« Le parfum, c’est quelque chose qu’on porte ou qu’on contemple ? »
La question a surgi au cours des délibérations du jury du Prix des Spécialistes de la Fragrance Foundation France. La journaliste qui la posait n’était certes pas étrangère aux parfums, mais elle n’avait peut-être pas l’habitude des parfums de niche puisque plus tôt, elle avait demandé s’il s’agissait de masculins ou de féminins…
Mais le produit qui avait suscité la question était inconnu de la plupart des jurés. Qui avait porté M/MINK de Byredo sur sa short-list parmi tous les lancements niche/exclusifs de 2010 ? On aurait pu suivre la progression des mouillettes autour de la table les yeux fermés rien qu’à la succession de glapissements, de gloussements et de cris étranglés. Les jurés ont adoré. Les évaluatrices, qu’on paie pour s’assurer que ce genre de jus ne sorte pas des bureaux des parfumeurs, ont dû éprouver un petit frémissement de satisfaction par procuration. En général, lorsqu’un d’entre eux lâche ce genre de bombe, il reçoit sur le nez un coup de journal enroulé.
M/MINK a eu ses supporters jusqu’à l’avant-dernier round. Lorsqu’il a été éliminé, quelques jurées ont suggéré de créer l’an prochain un prix de l’originalité. Qu’il ait réussi à soulever une question aussi fondamentale que celle-ci-dessus au sein d’un groupe de spécialistes qui en ont senti d’autres est un hommage à sa radicale étrangeté.
M/MINK est, rappelons-le, basé sur un brief sans paroles de M/M, Michaël Amzalag and Mathias Augustyniak. Ce duo d’artistes/designers était tout indiqué pour collaborer avec Byredo : ils s’adressent fondamentalement à la même clientèle de trentenaires tendance Colette/Palais de Tokyo. M/M a remis à Ben Gorham de Byredo un bloc d’encre de Chine, une photo montrant un maître calligraphe japonais et une « formule utopique » dessinée par Mathias sur une feuille de papier coréenne traditionnelle, nous informe le site de la marque. Gorman a passé le colis à son complice habituel, Jérôme Épinette de Robertet.
Ce qui est revenu du labo est un jus aussi glacial que les M/M sont cool, qui passe directement du minéral à l’animal sans détour par le végétal. Et qui sent ce qu’on goûterait en léchant une pièce jaune surgelée tartinée de miel.
M/MINK se conforme au brief : ça sent l’encre. Le fait que ça senti aussi la bête est peut-être une allusion au poil des pinceaux des calligraphes. Ou alors, le résultat d’une collision graphique entre le « m » et « ink » (encre en anglais) : m + ink = mink, autrement dit le vison.
Autre lecture possible : avec sa structure aldéhydée/animale, M/MINK est un parfum classique écorché et éviscéré.
Mais on pourrait aussi lire M/MINK comme un manifeste sur (ou contre) la tendance « pressing » en parfumerie. Le parfum s’ouvre sur un hurlement aquatique/aldéhydé tellement aigu qu’il pourrait sans doute percer la couche d’ozone en visant bien. Le site Byredo nous informe que le parfum est overdosé en Adoxal, molécule qui sent à la fois le métal, le muguet, la meringue et la lessive propre : et pour cause, elle est largement utilisée dans les lessives. Tout se passe comme si Jérôme Épinette avait pris l’idée de « propre » qui prédomine dans la parfumerie grand public et l’avait exacerbée jusqu’à la fréquence de l’ultrason, puis l’avait plaquée sur son antithèse, une note de basse animalisée, ambrée et miellée, en soudant l’ensemble par les facettes minérales/sang de l’encens. Autrement dit, un oxymore olfactif, réalisé avec l’économie de gestes de la calligraphie orientale.
Ce style en abrégé confère à M/MINK un côté inachevé ; le rapprochement sans médiation du propre et de l’animal relève à proprement parler du mécanisme de l’humour.
