Les premières déclarations – prudentes et semi-officielles – au sujet des reformulations de parfums, et les premières protestations publiques contre les règlementations de l’IFRA et de l’Union Européenne viennent de s’échapper des labos…
« Certains parfums ont été développés parce qu'il n'y avait aucune contrainte pénalisante », déclare François Demachy.
Quant à Thierry Wasser, il explique : « Nous vendons des parfums dont le plus vieux a plus de 150 ans. Si un jour, Bruxelles ne veut plus d'essence de rose, comment pourrais-je faire ? Il y a de la rose dans presque tous nos parfums... C'est un patrimoine à défendre. (…) Jean-Paul Guerlain avait créé Parure pour sa maman. On a dû l'arrêter, on ne pouvait plus utiliser les ingrédients nécessaires à sa fabrication. C'est un crève-cœur. »
Pour Frédéric Appaire, directeur marketing international de Paco Rabanne, « Notre palette de travail se réduit. C'est un peu comme si on disait à un peintre qu'il n'a plus droit d'utiliser du rouge, puis du bleu ou du jaune... »
Sylvie Polette, vice-présidente marketing des Jean-Paul Gaultier, déclare : « Bruxelles va tuer une partie du métier, on n'arrive pas à tout reconstruire à l'identique. Cela va pousser la recherche, mais c'est vécu comme une réelle contrainte. »
Hélas, il suffit d’avoir le nez au milieu de la figure et de savoir s’en servir pour s’apercevoir que pas un seul classique n’a échappé au saccage, et qu’aucun parfum n’est à l’abri du vandalisme puisque les règlementations changent tous les ans. Un lancement de l’automne 2009 peut parfaitement être transformé dès le lot suivant.
Quoi qu’il en soit, il serait temps d’agir. Enfin.
1. Pour consulter l’intégralité de l’article, cliquez sur le lien ; j'en reproduis ici des passages pour le cas où le lecteur consulterait ce billet au-delà du délai où l’accès à l’article du Monde deviendra payant.
génial! enfin, façon de parler, contente en tout cas qu'il y ait enfin des réactions officielles, de la part de nez ou de personnes de l'industrie du parfum.... contente aussi qu'on en parle dans un média qui n'est pas à la base spécialisé dans le parfum, ça donne plus de portée à ces propos!
RépondreSupprimerheureuse aussi qu'on soit peut-être sur la voie de rconnaître le patrimoine de grands parfums....
bref je trouve votre billet plutôt encourageant!
Sophie, le moins qu'on puisse dire, c'est que ça n'est pas gagné -- mais dans ce contexte feutré, ces quelques protestations prennent des allures d'émeute!
RépondreSupprimerc'est un ENORME pas en avant.
RépondreSupprimerMerci Denyse d'avoir lu le monde aujourd'hui !
Si c'est uniquement parceque le Champagne lui aussi est touché, et que cela profite à la parfumerie, alors tant mieux !
C'est déjà un progrès enorme que des personnes aussi exposées que Wasser ou Demachy s'expriment librement, et si Bernard Arnault commence à s'enerver lui aussi, alors on peut garder espoir ;)
Et si les consommateurs aussi (nous !) entraient dans le jeu pour dire qu'ils ne veulent plus voir défigurer des monuments, même olfactifs ? Denyse, pensez-vous qu'un blog reconnu comme le vôtre pourrait se faire l'écho d'une telle grogne ?
RépondreSupprimerJeanne, au sujet de M. Arnault, ce n'est vraiment qu'une conjecture née de l'écho d'un projet... dont je ne sais pas s'il a vu ou verra le jour. Cependant, on peut en effet supposer que messieurs Demachy et Wasser -- dont on ne peut pas douter un instant qu'ils n'aiment pas le patrimoine qui leur a été confié -- s'expriment à ce sujet, c'est que leurs propos n'entrent pas en conflit avec la stratégie du groupe LVMH.
RépondreSupprimerVeneziana, les monuments, hélas, le sont déjà. Et j'ai déjà assez souvent abordé le sujet, très complexe et qu'il faudrait beaucoup de temps pour débrouiller, beaucoup plus que celui dont je dispose. Mais c'est une idée.
RépondreSupprimerMerci d'avoir attiré mon attention sur cet article - dans la rubrique économie - que je n'avais pas vu quelques pages la nécrologie d'Eric Rohmer...
