La phrase revient souvent dans le métier lorsqu’on discute d’un nouveau produit ou d’un produit en cours de développement.
« C’est une odeur, pas un parfum » signifie qu’il n’existe pas de pont entre la composition et la peau. C’est, par exemple, le critère qui distingue les parfums à porter de Frédéric Malle de ses parfums d’ambiance: plusieurs de ces derniers sont des soliflores très réalistes, travaillés à partir de captures headspace. Comme il n’est pas nécessaire de remanier la structure du parfum « naturel » du gardénia, du muguet ou du lys pour accentuer (ou intégrer) les éléments qui marieraient le parfum à la peau, les parfumeurs peuvent réussir des effets beaucoup plus réalistes. Composer un soliflore réussi et original pour la parfumerie alcoolique requiert beaucoup plus de travail, s’il s’agit de rendre des effets aussi naturels sans recourir à des notes traditionnelles.
« C’est une odeur, pas un parfum » peut aussi signifier qu’une composition sort à ce point des sentiers battus, c’est-à-dire des codes de la parfumerie, qu’elle est difficilement reconnaissable en tant que parfum. Je l’ai entendu dire de la Treizième Heure de Cartier ou des Filles en Aiguilles de Serge Lutens, par exemple, bien que ces deux produits plaisent à plusieurs personnes, qui donc les portent : plus récemment, au sujet de cet OVNI minéral-animal qu’est le M/M Ink de Byredo.
À l’évidence, ce qui distingue une « odeur » d’un parfum est souvent une question de curseur personnel. J’ai rédigé il y a plus d’un an une note du style « je ne veux pas porter une odeur de lieu ». J’ai depuis ravalé mes paroles – comme le disait Baudelaire, « parmi l’énumération nombreuse des droits de l’homme que la sagesse du dix-neuvième siècle recommence si souvent et si complaisamment, deux assez importants ont été oubliés, qui sont le droit de se contredire et le droit de s’en aller. » Il n’en reste pas moins que si je raffole des parfums d’Olivia Giacobetti pour Iunx, par exemple, il y en a plusieurs dans lesquels j’adorerais vivre, mais que je n’ai pas envie de porter. Point de vue complètement personnel, que je ne ferai aucun effort pour défendre, et qui est susceptible de changer demain.
Néanmoins, certains matériaux et accords sont plus amoureux de la peau que d’autres, et pas seulement dans le registre le plus évidemment animalisé (cuir, castoréum, notes ambrées, muscs, civette, miel…). On considère en général que si les fleurs blanches font écho à la chair humaine, c’est via les indoles, et c’est juste, mais pour moi, le secret réside dans leurs lactones, dont les effets fruités-laiteux-huileux rappellent la peau et le cuir chevelu. Les lactones pêche (aldéhyde C14), coco (aldéhyde C18) et assimilées jouent le même rôle. Ainsi d’ailleurs que tout ce qui est un peu cireux/huileux : les facettes « bougie » des aldéhydes aliphatiques, les facettes grasses du beurre d’iris (l’acide myristique, qu’il partage avec les huiles essentielles de carotte, de coco ou de muscade). Le costus avec ses relents de cheveux sales et de peau de mouton (on utilise désormais une reconstitution car l’usage du produit naturel est interdit).
Certains matériaux produisent des effets de sueur qui se marient bien à la peau : le cumin, bien évidemment, mais aussi le santal (avec des effets laiteux/fumés), ou, pour moi en tous cas, le vétiver. Plusieurs résines et baumes effleurent ce registre : encens, myrrhe, tolu, styrax… En fait, les matériaux amoureux de la peau sont innombrables (même si, grâce à l’IFRA, leur nombre décroit tous les ans). Tout est, bien évidemment, question de savoir les utiliser, mais aussi de notre propre perception – si d’autres notes nous les rendent trop étrangers, ou les éloignent par trop de notre conception de ce que doit sentir un parfum, l’effet sera raté.