M/MINK prouve qu’on peut lâcher les monstres hors de labos et plaire quand même. C’est le premier qui corresponde olfactivement à l’image pointue dont jouit Byredo auprès de sa clientèle, et le genre d’odeur qu’aurait pu lancer la Maison Martin Margiela au lieu d’une variation sur les Prada (la composition de Daniela Andrier est très bien, mais Margiela méritait un parfum plus expérimental).
Dans le même registre, j’aimerais que Francis Kurkdjian produise l’odeur de billet de banque composée pour l’exposition « L’Argent » de Sophie Calle en 2003 à la Fondation Cartier, travail sur des thèmes olfactifs similaires.
Et maintenant, question : dans une exposition d’art olfactif pointu, quel parfum rangeriez-vous à côté de M/MINK ?
Illustration: éléments typographiques créés par M/M.
Je connais un peu M/M pour ses collaborations répétées pour Björk, depuis que sa musique a pris un tour plus expérimental.
RépondreSupprimerM/Mink me rappelle prosaïquement ces mauvaises odeurs que l'on cache derrière une odeur de pin des landes.
L'abstraction tombe désagréablement pour me rappeler la blague de comptoir. Celle d'un amoureux qui a très mauvaise haleine, et qui a mangé des pastilles la vosgienne pour cacher cela à son amoureuse. Cette dernière s'enquiert "Tu ne sens pas une drôle d'odeur?". Il nie de la tête. "Mais si, on dirait que quelqu'un est allé chier derrière un sapin!"
Alors pour ornementer M/Mink dans une exposition olfactive, je vois là un sapin magique de voiture, avec leur merveilleuse odeur.
Je n'ai pas dépassé le j'aime/j'aime pas. (désolé d'avoir ruiné l'ambiance chic du blog :P)
Julien, je ne sens pas de note particulièrement fécale dans M/MINK. Animale, oui. Cela dit il est possible qu'on ait des perceptions physiologiquement différentes de ce genre de notes... En revanche, pour le sapin, je suis d'accord, lorsque je change d'angle d'olfaction il y a bien en effet un côté pastille La Vosgienne!
RépondreSupprimerM/Mink, je lui tourne autour de puis des semaines. Je me rends compte qu'il n'est pas mon genre. (J'aime les floraux aldéhydés...) mais je le trouve beau ET portable. Passé le choc du départ, il évolue bien sur moi, comme s'il me réconfortait après m'avoir envoyé une gifle...
RépondreSupprimerJe le placerais volontiers à coté des Odeurs de Comme des garçons. Que je possède et porte à l'occasion, mais peu. Et que mon entourage apprécie pourtant. Et forcément pas loin de Sécrétions Magnifique qui me semble beaucoup plus importable et assez peu abouti.
D, en effet M/MINK se situe plutôt du côté du travail de CdG... mais sur le plan technique, je dirais qu'il est moins bûché que Sécrétions Magnifiques, notamment sur le fond. Cela tient sans doute à la manière dont il a été développé: je n'ai pas d'informations directes là-dessus mais on présente le travail comme un envoi du "brief" à Jérôme Epinette sans autre intervention de la part des M/M. C'est sans doute ce qui lui confère son caractère assez brut, délibéré me semble-t-il.
RépondreSupprimerJ'ai posé ma touche de M/Mink dans mon armoire de toilette : eh bien je n'y ai jamais autant fourré mon nez. Chaque matin, chaque soir, la même question en l'ouvrant : "mais qu'est-ce que c'est que cette odeur... que j'adore ?" Et hop, un petit sniff.
RépondreSupprimerIl me rappelle des discussions absurdes sur l'art contemporain et les arguments du type "moi pour que j'aime il faut que ce soit beau, esthétique quoi". Mouarf.
J'adore qu'un parfum si particulier puisse être aimé. Que je puisse l'aimer, au-delà de l'expérience de le sentir, qu'il provoque mon désir.