RépondreSupprimerCependant, cet article entretient une certaine ambiguïté concernant les compétences respectives de la Commission Européenne et de l'IFRA ou de l'interaction de ces deux organismes. Qu'en penses-tu ?
Thierry, la titraille ne relève pas, en général, de l'auteur et "Commission européenne" parle certainement plus qu'IFRA aux lecteurs. L'article étant assez succinct (je ne doute pas que Mme Vulser ait mené sérieusement son enquête) les rapports entre l'Europe et l'IFRA (qui est basée à Bruxelles) ne sont pas tellement explicités, en effet.
RépondreSupprimerLes réglementations de l'IFRA, que les membres de cette organisation s'engagent à suivre, ne correspondent pas à la Directive européenne sur les cosmétiques: certains matériaux d'usage restreint ou interdit par l'un ne le sont pas par l'autre. L'IFRA affirme que ses recherches (menée par le bras scientifique de l'industrie du parfum, le RIFM) sont plus à jour que celles sur lesquelles se fonde l'UE. L'organisation peut donc faire du lobbying auprès de l'UE mais la commission scientifique de l'UE n'en fait qu'à sa guise. A noter que la composition de cette commission n'est jamais renouvelée: elle est dissoute et renommée, avec les mêmes membres. Ce qui en soit mériterait une enquête.
Denyse,
RépondreSupprimerce n'était qu'une idée que je n'ai pas approfondie pour le moment, mais je me disais qu'une lettre de soutien et de protestation, sur votre blog ou ailleurs (mais bon, sur votre blog, ce serait plus efficace, non ?), signée d'un maximum de lecteurs, facebookers, visiteurs des forums, passionnés de parfums de tous poils... Ca pourrait être utile aux parfumeurs si - enfin - ils commencent à se rebiffer un peu, las de laisser scier la branche sur laquelle ils sont assis.
Qu'en pensez-vous ?
v
Veneziana, encore une fois, c'est une idée à envisager. J'ai songé plusieurs fois à être la passionaria de l'anti-reformulation mais comme je l'ai déjà dit, c'est quelque chose qui demande du temps! :-(
RépondreSupprimerUn exemple parfait de l’idiotie de certaines normes :
RépondreSupprimerOn a interdit l’essence de Verveine pour la parfumerie. A-t-on pour autant interdit les tisanes et les digestifs à base de cette feuille ?
Il est récemment arrivé la même chose pour toutes les essences contenant de l’estragol (Basilic, Anis, Badiane, Estragon, etc) Du coup, on perd une belle partie de la fraîcheur aromatique de l’Eau Sauvage.
Doit-on alors aussi interdire le pistou and co ???
Pfff !
Agissons et protestons !
Un parfumeur rebelle
Parfumeur rebelle, c'est en effet un exemple flagrant d'absurdité -- comme si ces essences, lorsqu'elles font partie des aliments, ne touchent pas notre peau (en cuisinant) et nos lèvres...
RépondreSupprimerEt défigurer l'Eau Sauvage, c'est en effet porter atteinte à l'un des plus beaux classiques de la parfumerie (je la sens dans ma tête en vous répondant).
Je manque de connaissances et d'informations techniques pour mener cette protestation, mais vous savez comment me contacter!
Les reformulations nous rendent fous et je ne connais PAS UN SEUL parfumeur que ça amuse. Ou sinon, vive la langue de bois.
RépondreSupprimerQuitte à passer pour un raleur (et j'assume) les normes IFRA (+ celles propres aux grands groupes tels L'Oreal, LVMH, Clarins, P&G, etc) défigurent les anciens parfums. Je déplore que les grands parfumeurs de renom n'ont jamais oser protester. C'est une partie de notre patrimoine et aussi de nos souvenirs d'enfance qu'on balafre. Un "Parure", un "Mitsouko", un "Femme", un "Calèche" ou d'autres encore plus récents comme "L'eau d'Issey" ou "For Her de Narciso" (déja reformulés) n'ont jamais, à ma connaissance, provoqué d'oedème ou de réactions cutanées violentes. Ce ne sont que des parfums, créés pour faire rever les Hommes, pas les menacer!
Un parfumeur rebelle
Parfumeur rebelle, c'est bien ce que tous vos confrères me disent, et je ne comprends pas qu'ils aient mis si longtemps à se prononcer en public (enfin si, je comprends certaines de leurs raisons -- mais pas entièrement).