La femme qui nous a appris ce qu’un parfum-parfum devait sentir, c’est-à-dire la très avisée Gabrielle Chanel, avait raison lorsqu’elle proclamait -- citation sans doute apocryphe, mais qu'importe? -- « Une femme doit sentir la femme, pas la rose. » À moins que l’on remanie cette rose pour la greffer sur la peau. Refléter les beautés de la nature ne suffit pas : l’artifice est essentiel, ce qui nous fait revenir en terres baudelairiennes… C’est pourquoi une capture headspace, quelque belle qu’elle soit, ne retombera jamais en brume odorante sur nos cheveux, nos épaules et nos seins…
À vous, maintenant : qu’est-ce qui distingue pour vous une odeur d’un parfum? Et quelles sont les notes qui se marient le mieux à votre peau?
Illustration d'Irving Penn
Denyse, pourrais-tu STP expliquer ton revirement vis-à-vis de Serge Noire / parfum de lieu ?
RépondreSupprimerEn effet, alors que je considère ce parfum comme l'un des plus aboutis de Serge Lutens et que je l'admire, j'ai aussi du mal à le porter...
J'ai aussi le même ressenti que toi avec les parfums IUNX
Il me semble que cela n'a rien à voir avec l'interaction matériau / peau mais plutôt à notre expérience, notre vie avec le, les parfum(s) qui nous fait écarter tout ce qui serait trop trivial trop réaliste : dans mon cas les lieux, l'alimentaire... L'Heure Mystérieuse que je trouve magnifique sur une touche ou sur mon poignet peut aussi si je la porte "vraiment" me "submerger" à un certain stade de la journée par ses relents d'église froide.
Est-ce une forme de conservatisme lié à un goût pour des formes dites classiques, peut-être ?
Thierry, je n'ai pas parlé de Serge Noire mais de Fille en Aiguilles... Dans le langage professionnel, ce sont les deux aspects, rapport avec la peau et accords trop éloignés des codes parfum qui sont évoqués.
RépondreSupprimerJe pourrais dire simplement que mes références changent, et continueront de changer, quant à ce qui peut être un parfum? C'est un peu comme une nouvelle chanson qui ne nous plaît pas forcément au premier abord parce que nous ne la reconnaissons pas, et que nous nous surprenons à fredonner...
Très beau sujet...
RépondreSupprimerPour ma part, l'odeur à une forme de simplicité et d'évidence (référence à des odeurs existantes, naturelles ou artificielles). Le parfum est une composition plus abstraite. Je ferais la comparaison entre la forêt sauvage et le jardin à la française. Dans le second cas on est toujours dans du végétal mais la main de l'Homme apporte une structure intelligible et stylisée. Il est vrais que Fille en Aiguilles peut paraître très réaliste au point de quitter le domaine du parfum de peau, il n'est plus un bijou mais presque une pierre brut mais pour moi c'est tout l'intérêt de ce parfum remarquable.
Pour rester sur cette dernière image, je dirais que le parfum est une odeur travaillée comme un tailleur de diamant travaille une pierre brut pour en garder les parties les plus nobles et révéler toutes ses qualités. Pour l'Heure Mystérieuse, je note que l'idée d'un parfum corporel avec une odeur de fumée peut paraître étrange si on considère qu'a l'origine la combustion de matières odorantes était en majeure partie destinée à des lieux tels que des églises ou des temples. Peut être s'agit-il d'une forme de sacralisation de l'égo élevé au rang d'objet de culte ou de religion... ?
Bonjour
RépondreSupprimerAu départ les matières et les compositions de matières étaient brulées tant pour le sacré que pour l'utilisation profane. Les femmes se parfumaient en mettant leurs vêtements et leur peau au dessus de la fumée parfumée. Par la fumée, on se parfumait...rien à voir avec l'odeur de fumée, fumet !
