Plus qu’une griffe de
luxe, Hermès relève en France du patrimoine national. C’est dire combien porte
d’enjeux la première création majeure de son nouveau parfumeur-maison,
Christine Nagel (son Eau de rhubarbe
écarlate relevant plutôt du galop d’essai). Difficile, donc, de lire en Galop d’Hermès un simple parfum, plutôt
qu’un palimpseste d’influences passées, de concurrences actuelles ou de lignes
esthétiques à venir.
En offrant à Galop un classement olfactif peu courant,
le « floral animal » -- expression de « la part animale en
chacun de nous » -- et doublant sa rose de cuir, le nouveau nez d’Hermès
lance un message à la fois culotté et rassurant (oud et fruitchouli ? que
nenni !). On pourrait aussi y flairer une frappe préemptive contre la
collection inaugurale de certain concurrent, où figurent deux cuirs. Mais on
n’a pas mauvais esprit.
Limpide à l’ouverture, Galop d’Hermès semble prendre le relais,
par l’éclat vert soufre de son bourgeon de cassis, de ces accents de
pamplemousse qui ont souvent éclairé les compositions de Jean-Claude Ellena.
Mais dès qu’il atteint sa pleine allure, sa rose moelleuse et poudrée prend une
certaine allure de classique 90s. Question de pedigree : Christine Nagel a
jadis offert à Lancôme un Mille et une
roses, édition limitée déclinant le trésor olfactif de la marque à la rose…
A priori opposés, la rose
et le cuir se rejoignent pourtant par des chemins de traverse olfactifs, des
baies à l’abricot et du tabac au tanné, fusionnant la rose au cuir dans un
hybride au toucher velouté de pétale et de peau (de pêche). Le cuir,
perceptible sur toute la longueur, double ces effets sensuels d’un courant plus
sombre, plus amer, plus tendu.
Synesthésie dictée par la
marque ? Si la publicité de Galop parcourt
plutôt une palette sable, grège ou ivoire, on y flairerait plutôt l’orange et
le rouge Hermès – couleurs de rose ou de Kelly. Sensuel, adulte, discrètement
enjoué (mais pas forcément aussi fougueux que son nom ne le laisserait
entendre), ce parfum affiche une assurance cavalière assez aristocratique (le
cuir n’a jamais été une note populaire), mais une coupe assez épurée pour lui
donner une allure contemporaine.
Étant donné ses notes
(segmentantes, comme on dit), son prix (certes, l’époustouflant flacon en forme
d’étrier est rechargeable) et sa concentration (un extrait), ce Galop d’Hermès ne vise sans doute pas à
procurer à Hermès un équivalent féminin à Terre.
Mais il offre à cette gamme qui, depuis l’arrivée de Jean-Claude Ellena, s’est
offert l’immense luxe d’un propos olfactif,
une dimension un peu délaissée depuis 24
Faubourg : le moelleux d’un décolleté.
Illustrations: à la soirée de lancement de Galop d'Hermès durant la projection du film publicitaire chorégraphié par Angelin Prejlocaj, photo prise par moi; packshot du flacon, courtesy Hermès.
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