyé de l’un de ces muscs nitrés découverts par un chimiste allemand dénommé Baur en 1888 alors qu’il menait des expériences sur les explosifs.
Ces composants ont désormais disparu de la parfumerie. L’un pour sa rareté qui le rendait hors de prix et pour des raisons de protection de l’espèce dont elle était tirée : le chevrotin dont la glande secrète le musc est tué pour recueillir la substance. L’autre, le synthétique, parce que c’est un photo-sensibilisant qui présente également des risques neurotoxiques (comme l’explique Luca Turin dans son Perfumes : The Guide).
Ce n’est donc plus que dans les vieux flacons que l’on peut sentir l’effet du musc qui a servi à composer les plus grands parfums classiques. C’est pourtant lui qui donne ce relief stupéfiant au bouquet floral – iris, cassie, rose, jasmin, ylang-ylang – du N°5, cette intensité quasi-fluorescente qui se développe au bout de quelques minutes sur la peau. Lui qui confère une qualité animale, légèrement salée, aussi suave que la sueur d’un chat humée entre ses coussinets, aux compositions. Le musc, tellement puissant que jadis, on interdisait à la Compagnie des Indes de le transporter à bord du même navire que le thé, sous peine qu’il imprègne les précieuses feuilles (cf Annick Le Guérer, Le Parfum).
Le musc, fantôme de la parfumerie, la hante depuis la nuit des temps avec ses relents d’Asie et chair échauffée, ses extraordinaires qualités de fixateur et de booster d’odeurs, les interdits qu’il charrie et la nostalgie qu’il suscite chez les amateurs de fragrances classiques…
Voilà pourquoi j’ai choisi d’intituler ce blog « Grain de Musc ». Parce qu’il est hanté par les beautés révolues ou trop liftées de la parfumerie classique ; mais surtout, parce qu’il émane de Paris, capitale des senteurs. Et que pour paraphraser Voltaire, « Paris est le grain de musc qui parfume l’univers »…
Prochain épisode : Musc propre, musc sale…
Coming next: English version
Image : Horst P. Horst, Dance Study (circa 1912), courtesy www.metmuseum.org
C'est fascinant, ma belle !
RépondreSupprimerQuel joli nom pour exprimer la seduction du musc dans le parfum...
Tu dois me pardonner- je manque du pratique, tellement-
Mais je suis etonnee , en lisant tes histoires ici.
Je suis ravie de lire en plus...
Brava !
Chère I., toujours aussi généreuse, merci d'ouvrir la danse avec d'aussi jolis compliments. J'espère te voir souvent ici!
RépondreSupprimerMa belle collaboratrice en parfum et en blogging, je te souhaite beaucoup de succès!!
RépondreSupprimerBises!
Merci ma chérie!
RépondreSupprimerThanks for such a nice content. Apppreciate it :)
RépondreSupprimerCheers
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