RépondreSupprimerCe ne sont pas seulement des souvenirs - ce qui serait déjà beaucoup -- mais l'intégrité d'oeuvres de l'esprit qui est saccagée, sans compter, je l'ai déjà dit ailleurs et souvent, qu'on trompe le consommateur en lui vendant autre chose sous le même nom.
Pour la petite histoire, personne ne m'avait dit que NR For Her avait été reformulé mais je l'ai soupçonné, car j'ai réussi à sentir le musc de la composition l'an dernier, alors que pendant longtemps, j'y étais anosmique.
Peut-être que Bernard Arnaud s'agace, mais LVMH, le groupe qu'il dirige, dicte ses restrictions "maison" sur les matières premières, nullement imposées par l'IFRA ou les réglementations de l'UE.
RépondreSupprimerSelon certaines sources, cela concerne par exemple les muscs polycycliques (Galaxolide, Tonalid), accusés de ne pas être biodégradable, et ayant mauvaise presse à la suite d'un dossier de Greenpeace sur les parfums et l'environnement sorti en 2005.
Et pendant ce temps-là, l'industrie des lessives et des détergents continue allègrement d'utiliser les muscs polycycliques dans leur produits (et à une échelle sans doute plus importante que l'industrie de parfumerie fine). En 2009, l' UK Cleaning Products Industry Association (qui défend les intérêts des lessiviers britanniques) s'est même fendu d'un communiqué clamant l'innocuité du Galaxolide et du Tonalid (suite à des rapports scientifiques, bien sûr), et son intention de continuer à les utiliser. Encore un exemple de l'absurdité de la situation.
Le Gnou, vous avez entièrement raison. Comme le dit, plus haut, le Parfumeur Rebelle, les grandes sociétés telles que LVMH ou L'Oréal imposent des restrictions plus strictes encore que l'Europe ou l'IFRA. Sylvaine Delacourte parle des muscs synthétiques interdits par LVMH dans le post qu'elle consacre au thème dans son blog Esprit de Parfum, et le confirme.
RépondreSupprimerIl faut croire que les lessiviers ont en effet des lobbies plus puissants et mieux coordonnés.
Par ailleurs, vous faites bien de soulever la question, car si les amoureux du parfum s'indignent (à juste titre dans la plupart des cas) de restrictions excessives concernant les allergènes, d'autres risques motivent les règlementations, par exemple les risque à l'environnement.
Je ne lis habituellement pas le Monde, je suis tombée sur cet article par hasard car un étudiant qui essayait de placer des abonnements m'a remis cet exemplaire gratuitement le 13 à la boutique! Incroyable, non? Et bien sûr, j'ai tout de suite lu et découpé l'article. Je vois qu'il ne t'a pas échapé et, oui, nous pouvons nous en réjouir.
RépondreSupprimerMaintenant, est il envisageable de revenir en arrière et de retrouver nos classiques chéris au plus près de leurs vraies formules? C'est à souhaiter de tout coeur mais je n'y crois hélas plus. Mais cela montre au moins que des maisons comme Dior ou Guerlain admettent enfin officiellement les travaux de reformulations dues à des contraintes imposées...
A suivre en tout cas!
Rebecca, je ne crois pas non plus à un retour en arrière, mais on peut toujours espérer que certains classiques du patrimoine soient proposés dans leur formule originale, sous une forme quelconque, au titre d'objets culturels si ce n'est en grande diffusion...
RépondreSupprimerJe pense tout simplement qu'il n'est pas impossible que REACH et l'IFRA -- le premier notamment qui coûte une fortune aux producteurs, qui doivent financer des recherches destinées aux dossiers sur chaque matière première -- énerve l'industrie du parfum à un moment où elle ne va pas très fort.
Et que donc les voix montent, pour enrayer un escalade de règlementations fort onéreuses. Ceci pourrait être la première sommation.
Bonjour Denyse, l’article paru dans Le Monde m’avait frappé surtout pour la présence de commentaires prononcés par des noms si importants. S’il y a des lecteurs italiens je voudrais signaler la traduction en italien que j’ai publié sur mes pages.
RépondreSupprimerAntonio, c'est un petit pas en avant...Et bonne initiative, pour la trado!
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