Quelle est la définition du mot odeur et du mot parfum exactement ? Merci
On entend parler du meme probleme dans tous les domaines artistiques. La Haute Couture francaise est "importable" alors que les couturiers italiens plus conventionnels font un triomphe depuis de nombreuses annees aux Etats-Unis. Dix mille fois plus de chance de voir defiler les robes de Donna Versace et d'Armani sur le tapis rouge des Awards de l'industrie hollywoodienne que celles de Franck Sorbier. De meme, J'imagine mal les actrices americaines se parfumer en Miel de Bois ou avec L'Heure Mysterieuse (que j'adore), en revanche je suis pratiquement certaine qu'Isabelle Adjani reste toujours fidele a son parfumeur fetiche, Serge Lutens.
RépondreSupprimerMadiel, et pourtant... Fille en Aiguilles montre des facettes fruit confit qui se marient avec la peau. Et comme le souligne le commentaire ci-dessous, la fumigation du corps et des vêtements par les matières odorantes à brûler est pratique courante depuis des millénaires... L'encens a *toujours* été détourné du sacré vers la parure. Mais je ne dirais pas que c'est l'ego qu'on sacralise: c'est l'être qu'on "connecte" à l'un des parfums les plus archaïques.
RépondreSupprimerAnonyme, ma note faisait écho à quelque chose que j'entends beaucoup dans l'industrie du parfum. La distinction ne recoupe pas forcément celle entre les parfums d'ambiance et les parfums alcooliques, d'ailleurs, mais c'est celle qui est faite par Frédéric Malle pour distinguer ses deux lignes de produits.
RépondreSupprimerQuant aux définitions... C'est un peu long si je m'en réfère à mon Robert historique, mais "odeur" a jadis été synonyme de "parfum" avant de se référer à l'impression olfactive...
Uella, j'ai vu Isabelle Adjani acheter Sexy Angélique d'Honoré des Prés... donc pas 100% fidèle!
RépondreSupprimerLa distinction entre ce qui est jugé "importable" et les créations plus conventionnelles de la haute couture pourrait en effet s'appliquer. "Ce n'est pas un parfum, c'est une odeur", dans l'industrie, pourrait bien être un commentaire sur ce qui est commercialisable ou pas.
et moi je l'ai vu acheter après l'ondée, c'est-dire si cette femme-là sait changer de camp !
RépondreSupprimerIl est vrais que les compositions de matières destinées à la fumigation étaient aussi à usage médicinal ou rituel (fêtes religieuses, mariages, naissances...). Il ne s'agit pas uniquement de parfums destinées à des lieux (vous avez raisons). Mais sans parler de fumée ou de fumet, une note pyrolytique caractéristique se retrouve dans ces substances contrairement à celles mélangées à des corps gras destinées aux soins esthétiques ou de manière plus évidente, au plaisir du parfum.
RépondreSupprimerAnonyme, Isabelle Adjani fait donc partie des amoureux du parfum... On ne peut que l'en aimer plus.
RépondreSupprimerMadiel, ce qui est intéressant de noter, c'est que toutes ces notes brûlées font florès dans la parfumerie alternative, au point qu'oud, encens, cuirs relèvent désormais des codes olfactifs "niche".
RépondreSupprimerC’est très juste. Comme si les grandes marques attachées à des impératifs commerciaux se devaient de défendre l’option hygiéniste du parfum alors que les électrons libres assument le retour d’un atavisme libéré entre autres par l’entrée sur le marché de pays à la culture olfactive différente de la culture Anglo-saxonne à laquelle il était jusque là essentiel de plaire à l’aide de notes fraîches.
RépondreSupprimerMadiel, les autres cultures peuvent être une inspiration plus directe... mais je crois que les codes sont destinés à plaire à des gens comme nous.
