J’ai passé la moitié de ma vie à survivre aux interminables hivers québécois et l’autre à subir la morosité pluvieuse de ceux de Paris – parfois entrecoupés de l’éblouissement de la place des Vosges, des jardins du Palais Royal ou de la Fontaine de Médicis enneigés.
Ce qui me rend l’hiver supportable sont les fourrures et les fourreaux, ou leurs équivalents olfactifs. Bouffées tièdes d’aromes animaux épicés emprisonnés entre les poils et la peau ; corolles à chair veloutée épanouies dans les serres comme des bulles volées à l’été…
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Carnal Flower de Dominique Ropion pour Frédéric Malle Éditions de Parfums
Quoi : Une tubéreuse fraîche au sorbet de noix de coco et à la sève, pour combattre les vagues de froid par le froid.
Quand : Par une nuit où la neige crisse sous les talons aiguille, lovée dans une veste en fourrure noire qui caresse un grand décolleté.
Amaranthine de Bertrand Duchaufour pour Penhaligon’s
Quoi : L’ylang-ylang magnifié et fouetté d’épices jusqu’à prendre la texture d’une délectable crème de fleurs teintée de banane verte.
Quand : En faisant glisser de ses épaules un kimono en crêpe de Chine dans une chambre surchauffée.
Jasmin de Nuit de Céline Ellena pour The Different Company
Quoi : Un jasmin déshabillé par un chaud/froid d’épices jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une vibration florale.
Quand : Enivrée près d’un feu de cheminée, et bien accompagnée.
Femme (formule originale) d’Edmond Roudnitska pour Marcel Rochas
Quoi : La base Prunol merveilleusement arrondie – ionones, aldéhydes C-14 et C-18, patchouli, cardamome, cumine et cétone V – adoucit d’une tendresse fruitée la base chyprée.
Quand : Lors d’un rendez-vous dans un bar d’hôtel parisien capitonné de velours rouge, une combinaison en dentelle émergeant d’un tailleur en tweed cintré.
L’Origan (vintage) de François Coty
Quoi : La grande sœur effrontée de L’Heure Bleue ; fleur d’oranger et œillet sur un nuage d’héliotropine.
Quand : Dans le crépuscule, pour s’encanailler avec les peintres de Montparnasse, vêtue d’une manteau-bulle aux couleurs barbares signé Paul Poiret. L’amant en titre n’aura qu’à attendre.
Encens Flamboyant d’Isabelle Doyen pour Annick Goutal
Quoi : Un encens carbonisé, cuiré, éclairé par la lueur fruitée vert sombre du fir balsam.
Quand : À la sortie de la messe de minuit dans une nuit glacée, dans une pelisse imprégnée d’encens d’église.
XII – L’Heure Mystérieuse de Mathilde Laurent pour Cartier
Quoi : La vibration sourde de l’encens, du castoréum et du patchouli mêlée au jasmin sambac, à l’ambre et au musc.
Quand : À l’heure des sortilèges et des potions, sous une capuche en cachemire noir.
Attrape-Coeur de Mathilde Laurent pour Guerlain
Quoi : Un hommage au mythique Ambre 83 de De Laire, adouci du sourire de pêche de Mitsouko et scintillant d’iris.
Quand : En sirotant un vieil Armagnac sur un canapé en cuir fauve, avec la tête de son amant sur ses genoux.
Tonka Impériale de Thierry Wasser pour Guerlain
Quoi : Une variation oblique sur le légendaire Jicky, la fève tonka plus riche remplaçant la coumarine et le romarin jouant le rôle aromatique de la lavande.
Quand : Lorsqu’on refuse de choisir entre le St-Honoré et le chocolat chaud chez Angelina, avec une copine par un après-midi de pluie.
Havana Vanille de Bertrand Duchaufour pour L’Artisan Parfumeur
Quoi : Vanille iconoclaste tirée vers la feuille de tabac, l’ambre et le bois dans un nuage de musc résineux.
Quand : Bien au chaud, la peau moite. Mais pas au club sportif. (Et en fait, n’importe-où : c’est mon parfum de l’hiver, cette année.)