Et pour répondre à la question : spontanément, je l'aurais mis, comme D, chez Comme des Garçons. Pour son côté expérimental.
Mais à la réflexion, je le flanque chez Cartier : à côté de l'Heure fougueuse. Comme un pari impossible, et tenu, qui m'enchante.
Géraldine, je ne peux qu'abonder dans le sens de tous vos propos. L'une des limites de l'insertion du parfum dans l'horizon de l'art contemporain est celle du "joli", du "bien fait", du "plaisant", toutes choses dont on ne se soucie guère en art depuis les avant-gardes. M/MINK transgresse allègrement toutes ces limites, et en plus, il peut plaire, pas à tout le monde mais à certains!
RépondreSupprimerBonsoir Denyse, M/Mink faisait partie de mon "top 3" pour le Prix des Spécialistes, mais malheureusement, je n'ai pas pu venir le défendre ! (ceci dit, je me doutais un peu qu'il ne ferait jamais l'unanimité, du moins dans cette catégorie et avec ce jury...)
RépondreSupprimerJe suis étonnée des témoignages mitigés, mais certains très positifs sur auparfum, des internautes en sont raides dingues, car je crois qu'il procure une emotion assez inhabituelle.
Dans une telle expo, je verrai bien à côté de lui Secretions Magnifiques, Odeur 53, l'Heure Fougueuse, l'Antimatière et quelques uns de la Série 6 Synthétique de CDG...
Bonne soirée !
Hum, en lisant votre billet j'ai enfin testé mon échantillon que j'ai depuis des semaines avec 2 autres parfums de Byredo (je traîne, je traine...). Votre article est très bien, plaisant mais là à l'instant, je dois avouer que euh...je suis pour le moment hermétique comme cette odeur.
RépondreSupprimerAldéhydes, oui et je n'aime pas cela en règle générale mais c'est un détail. Ce qui me gêne avec ce parfum c'est qu'il n'est en rien pour moi séduisant, pas séduisant pour ceux autour de moi si je le testais et je ne me vois pas draguer une jeune fille portant ça.
Tout ça ne sont pas des bons arguments, je vous le concède !
Mais pour plus de sérieux, j'y sens cette odeur métallique que je n'aime pas non plus. L'ensemble est néanmoins assez fascinant mais inutile (si l'on peut utiliser ce terme), je regrette que la note encre noire ne soit pas plus forte encore, c'est une odeur que j'aime.
Ce parfum ne me mets ni en joie, ni en tristesse, pas de mélancolie, pas de tendresse, rien qui ne me permette de me lover dedans. C'est au final quelque chose de vain, pour moi en tout cas. Il me donne même vaguement un malaise.
Et ça me rappelle bien quelques gestes dans l'art contemporain ou la littérature expérimentale. Etonnant, fascinant mais au final aucun plaisir. Dommage, tout sur le papier était là pour m'emballer !
Jeanne, je suis tout à fait d'accord avec la sélection de l'expo! Et puisqu'on ne s'est pas parlé, j'ai regretté votre absence au jury. Lequel jury m'a je l'avoue assez agréablement surprise par ses réactions aux parfums qui sont arrivés en pré-sélection et que les jurés n'avaient pas forcément tous sentis (je dois dire que là-dessus, le contingent des auteurs de blogs était plus... au parfum).
RépondreSupprimerBref, M/MINK a été extrêmement segmentant, comme le démontrent les commentaires ici aussi. Mais très positivement reçu, surtout par certaines journalistes de grande expérience.
Laurent, tout dépend de ce que l'on demande à un parfum et c'est exactement la question qu'a posé une des journalistes, et que je cite. Pour certains un parfum comme M/MINK ne sera pas tolérable à porter; ce n'est certainement pas un parfum que l'on porterait pour séduire, il sort trop des codes. Pour ma part, justement, j'aime que certains produits osent cette embardée... Ça nous change du gentiment consensuel et ça remet en cause les acquis.
