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dimanche 19 octobre 2008

La Grande Bulle Blanche et Verte





Aujourd’hui, Octavian du blog 1000fragrances m’a fait sentir la carte parfumée glissée dans le dernier numéro de Bloom, a horticultural magazine, publié par la grande prêtresse des chasseurs de tendances, Li Edelkoort.

Merveille, composé par un parfumeur anonyme des laboratoires Givaudan, est un ravissant parfum abstrait à la fois floral, fruité, aquatique, minéral et herbacé, qui produit une impression saisissante d’espace et de fraîcheur.

Après en avoir discuté un bon moment avec O., et l’avoir senti à plusieurs reprises, j’ai cru le reconnaître. Non qu’il existe dans la nature – ce n’est pas le cas. Ou qu’il existe déjà un parfum semblable – il n’y en a pas. Mais Merveille traduit presque parfaitement ce que j’appelle depuis un petit moment la Grande Bulle Blanche et Verte.

Je retrouve la Grande Bulle Blanche et Verte dans plusieurs compositions ces derniers temps. Elle répond selon moi à un problème de structure en parfumerie : comment créer de l’espace entre les notes ; leur donner le temps de se rejoindre sans se bousculer ; leur aménager un espace de respiration.

Jadis, les aldéhydes remplissaient une fonction similaire : ils brassaient des notes qui auraient pu, autrement, sembler lourdes et huileuses. Les notes florales vertes placées au cœur de plusieurs parfums – le muguet et la jacinthe, par exemple – ont aussi traditionnellement servi de médiateurs entre la tête et le fond d’un parfum (le Miss Dior vintage en fournit un bon exemple). Les notes ozoniques-aquatiques ont aussi souvent rempli cette fonction, mais elles sont trop rebattues maintenant pour qu’on y ait recours telles quelles (bien que le nouveau Fleur de Liane de Bertrand Duchaufour pour L’Artisan Parfumeur tente d’insuffler une seconde jeunesse à l’école Eau d’Issey/Cool Water).

Dernièrement, j’ai souvent repéré la GBBV. Le nouvel Exclusif de Chanel, Beige, la place au cœur de son accord frangipanier-miel-musc ; N°5 Eau Première l’instille en dose discrète ; rétrospectivement, je l’ai reconnue dans Allure et Coco Mademoiselle. Je la décèle dans le néo-chypre de The Different Company Sublime Balkiss (mais ce pourrait être le bourgeon de cassis). Elle est plantée au beau milieu des Light et Floriental de Karl Lagerfeld. Le très exclusif Pure Distance 1 d’Annie Buzantian est pratiquement de la GBBV à l’état pur, boostée de fleurs blanches et de mimosa. Mais n’importe quelle virée chez Sephora vous permettra de la débusquer un peu partout dans les flacons, comme la lettre volée d’Edgar Allan Poe, tellement en évidence qu’on n’arrive pas à la voir.

La Merveille de Bloom est de la GBBV à l’état pur : l’idéal platonicien de l’espace en parfumerie. Au paradis, ce serait l’odeur du Febreze, si les anges avaient besoin de Febreze après des battements d’ailes frénétiques.

Image: Impact d'un choc sur une bulle d'helium dans de l'air, courtesy CMAP Polytechnique.

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