Mythique des Parfums DelRae: l'iris d'une dame des temps jadis

Si je devais commander un parfum inspiré par la Renaissance, ce serait certainement un parfum à l’iris, ne serait-ce que par l’association de l’iris à Florence (les meilleurs beurres d’iris viennent de Toscane), de Florence à Catherine de Médicis, et de Catherine de Médicis à l’art de la parfumerie.

C’est en effet Catherine qui a imposé le goût italien raffiné en matière de parfumerie, et en particulier l’habitude de parfumer des articles de cuir, à la cour de France. René le Florentin, le parfumeur arrivé avec elle dans ses bagages lorsqu’elle a épousé le futur Henri II, était réputé pour ses préparations cosmétiques – et, murmurait-on, pour les poisons qu’elles recelaient parfois…

En l’occurrence, ce n’est pas la reine Catherine, mais sa grande rivale, qui a inspiré le dernier lancement des Parfums DelRae, Mythique. La puissante et belle Diane de Poitiers, protectrice des arts, fut l’un des maîtres d’œuvre du mariage du dauphin qu’elle avait éduqué ; bien qu’elle fût de 20 ans son aînée, elle séduisit Henri II après ses noces à l’héritière florentine. Son royal amant, après lui avoir décerné le titre de duchesse de Valentinois, lui offrit le château de Chenonceau, réputé pour ses jardins. C’est là que DelRae Roth a présenté Mythique, le parfum de Diane.

C’est la première fois que Roth travaille avec un autre parfumeur que Michel Roudnitska : le jeune et très doué Yann Vasnier, qui a signé plusieurs de parfums Divine (notamment L’Homme de Cœur et L’Ame Sœur, ainsi que les deux nouveaux L’Etre Aimé à l’immortelle).

Le style délicat de Vasnier est on ne peut plus éloigné des compositions d’échelle héroïque de Michel Roudnitska pour DelRae. D’ailleurs, Mythique est tellement discret dans sa retenue aristocratique qu’il semble presque taciturne – il est vrai que les meilleurs parfums à l’iris sont assez distants, sauf si on leur ajoute une dose de pêche (le légendaire Iris Gris de Jacques Fath), de néroli (le ravissant Iris Nobile d’Acqua di Parma) ou de… chocolat blanc (le curieusement comestible Iris Ganache de Guerlain).

Pourtant, Mythique n’est pas froid à la manière de l’Iris Silver Mist de Serge Lutens. Son caractère énigmatique et androgyne – qui évoque en effet la déesse éponyme de Diane de Poitiers, la Diane chasseresse – a la chaleur et la souplesse d’une peau au grain serré. Des notes de tête hespéridées (mandarine et bergamote), et les facettes fruitées, rosées, un peu alcoolisées et musquées de l’Ambrettolide, éclairent l’iris au départ.

Mais ce qui est vraiment intéressant, ici, c’est la façon dont la facette cuirée de l’iris est subtilement intensifiée par l’utilisation d’un matériau déjà rencontré, par exemple, dans le Daim Blond de Serge Lutens : le Suederal (qui n’est pas listé par le dossier de presse).

Curieusement, cette note de daim semble agir comme un silencieux : elle assourdit les autres accords de telle sorte qu’ils restent très près de la peau (un effet confirmé par Octavian Coifan, qui a réalisé des expériences avec ce matériau).

Il en résulte une fragrance presque dénuée de sillage, qui gaine la peau aussi étroitement que le gant le plus fin. Ce daim pâle et velouté est rebrodé des fines vrilles vertes du lierre et de pivoines miniatures – la pivoine présente aussi des facettes vertes de muguet et de rose… La base de patchouli ajoute une doublure sombre et camphrée qui semble irradier à travers la minceur de la peau ; le santal intensifie la sensation de souplesse crémeuse. La concrète de jasmin sambac figure aussi parmi les matériaux listés, mais elle ne m’est pas extrêmement perceptible. En revanche, je décèle la rondeur amandée de l’héliotropine – qu’elle soit présente ou non, l’accord ajoute à la texture tendre, souple et intensément tactile du parfum. Mythique est une composition que l’on peut presque caresser du bout des doigts – aussi digne et mélancolique que le souvenir d’une dame du temps jadis.

Image: Diane de Poitiers, François Clouet (1571).