RépondreSupprimerJe pense que le fait que les deux commentaires masculins soient négatifs et les deux commentaires féminins enthousiastes est une coïncidence, mais si ce n'est pas le cas, c'est intéressant.
J'entends parfaitement cette question de la sortie des codes, du non consensuelle etc... et j'aurais aimé apprécier cette odeur si intellectuellement aboutie.
RépondreSupprimerMais mais mais... au bout d'une demie heure hier soir, j'ai lavé mes avants bras (zones de test !) n'en pouvant plus et ce satané parfum a stagné sur moi toute la nuit.
Re-douche ce matin, et du coup j'ai pris le contre pied, Hammam Bouquet de Penhaligon's, tellement je n'en pouvais plus. M/Mink est un bien curieux animal...
Laurent: hou la, pour ça, il est tenace! A tel point qu'il a imprégné la manche de ma veste, et ressurgi lorsque j'ai eu le malheur de tester un autre parfum sur le même coin de peau le lendemain... souvent ces notes de fond boisées ont la demi-vie du plutonium. Mais je crois que le pire dans le genre avait été pour moi Alien. Trois jours. J'envisageais le Karcher.
RépondreSupprimerM/Mink n'est pas un parfum que je porterai ou que je classerai parmi les parfums à conseiller. Toutefois dans le contexte de la parfumerie actuelle qui rivalise de platitudes et de banalités j'avoue avoir eu un grand sourire quand j'ai senti pour la première fois cette mystérieuse odeur. C'est un choix intelligent pour Byredo qui gagne ainsi une crédibilité créative qui n'était pas évidente avec ses premiers opus plutôt consensuels. Je ferais un rapprochement avec L'eau du fier d'Annick Goutal qui apparaît au milieu d'une collection parfois classique comme un exercice de style poétique et attachant.
RépondreSupprimerMadiel, je ne puis qu'être d'accord, ce produit crédibilise l'approche pointue que revendique Byredo, même si je comprendrais aisément que Ben Gorham n'en fasse pas un principe systématique: une marque, pour vivre, doit proposer des parfums moins segmentants. Comme je pense que le but était plutôt celui de l'image, il est atteint, avec en plus un jus intelligent et provocateur...
RépondreSupprimerJe l'ai acheté à la simple lecture de la critique de 1000fragrances, d'un coup, sans même réfléchir. Minéral + animal, il ne m'en fallait pas plus.
RépondreSupprimerFinalement, je n'ai jamais réussi à le porter, je ne pouvais l'apprécier qu'après quelques heures.
J'admire son originalité mais cette note de pin du début, cette froideur, il me faisait presque grincer des dents. Je n'y arrivais pas, et pourtant je m'en croyais capable, je dois être faible. :-D Je l'ai revendu.
Si je devais le placer à côté d'un autre, ce serait 100% Love de S-Perfumes (ce mélange rose-chocolat puissance 10000!) même si, olfactivement, ils n'ont pas grand chose de commun, si ce n'est une idée poussée à l'extrême, charmante sur le papier mais qu'il m'est impossible de porter.
En effet, il faut pouvoir, ce qui ne se contrôle pas -- un parfum, on peut l'admirer intellectuellement sans pouvoir passer la journée dedans. 100% Love est du même ordre, et également le résultat d'une commande passée par un artiste, Sacré Nobi. Je n'ai d'ailleurs jamais eu de jeu d'échantillons de S-Perfumes, démarche qu'évidemment je trouve passionnante (je les ai sentis grâce à un ami).
RépondreSupprimerJe trouve intéressant que M/Mink puisse être un parfum conceptuel.
RépondreSupprimerConceptuel, comme toutes ces oeuvres d'art moderne qui existent, subsistent, trouve public, et sont côtées, alors même qu'elles ne cherchent pas à être "belles".