RépondreSupprimerEn ce qui me concerne, je ne connais pas les standards développés ici par Carmen et contenterai donc de reprendre le raisonnement par analogie qu'Edmond Roudnitska a développé dans Une vie consacrée au parfum (entre autres): une odeur, au même titre qu'une couleur ou qu'une note de musique, est l'un des éléments constituant une composition harmonieuse et aboutie, en l'occurrence un parfum. Cependant, une odeur a ceci de plus complexe qu'elle est elle-même composée de plusieurs odeurs/molécules, ce qui fait que deux odeurs de rose peuvent être bien différentes. Bref, un "do" sera toujours un "do" - quelle que soit l'oreille qui l'entend - alors qu'une odeur n'a pas ce caractère absolu; elle a avant tout un pouvoir d'évocation.
RépondreSupprimerUne odeur est spontanée, elle n'a pas le caractère pensé et réfléchi du parfum, qui lui est censé comporter l'empreinte de l'artiste sur la matière.
Voilà pour l'aspect conceptuel.
Reste que pour les parfums dits "abstraits", comme M/Mink ou Sécrétions Magnifiques, ils s'écartent totalement des parfums habituels et des odeurs employées mais ne sont pas des odeurs au sens où ils ont une architecture construite et pensée. Le fait qu'ils soient portables ou non est une question de goût selont moi.
Juliette, lorsque j'entends cette remarque dans l'industrie du parfum elle ne s'applique pas aux odeurs "trouvées". Sûrement le critère est, sinon subjectif, du moins fondé sur une connaissance et une culture du parfum - celles-ci peuvent varier selon les locuteurs et les intentions de la marque. Les préoccupations d'ordre commercial interviennent certainement. Mais lorsque tel grand parfumeur, en me parlant du développement de tel soliflore, me confie qu'une première version était saisissante de réalisme mais ne donnait pas de bon résultats sur peau... Je me demande quel petit plus a rendu la version finale aussi sublime. Et il s'avère que l'odeur a dû être "trafiquée" pour accentuer ces fameuses "notes qui aiment la peau". ER n'a sans doute pas procédé autrement pour Diorissimo.
RépondreSupprimerC'est drôle que vous mettiez cumin et santal sur le même plan, l'effet sueur sur la peau. Le santal est pour moi un des parfums les plus "transportant", à la fois au sens voyage et aux sens des transports amoureux...
RépondreSupprimerLe cumin, bah c'est tout l'inverse. En cuisine je m'en délecte. En revanche dans El Attarine je ne l'apprécie que le nez sur le flacon, quelques gouttes sur ma peau me rebutent absolument. Ce Lutens-là, je n'ai jamais pu l'apprivoiser et d'ailleurs j'ai fini par m'en débarrasser !!(incroyable de ma part pour un Serge Lutens). Je ne trouve pas qu'il sent mauvais mais il m'est importable. C'est au-delà de l'incompatiblité, de l'effet de malaise physique par exemple que me provoque Opium, grandissime parfum(le vrai Opium, pas la Belle d'O. bien sûr!)que j'apprécie pourtant... loin de moi !
Non El Attarine, quand je le porte, je ne trouve pas que je sente mauvais, j'éprouve autre chose qu'être parfumée... Bizarre.
Faudrait-il pour autant le rétrograder de parfum à odeur, sous réserve que j'aie bien compris votre billet...
De ce peintre, j'apprécie le travail mais cependant je n'achèterais rien de lui car je ne m'imagine pas vivre avec un de ses tableaux sur mes murs... Il n'en reste pas moins que je continuerai à qualifier ses peintures d'oeuvres d'art.
A mon sens, un parfum importable reste un parfum. Et un parfum après tout peut aussi être un parfum d'ambiance, pour la maison. Au sens du "per fumare" premier, ce qu'on faisait brûler en hommage des dieux, un parfumage d'atmosphère...
alizarine
Alizarine, je ne mets pas le cumin et le santal sur le même plan, bien évidemment: s'ils ont une facette qui évoque la sueur, c'est de manière très différente, dans le santal c'est juste un petit aspect de l'odeur.
RépondreSupprimerAprès, que l'on puisse considérer qu'un parfum est importable pour soi -- même réaction de ma part, d'ailleurs, sur Opium -- ne veut pas dire qu'on le rétrograde, comme vous le dites justement au sujet des peintres. Là, c'est vraiment personnel, question de connotations et de perception où la note qui nous met mal à l'aise prédomine.
Reste qu'il est intéressant de s'interroger sur ce critère apparemment assez souvent utilisé dans le métier: là, je n'ai pas la réponse, que des hypothèses.
C'est peut-être justement ce qui est intéressant dans votre texte, vous n'apportez pas de réponse et vous nous faites d'autant plus nous questionner. La frontière entre odeur et parfum est forcément subjective,_ tout comme la notion de bon ou mauvais parfum_ mais effectivement, tout réfléchi (<mea culpa, mea maxima...) elle existe !
RépondreSupprimeralizarine
Isabelle A. doit vraiment adorer changer de parfum car au cours des derniers mois, je me souviens avoir lu dans plusieurs interviews qu'elle portait "Lys Carmin" de Van Cleef et ailleurs "Une Rose" de Frédéric Malle et encore ailleurs un Tom Ford! :-)
RépondreSupprimerAlizarine, oui, la différence entre un bon et un mauvais parfum existe -- ce n'est pas ce qui nous plait ou ce qui ne nous plait pas, il y a des critères objectifs. Mais entre parfum et odeur... Mystère.
RépondreSupprimerAnonyme, alors là, Isabelle A., elle est définitivement à ranger parmi les nôtres...!
RépondreSupprimer« On odorise pour enlever l’identité des choses. Il y a une fuite devant les odeurs qui est devenue terrifiante. La laine doit sentir la laine, le bois, le bois, le cuir, le cuir, les lieux d’aisances doivent sentir l’eau et non pas la lavande.
RépondreSupprimerJe ne peux plus supporter les gens qui brûlent des bougies partout, qui mettent des bombes désodorisantes dans la cuisine, les toilettes. Ils sont sans arrêt en train de se débarrasser de la réalité des odeurs et de leur propre mémoire. Ça affaiblit beaucoup l’odorat et notre connaissance du parfum qui ne peut pas exister dans ce monde-là, dans ce mensonge olfactif permanent ».
Serge Lutens
Uella, ce propos de Serge Lutens, qui est très juste, il l'a tenu pour le lancement de L'Eau Serge Lutens... pas forcément mon préféré, mais bon. C'est aussi le propos d'un homme qui a fait en sorte d'être confronté le moins possible, je suppose, à la promiscuité olfactive de certains lieux à l'usage du public, qui ne sentiraient pas l'eau même sans pschitts au muguet! Là, tant qu'à faire, je préfère encore le muguet synthé-toc.
RépondreSupprimerBonjour!
RépondreSupprimerMerci pour ce sujet très intéressant. Mon intérêt pour l’univers du parfum est très récent. Ce que j'aime dans Grain de Musc, c'est votre manière de donner corps au parfum, un corps je dirais... social au sens le plus large), qui à la fois comprend et dépasse la simple dimension olfactive. Alors merci !
