Hôtel Le Crayon, chambre Exquise Esquisse, ©Jacques Lebar
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Avez-vous déjà vécu dans une pièce
sentant le beurre d’iris, le cèdre de l’Atlas et la feuille de violette ?
Fleurant l’absolu narcisse du Laboratoire Monique Rémy, le galbanum et le
labdanum d’Andalousie ? Sans doute pas, à moins que vous n’utilisiez vos jus
les plus coûteux en parfums d’ambiance. Mais vous pourriez, si une boutique, un
hôtel ou une boîte de luxe achète l’un des six parfums de la collection
« Les Exclusifs » composés par Antoine Lie (Takasago) pour Scentys Fragrance Systems,
qui deviendra sa signature olfactive et sera retiré du catalogue.
L’usage d’ingrédients rares et
coûteux pour parfumer un espace plutôt qu’un corps peut sembler extravagant,
voire vaguement décadent. Mais il est fort possible que l’avenir de la parfumerie
fine soit dans l’ambiance. Ça n’est pas forcément de ça qu’on a envie, d’autant
qu’en Occident, le parfum est perçu comme une parure et le sillage, comme une
identité olfactive. Mais tandis que la règlementation en toxicologie devient de
plus en plus stricte pour les produits « sur peau » -- les rumeurs
les plus alarmantes circulent sur les futures directives européennes et les
nouveaux amendements de l’IFRA – le parfum d’ambiance permet encore d’utiliser
en overdose certaines matières premières vouées aux gémonies par l’hystérie du
zéro-risque.
Les parfums d’ambiance permettent
aussi aux parfumeurs de travailler sur des registres différents, puisqu’il
n’est pas nécessaire d’y inclure des notes qui s’harmonisent avec la peau,
comme Frédéric Malle le soulignait lors du lancement de sa gamme pour lamaison. S’il s’agit de compositions complexes, ils offrent également une façon
différente de vivre une composition, sur un volume beaucoup plus important.
Mais surtout, contrairement à la
parfumerie fine avec son millier de lancements annuels, le marché du parfum
d’ambiance est loin d’être saturé. Il n’est donc pas étonnant que parfumeurs,
marques et maisons de composition y voient un débouché créatif et commercial
alléchant. Le trublion Christophe Laudamiel, par exemple, ne travaille presque
plus que dans ce registre depuis qu’il a quitté IFF : création de
signatures olfactives pour lieux publics, d’un opéra olfactif et d’une exposition de « sculptures d’odeurs » à la Dillon Gallery à New York.
Le mouvement s’accélère d’autant
plus que les modes de diffusion se perfectionnent, avec des systèmes qui
permettent de disperser l’odeur plus rapidement et plus efficacement, sans la
chauffer (comme les bougies) ou disperser des gouttelettes dans l’air (comme
les sprays). Par exemple, le Scentys Fragrance System, qui propose son
diffuseur en trois tailles selon l’espace à parfumer, dont un nouveau Scentys
Pocket de 12,5 cm. Le parfum est présenté en cartouches à insérer dans
l’appareil ; ces cartouches contiennent des capsules de concentré (donc
sans alcool) dont l’odeur est diffusée par un petit ventilateur. Comme ce mode
de diffusion n’est pas liquide, l’appareil n’est pas « contaminé » et
peut diffuser successivement différents parfums.
Scentys Pocket |
Le système Scentys a notamment été
adopté par Le Crayon (voir photo ci-dessus), boutique hôtel bohème à un jet de
mouillette du Palais-Royal, qui propose un choix de cinq parfums à ses hôtes
pour parfumer leur chambre. Il peut également être utilisé pour présenter le
sillage d’un parfum à porter, comme Lancôme l’a fait dans les Abribus pour son Ô de l'Orangerie ou bien
encore en guise de signature olfactive comme chez Lalique, rue Royale, qui a
opté pour une note oud. Le Musée du Parfum de Grasse l’a intégré à ses
dispositifs interactifs.
Bien entendu, composer un parfum
pour ce système de diffusion requiert une approche spécifique, comme
l’expliquait Antoine Lie, consultant de Scentys. La composition ne se développe
pas « en pyramide » puisque les ingrédients sont libérés
simultanément, plutôt que successivement par la chaleur de la peau. Cela ne
signifie par pour autant qu’on ne peut pas créer des fragrances complexes,
comme le démontrent les six parfums composés pour la collection Les Exclusifs.
Ainsi, Poudre de Cuir, offert aux
invités du lancement avec le Scentys Pocket, se montre fidèle à son nom en
jouant sur les facettes cuirées-poudrées de la feuille de violette, du beurre
d’iris et du cèdre de l’Atlas. L’effet produit est bien sec et soyeux comme une
poudre : ce type de texture aérienne semble se prêter particulièrement
bien système Scentys.
Les amateurs de parfum ne s'empresseront sans doute pas de troquer leur collection contre une gamme pour la maison. Mais
comme façon de vivre le parfum autrement, voire simplement de tester de
nouveaux produits autrement que sur une mouillette… Pourquoi pas ?
Et maintenant, à vous : quels
développements souhaiteriez-vous pour le parfum d’ambiance ?