Je n'aime pas son odeur, mais je me prends à rêver que la parfumerie en soit un jour à ce stade, qu'elle puisse exister au delà des contraintes "être beau, ornemental, flatteur, joli".
Si des gens dépensent des K€ pour un tableau qu'ils ne regardent pas tous les jours, alors pourquoi pas acheter un flacon Byredo comme on paie un droit d'entré pour voire un paysage olfactif, de chez soi, à la simple pression sur un spray.
Je ne suis pas son public, mais peut-être que le soucis principal de ce parfum au sens large, ce n'est pas son odeur mais son mode de distribution.
Je veux dire : 50ml pour 95€, tout le monde peut l'avoir, c'est assez démocratique.
Alors que si c'était une sculpture d'art moderne, une pièce unique, il pourrait y avoir de la spéculation, et un prix astronomique.
Après tout, les parfums JAR (qu'on a tendance à peu citer) sont mieux respecté pour cela. (j'ai aimé les JAR)
A l'inverse, on n'a déjà vu des parfums vendus plus cher, par de soi-disante marque de niche exclusive, et qui échoue à nous interpeller, à défaut même d'être joli.
Je viens de me rappeler que M/Mink se trouve Chez Colette. Ce qui me rappelle que je n'avais vraiment pas aimé la ligne "le labo" (et la musique d'ambiance à fond).
J'avais l'impression de payer des parfums cher sans avoir les beaux ingrédients de parfumeries classiques derrière. Je suis resté très Guerlain "old school", peut-être, je constate.
(Comme d'être rester dans les tableaux figuratifs, quand les mécènes voulaient une photo du réel, et trouvaient scandaleux et décadent de gâcher de la peinture pour des sujets abstraits ou fantaisistes.)
Même si, du labo, j'ai à ressentir le Patchouly (c'est bien lui qui ressemble à "bois d'arménie" en mieux, et du même auteur?)
[une piste, peut-être, pour expliquer l'hypothétique clivage garçon/fille face à M/Mink : le parfum n'a pas de contenu fécal, au sens civet ou castoréum, l'histoire de la blague de la mauvaise haleine m'arrangeait (moite, chargé, étrange, mais pas fécal en soi). Et donc ma petite théorie c'est que cette simili-odeur d'encre, acre, un peu "eau de javel", pin, peut être rapprochée de cette des pastilles qu'on trouve dans les urinoirs publics (chez les messieurs donc).
Celà pourrait expliquer pourquoi les femmes le trouve intéressant, tout comme Musk Koublai Khan peut être fascinant, c'est l'odeur de l'autre. Mais que moi je vois dans M/Mink un "no way", une odeur insalubre, alors que que je n'ai jamais rencontré de "scrubber", et que M/Mink reste discret comparé à Yatagan qui lui aussi est une étrangeté sans compromission.]
Julien, on n'a pas assez d'éléments pour juger ce clivage masculin/féminin dans le rapport à certaines notes, mais en effet le rapport que l'on entretient avec l'odeur de l'Autre est peut-être une piste? Il est d'ailleurs également possible que la différence sexuelle joue dans la différence de perception olfactive à un niveau physiologique -- c'est le cas pour certaines molécules.
RépondreSupprimerLes études scientifiques sont les bienvenues. Elles pourront mettre en lumière certaines prédispositions biologiques.
RépondreSupprimerMais elles n'expliqueront pas le phénomène d'attribution, pourquoi on associe telles personnes avec telle odeur. (et tel sexe à telle odeur)
Je préfère ma petite hypothèse terre-à-terre, qui fait que nos propres odeurs corporelles nous sont banales, routinières, et parfois un peu sales, tandis que celle de l'autre nous paraît nouvelle étrange, voire mystérieuse et attirante. Peut-être justement parce que l'inconscient cherche à la baliser.
Sur quel détail va s'arrêter l'inconscient? Par le passé, il s'est bien arrêté sur la poudre de riz parfumée d'iris des femmes, et nous vivons peut-être encore sur cet inconscient collectif.
