Voici la deuxième partie de mes impressions sur
l’édition 2014 du Speed Smelling d’IFF. Pour lire la première, cliquez ici.
Le sorbet
au géranium de Juliette Karagueuzoglou
À prendre au sens propre autant que figuré, car
c’est en laissant fondre sur nos langues une cuillerée de ce dessert inusité
que nous avons découvert la création de Juliette. Le géranium, peu glamour et
mal aimé, lui a semblé digne de soutenir une cologne. Ce sorbet menthé-givré s’arrose d’une
généreuse rasade du Rose Essential™ d’IFF – procédé de triple extraction
permettant de récupérer une quantité maximale de molécules aromatiques, d’une
naturalité si frappante que rien qu’à y songer, j’ai une rose dans le nez. Une
faux-de-cologne qui sourit pour de vrai. Réjouissant.
La forêt
noire d’Alexis Dadier
Ex-Symrise nouvellement arrivé chez IFF, Alexis
Dadier s’est choisi comme muse pour son premier Speed Smelling l’exquise
Conchita Wurst, égérie idéale des parfums qui, sommés de choisir leur genre, ne
renoncent ni à l’un, ni à l’autre. De là, l’Autriche natale de la diva a
suggéré à la fois la pâtisserie et des montagnes aux flancs plantés de
conifères. L’accord absolu de cacao et fir balsam, relié par un cocktail de
baies pourpres, évoque doublement la Forêt Noire… Plongeant plus avant dans la
carte postale gemütlich, Alexis
Dadier ajouter une huile essentielle peu connue dont il compare l’odeur à celle
de la gentiane : l’alpinia, qui contrairement à ce que son nom pourrait
laisser croire, est un membre asiatique de la famille du gingembre baptisé
ainsi en l’honneur d’un botaniste italien. Contrepoint féminin du viril épicéa,
un accord iris-rose froufroute en cœur, la facette confiturée de la seconde
reprenant l’accord fruits noirs, tandis que les effets chocolatés du premier se
fondent dans l’absolue de cacao. Tout comme son inspiratrice barbue et
mascarisée, la composition d’Alexis Dadier, aberrante sur le papier, s’avère
délicieusement convaincante in fine.
Le boudoir
écarlate de Nelly Hachem-Ruiz
L’autre petite nouvelle de l’équipe fine fragrance d’IFF, qu’elle a intégrée
après avoir affûté son nez en tant que parfumeur analyste (poste où l’on
décortique compositions et ingrédients), puis dans l’extension de lignes (où
l’on transcrit des parfums pour des supports non-alcooliques). Pour son Speed
Smelling inaugural, Nelly Hachem-Ruiz a traduit en odeurs les textures et les
couleurs d’un boudoir mi-girly, mi-femme fatale.
La tête fruitée plutôt Fraise Tagada laisserait
d’abord craindre des penchants Lolita. Mais en somme, comme une vamp qui
tirerait la langue, cette fraise-là démontre que dans ce boudoir tendu d’un
accord abricot-daim, on ne se la pète pas. Le cœur de l’accord en question est
composé d’osmanthus, de foin et de carotte cœur LMR – une extraction de la
graine de carotte aux notes irisées, boisées et abricotées déjà exploitée dans
le somptueux Oriental Express de
Thierry Mugler, également issu d’IFF. Un sillage musqué aux arômes de chocolat
blanc adoucit le fond cuiré. C’est ravissant.
La potion
d’herboriste de Loc Dong
Arrivé aux USA comme réfugié à l’âge de onze ans,
Loc Dong est sans doute le seul parfumeur fine
fragrance originaire du Vietnam. Jusqu’à présent, son travail commercial –
réalisé pour l’essentiel outre-Atlantique pour des marques mainstream et des
célébrités – ne lui a que peu donné l’occasion de déterrer ses racines. En
revanche, ses trois créations Speed Smelling sont facilement les plus déjantées
de chaque édition : encre de Chine sans compromis en 2012, accord
contre-nature du yaourt et du Coca-Cola en 2013. Cette année, c’est un nouveau
matériau IFF, Cinnamon Essential™ (extraction de cannelle hyper-réaliste), qui
lui a filé un coup de madeleine. Catapulté dans l’officine de son grand-père
herboriste à Saigon, il est revenu de son flashback proustien armé de la
concoction que servait ce dernier à ses clients mal fichus : décoction d’écorce
de cannelle, rhum et goyave servis dans un bol en bois. Le bois étant en
l’occurrence, dans la version olfactive de ce philtre salubre à goûter autant
qu’à humer, un accord ambroxan, cashmeran et iso E super – chacun étant, pour
Loc Dong, un parfum en soi. Quant au cocktail, le parfumeur assure qu’on peut
aisément le concocter chez soin en faisant bouillir de l’écorce de cannelle
dans de l’eau jusqu’à obtenir un sirop, auquel on ajoutera une rasade de rhum
et du nectar de goyave.
Le coffret de la Speed Smelling Collection sera mis en vente
début février chez Jovoy à Paris.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire