Ellena, la vanille ? Qui eut cru que l’on lirait les deux mots dans la même phrase un jour ? Non seulement le parfumeur-maison d’Hermès a-t-il publiquement proclamé son aversion pour cette note, mais l’option vanille – trop facile, voire galvaudée – ne lui ressemble pas du tout. Après tout, malgré sa beauté, la vanille est le comble même du consensuel.
Évidemment, on se doutait bien que Jean-Claude Ellena mettrait un point d’honneur à distinguer son approche : on se répandait donc en conjectures sur la façon dont il accommoderait la gousse. Avec son esthétique de la ligne claire, on se doutait aussi que son interprétation n’aurait absolument rien à voir avec celle de Jean-Paul Guerlain, ce Spiritueuse Double Vanille au parfum de rhum ; et pour créer une vanille qui ne se réfère pas à Guerlain, qui a pratiquement des droits d’auteur sur la note, il faut s’adonner à de sérieuses torsions de molécules…
La collection Hermessence, à laquelle appartient Vanille Galante, repose en générale sur le jeu d’échos entre deux notes dominantes liées par certaines de leurs facettes – Ellena s’explique d’ailleurs très bien de cette méthode d’association poétique olfactive dans le « Que sais-je ? » consacré au parfum. Par exemple, l’avant-dernier, Un brin de réglisse, enchaîne la facette réglisse de la lavande à la réglisse elle-même ; Osmanthe Yunnan joue sur les facettes daim/cuir communes à la fleur d’osmanthe et au thé.
Vanille Galante tire le fil olfactif qui relie la vanille au lys par leurs facettes fumées et animales (déjà exploré, très différemment, chez Serge Lutens avec Un Lys). Les toutes premières notes embaument l’écurie et les feuilles de tabac. De là, le parfum se dilate aussitôt comme une bulle de savon – cette « bulle blanche et verte » dont je repérais l’usage dans un post précédent – remplie d’une note florale d’une légèreté aérienne qui rappelle la douceur sucrée, banane-beurre de cacao, de l’ylang ylang, du tiaré ou de la fleur de frangipanier. L’odeur de ces fleurs est d’ailleurs principalement due au salicylate d’amyle (matériau cité nommément dans le dossier de presse – manifestement, certaines marques cessent de voiler pudiquement l’usage des molécules de synthèse ; dans le cas d’Hermès, ce n’est pas étonnant, puisque Jean-Claude Ellena aime pratiquer une certaine transparence dans sa démarche).
Dans l’espace dégage par le souffle délicatement sucré de ces fleurs exotiques, le lys libère ses accents épicés, fumés, proches de la giroflée, à travers un voile froid et aqueux (qui rappelle un peu celui du Lys Méditerranée de Frédéric Malle), sur un éclat à peine décelable de bois de santal. La vanille, à ce stade, est à la fois entièrement reconnaissable et à peine présente : comme si la peau de la bulle florale en avait été légèrement saupoudrée.
Avec Vanille Galante, Ellena réalise une double prouesse : non seulement il dégage la vanille de ses clichés gourmands en lui apposant sa signature, mais il parvient aussi à étirer le côté lourd et entêtant des parfums exotiques jusqu’à en faire une substance presque impalpable. Une sorte d’idéal platonicien de crème au chocolat blanc et à la vanille, relevée d’une fraîcheur verte (le gingembre et la cardamome, par exemple), distendue jusqu’à recouvrir un territoire de la taille de Madagascar… C’est exquis.
Image: Robert Ryman (1930-), courtesy blog Art 21.
On en a l'eau à la bouche, mais les notes évoquées pour cette vanille galante, lys, salicylate d'amyle et vanille me font cruellement penser à l'Instant de Guerlain, qui est construit aussi autour de ces 3 notes, alors que ces 2 parfums semblent ne rien avoir en commun ! Ah la comm, toute est histoire de crédibilité, pas de réalité...
RépondreSupprimerMéchant loup, j'ai consulté mon nez (et par la suite, je l'avoue, celui d'Octavian Coifan, bien mieux entraîné que le mien) avant le dossier de presse, et ces trois éléments s'y retrouvent bel et bien. Mais Vanille Galante ne m'a pas du tout rappelé L'Instant de Guerlain. Cela dit, je n'ai pas senti ce dernier depuis sa sortie, je vais m'empresser de le faire!
RépondreSupprimermon dieu que le mois e fevrier est loin pour pouvoir enfin sentir cette galante
RépondreSupprimerps: j'adore l'instant en edp, mais l'edt m'a parue tres effacee
Mais non, Véro, c'est pour bientôt! ;-)
RépondreSupprimerj'ai pu la tester il y a 10 jours grace a la gentillesse d'une vendeuse hermes, et j'ai aimé, simplement aimé, l'elegance et la simplicité, comme un voile de vacances, je ne sens pas de notes de bananes , seulement un nuage diaphane de fleurs de tiaré ou d'ylang brodé de vanille noire non sucrée
RépondreSupprimerj'ai reservé un coffret ;)
Ah, Véro, je suis ravie qu'il t'ait plu autant qu'à moi! Moi non plus, je ne capte pas de banane, mais comme il y a des molécules en commun entre l'ylang-ylang et la banane, ce n'est pas aussi étonnant que cela, que certains la perçoivent (je me rappelle, c'était l'avis d'Emmanuella sur Beige de Chanel qui a aussi de l'ylang-ylang et de la fleur de frangipanier).
RépondreSupprimerJ'en avais rêvé, Ellena l'a fait ! Une vanille éthérée, presque arachnéenne, comme un voile, une bulle qui resterait en suspension dans l'air moite d'une matinée tropicale. Quel travail ciselé, précis que celui d'Ellena autour de cette vanille, c'est à douter qu'il ne l'aime point tant il a su la travailler si magnifiquement. Sur ma peau, le départ est légèrement cuiré puis tout de suite très ylang. La vanille est un nuage qui plane au-dessus de cet accord, elle semble ne pas se poser sur ma peau, elle est une vapeur qui contrebalance l'effet légèrement amer de l'ylang par sa note chaude, mais point gourmande. C'est une gousse noire de Madagascar. Le lys et la fleur de frangipanier se mêlent ensuite en un bouquet savamment arrangé, ni trop lourd ni exagérément tropical (je redoutais un peu cela avec la note tiaré/frangipanier). Je perçois également une légère note d'entremets vanillé, quelque chose d'un peu lacté et rond. La fragrance est toujours en suspension, elle tournoie et affleure juste ma peau, c'est étonnant, déroutant, magnifique. Le sillage est discret, mais bien présent, au moment où je ne m'y attend pas.
RépondreSupprimerLamarr, je suis ravie que les grands esprits se rencontrent! Tu as décelé aussi les facettes oeillet et gaiac qui sont présentes dans le lys?
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup aussi la toute première bouffée qui a quelque chose de tabacé/cuir rappelant le narcisse.
Tu as raison, tout cela est ciselé d'une main de virtuose!
Carmen, une autre image m'est venue hier soir en reniflant mon poignet pour la énième fois : Ellena est un scultpeur d'air ! Il a su apprivoiser l'air et en faire une matière évanescente comme personne.
RépondreSupprimerSur ma peau le lys est très légèrement piqueté d'une note poivrée, d'où peut-être l'impression d'oeillet chez toi, mais point de gaïac. L'ylang prend vraiment le dessus sur ma peau, c'est la note la plus en relief.
Lamarr: sculpter l'air, c'est exactement ça!
RépondreSupprimerLe parfum de mes rêves! Coup de foudre total, aérien évidemment, mais bizarrement je la trouve aussi aquatique... Je reviendrai en parler après notre lune de miel!
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