Et l'aspect culturel qui fait que la rose puisse être un parfum masculin au moyen-orient.
L'hypothèse de la pastille des urinoirs publics est très saugrenues, c'est une digression. Toutefois l'inconscient pourrait très bien s'arrêter dessus, pour la ranger comme masculine. Cet objet est encore lié à un "rite corporel" qu'on ne voit pas, mais que l'esprit identifie. Et puis si l'on considère de plus en plus de parfum comme mixte, on peut se demander à quel détail va s'arrêter le cerveau pour départager le masculin du féminin.
Julien, je me demande si des études sur la façon dont nous constituons nos mémoires olfactives sont nécessaires? Après tout, le mécanisme est simple: ce sont des associations culturelles et biographiques. Les premières ont sans doute été étudiées par les maisons de composition qui cherchent en général à créer des produits qui marchent d'Anchorage à Vladivostok en passant par Le Cap... Ce qui serait intéressant, c'est une histoire de ce stock culturel d'odeurs.
RépondreSupprimerJe fais tester "en aveugle" M/Mink à mes collègues. (aujourd'hui, que des hommes Résultat: ils aiment, la seule critique, alors qu'ils ont eu droit à un pschitt sur le bras, c'est que ça sent fort. Trop. Mais il y en a un qui aime vraiment beaucoup...
RépondreSupprimerJe leur fait souvent ça: c'est assez interessant de voir les réactions de gens qui n'y connaissent rien. Les femmes n'aiment aucun Chanel. Bas de Soie laisse tout le monde de marbre. La marque la plus populaire, c'est Annick Goutal. Mais le coté assez addictif de M/Mink m'étonne: ils ne cessent de sentir leur pignets... Décidément, je vais de surprises en surprises, mais elles ne sont pas forcément mauvaises. Le seul clivage que j'ai remarqé qui semble lié au sexe, c'est Chanel... (bien sûr, des essais sur 5 ou 6 personnes n'ont rien de scientifiques)
D, même s'ils ne sont pas forcément représentatifs ce sont des résultats assez fascinants! J'ai remarqué que lorsque je propose à mes étudiantes (pour la plupart des Américaines de 20 ans) de tester les parfums dont j'ai parlé en cours, certaines tombent amoureuses de produits franchement décalés, comme quoi parfois il suffit d'exposer les gens... évidemment, un peu de pédagogie n'est pas inutile, mais visiblement pas obligatoire.
RépondreSupprimerZéro pédagogie de mon coté, je leur pose juste des questions de type: "Qu'est-ce que vous ressentez? Quelles sont vos impressions? Est-ce que ça évoque quelque chose?" plusieurs fois sur la journée pour les guider et avoir un avis qui va au-delà de "j'aime/j'aime pas" au premier sniff. Et je refuse de leur dire comment le parfum s'appelle ou la marque pour ne pas les influencer. Ce qui m'amuse, c'est qu'ils essayent souvent de reconnaître un ingrédient, pour être en territoire connu et qu'instinctivement, il y a une association parfum-fleur qui se fait... Du coup, c'est plus amusant pour moi de leur mettre sous le nez une expérimentation Comme des Garçons qu'un soliflore de base.
RépondreSupprimerCe qui est gratifiant, c'est qu'ils ont pris goût au jeu et que leur nez s'éduque. Surtout celui de ceux qui ne porte pas de parfum, n'ont pas d'habitude et de préférence marquées au départ. Plus vierges, ils sont plus ouverts et deviennent vite beaucoup plus exigeants, je trouve.
D, pour moi tout cela est déjà de la pédagogie: exposer à de nouvelles choses, et faire parler... En effet, tout apprentissage doit s'arrimer à des connaissances déjà acquises et il est normal que vos "élèves" cherchent des références correspondant à leur idée du parfum. Ce qui est intéressant, c'est de les inciter à s'aventurer vers des notions de notes qui n'y correspondent justement pas!
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