On ne recommanderait pas forcément un pschitt de Smoke for the Soul avant un entretien d’embauche,
une réunion familiale ou le passage des frontières (« Je vous jure,
monsieur l’agent, c’est mon eau de toilette »). Cela étant, on peut se
demander si l’herbe qui fait rire se repérerait aussi facilement en sentant ce
parfum sans connaître son inspiration (« Euh, oui, j’ai inhalé »).
D’ailleurs, loin d’être une senteur-gimmick, Smoke for the Soul relève pleinement du
champ de la « vraie » parfumerie. Comme les gourmands les plus
intéressants, qui se servent d’accords figuratifs chipés à la carte des
desserts pour décaler des structures olfactives classiques – Candy de Prada descend de Shalimar ; Rahät Loukoum de Serge Lutens est dérivé de L’Heure Bleue --, Smoke for
the Soul se fonde sur le chypre aromatique.
Kilian Hennessy affirme que Fabrice Pellegrin ne s’en
est pas inspiré, mais pour moi, l’amertume implacable de sa composition évoque
un Bandit auquel on aurait arraché
son bouquet floral ou son descendant via Aramis,
Van Cleef & Arpels pour Homme (celui
dans le flacon Art Déco noir), voire le désormais confidentiel Azurée d’Estée Lauder (l’original de
Bernard Chant).
L’amertume est l’une des zones les moins explorées
et les plus intrigantes de la carte olfactive. Smoke for the Soul tire la sienne d’un pamplemousse sans sucre, qui
annonce une séquence de notes tout aussi intransigeantes : eucalyptus
(camphré), thym (aromatique) et bouleau (fumé résineux). Façon spirituelle de
prendre les origines du parfum (per
fumare) au pied de la lettre, Smoke
for the Soul a largement de quoi monter à la tête.
Illustration tirée du film américain anti-drogue Reefer Madness (1936).
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