Images courtesy Scentys et Hôtel Le Crayon
Un souvenir revient de mon passage éclair à Paris samedi dernier.
RépondreSupprimerJe disais à mon amie "essaie les parfums d'ambiance de Nicolaï sur la peau, sur la touche en papier standard ça ne rend rien".
J'ai joint le geste à la parole, et quelque temps plus tard, j'étais assailli à chaque tournant par une odeur délicieuse aux Galerie lafayette. Une odeur qui n'était autre que Crépuscule vanille sur ma paume.
J'ai pris une bougie maharajah, pour l'offrir, mais j'hésite :D à me l'offrir.
(Il y avait aussi "Odalisque" et "Kiss me tender" en version deo, même formule, très agréable en edc)
Je repensais à Malle. (Rêves-tu encore de son gardénia la nuit?)
Rien qu'à imaginer une pièce parfumé au narcisse, ou au beurre d'iris, je suis transi.
Je crois que les braves ont déjà passé le pas, et donné de leur peau.
De quelles rumeurs sur l'Ifra parles-tu? est-ce que ça peut être pire? [attends je réfléchis, là. Oui c'est vrai qu'ils ont déjà essayer de faire passer la vanille pour un ultra-dangereux perturbateur endocrinien]
Est-ce que ces rabats joies vont laisser vierge ce terrain de liberté, les rabat-joies aiment s'imposer...
Oui, les parfums d'ambiance ont la lueur de terrain de liberté. Ma copine cherchait un parfum d'ambiance, moi je me repassait la K7 des parfums d'ambiance de Malle dans la tête. Mon amie n'aurait jamais monté jusqu'à 80€ pour une pièce, je n'ai même pas proposé d'y passer.
Chez Nicolaï, je poussais mon amie à prendre le roomspray "tubéreuse des indes". Elle n'a rien voulu entendre, elle a pris la vanille sauvage. Et c'est vrai : Qui veut déodoriser sa chambre à la tubéreuse? Sommes-nous des gens normaux?
Dans 5 ans, seront-nous de drôles d'animaux qui se frottent à la cire de bougie? Comme jadis, les duchesses s'étalaient la graisse animale de l'enfleurage.
Julien, je ne songeais à vrai dire pas à l'application sur peau du parfum d'ambiance mais aux différents modes de diffusion qui peuvent permettre une liberté de création. Le système Scentys en tous cas ne se prête pas à ce détournement. Mais pourquoi pas? Cela dit, toutes les compositions, mêmes liquides, ne s'y prêtent pas: il m'est arrivé d'en appliquer dont la structure ne tenait pas du tout la route.
RépondreSupprimerPour Patricia de Nicolaï, j'ai l'impression qu'il lui arrive de développer des parfums à porter inspirés de ses parfums d'ambiance: c'est en tous cas elle-même qui le dit de son Eau Chic.
Peau? diffuseur? Et si le premier support, pour des amoureux des parfums comme nous, c'était la
RépondreSupprimermémoire?
Quand je découvre un nouvel univers olfactif, je crois toujours que le support ne sera pas un problème.
Qu'il n'y aura pas de mur entre un parfum d'ambiance, pour le corps, une lotion, ou imprégner un vêtement.
Je trouve que l'innovation olfactive se trouve de plus en plus dans les parfums d'ambiance de luxe.
Peut-être parce qu'ils bénéficient des derniers ingrédients et technologies, et ne sont pas bridés par l'ifra.
Naïvement je me dis "s'ils arrivent à faire ça dans un parfum d'ambiance, alors ils sont désormais capable de le faire en parfum parfum".
Même si au delà des règles allergéniques, il y a aussi les contraintes techniques de diffusion.
Historiquement, on sera passé de l'imprégnation des gants, au parfum en solution alcoolique pour le corps, au parfum d'ambiance... peut-être qu'on vit un de ces cycles de la mode. La première utilisation, c'était de parfumer l'intérieur des temples.
L'aoud, le vrai, hors de prix, sert encore à ne parfumer que l'intérieur des grandes fortunes orientales. Moi j'ai ce réflexe occidental de trouver dommage de payer cher un parfum dont je ne pourrais profiter qu'à la maison.
J'ai "un gardénia la nuit" (ebay), sur un jeans, il avait duré, et duré. Par contre certaines notes un peu lourde finissaient par me lasser(crémeuse, champignon, gardénia vert).
Je connaissais la généalogie "crépuscule vanille" -> "Sacrebleu". Mais je ne vois pas quel parfum d'ambiance fut le prédécesseur de "l'eau chic".
Julien, merci d'avoir apporté ce complément à mes propos! Pour l'Eau Chic, c'est le Géranium qui l'a inspiré.
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RépondreSupprimerEncore des restrictions de l'IFRA et de l'Union Européen? Si tu dis que les changements sont alarmants, ça me désole... Déjà il y a eu tant de dégâts des changements précédants. Je ne regrette pas tous les stocks de mes parfums préférés qu j'ai amassés qui remplissent mon frigo!
RépondreSupprimerTara, le pire n'est pas certain mais j'enquête sur des informations vraiment alarmantes. Cette fois j'espère que l'industrie pourra se défendre. C'est vraiment plutôt du côté de l'UE que ça devient kafkaïen.
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