Pour apporter une petite contribution, un point de vue de néophyte que je soumets à votre indulgence, et à celle des participants, je me demande si le parfum ne serait pas une odeur au service de nos intentions et de nos attentes... J’imagine une odeur qui serait auréolée d'une cause à défendre, une odeur… porte-étendard. Je me demande si un parfum, parce qu’il est précédé ou suivi d’intention (dirigé vers soi, et pour/malgré /contre autrui), n’aurait pas toujours quelque chose à prouver, à dire, à offrir ou à… taire. Alors qu’une odeur est … là, comme une présence évidente, se suffisant à elle-même . Ce qui s’y reflète, ne serait pas une intentionnalité mais un phénomène (je ne sais pas si c’est bien clair tout ça). Bien sûr cela ne signifie pas qu’une odeur soit dénuée d’intérêt ou n’ait rien à nous suggérer. En fait, c’est une vision qui n’est pas loin de concevoir odeur et parfum comme des stades (pas au sens évolutionniste), des variations solidaires dans ce registre complexe qu’est le « senti »... Bien sûr tout cela étant le fruit de mes divagations, ce message s’autodétruira dans 10 secondes:). Ah ! Mais quelle question quand même!
Au clavier, j'écris toujours un peu trop vite, seul le manuscrit est au tempo de ma pensée, c'est un défaut... Je me suis mal exprimée, évidemment je suis d'accord avec vous, il existe une différence indéniable, objective, entre un bon et un mauvais parfum. Mais entre un parfum qui me plaît et un autre qui me repousse, la frontière est ténue et fluctuante(au fil du temps et des circonstances), hypersubjective. Je voulais donc dire bon et mauvais en ce sens, à vue de (mon)nez.
RépondreSupprimerEt là où ça se complique c'est quand j'ai un faible pour un parfum pas très bon... Hum j'avoue tout, Belle d'Opium me plaît bien. (j'ai TRES honte..... J'ai peur même d'être bannie de ce site:-(()
La citation de Lutens m'est connue et j'y adhère à 1000%. Pour les lieux d'aisance, c'est juste que hum, parfois le muguet est un pis aller. Mais l'eau de javel "dans le temps" sentait l'eau de javel et c'était une vraie odeur de propre, bien préférable à tout parfum de pinède-gardénia-jasmin-des-garrigues! [Tiens là, odeur vs parfum prend un autre sens)
Il y a certains déos(masculins) que je sens dans les transports en commun et qui me font toujours me dire que l'odeur de transpiration serait préférable.
Cette façon de tout et partout odoriser, c'est l'équivalent de la sonorisation omniprésente, ce qu'on appelle "musique d'ascenseur"
alizarine
Anonyme, c'est une distinction vraiment intéressante. Le parfum me dit, me déclare, je peux y ajouter mon histoire, tandis que l'odeur, quelle qu'en soit la sophistication, d'ailleurs, est en quelque sorte intransitive: elle n'a besoin ni de mon corps pour la porter, ni de mon histoire pour advenir.
RépondreSupprimerOn pourrait aussi soulever la question de l'intention: la mienne? Celle du parfumeur? Le parfumeur n'est-il pas ce qui se produit lorsque ces deux intentions se rencontrent?
Alizarine, ce qu'on écrit sur le net n'est toujours qu'un brouillon! Pour le reste... D'accord sur tous les points sauf un, évidemment, mais ce n'est pas un motif de bannissement, on a tous des amours pour des bluettes... Ce n'est pas bien méchant!
RépondreSupprimerCarmencanada, c'est un texte que j'ai sauvegarde il y a des annees, Serge Lutens se confiait a Annick Le Guérer.
RépondreSupprimer..."débarrasser de la réalité des odeurs et de leur propre mémoire" j'adhere totalement a ce propos!
Il y a encore une trentaine d'annees les gens n'utilisaient pas autant de produits odorisants/desodorisants, tres jeune, je me souviens de penser que chez un tel la maison puait le renferme, ailleurs ca sentait le cirage etc. Aujourd'hui les gens aseptisent les lieux avec des odeurs generiques que l'on retrouve partout, le muguet qui envahit les toilettes de restaurants a Manhattan c'est le meme qu'en Suburbia.
Bonjour bonjour,
RépondreSupprimerje vous lis assez souvent, suis toujours séduite de vos commentaires, idées, fantasmes, explications et analyses en tous genres. La question d'aujourd'hui me pousse au commentaire.Je m'y risque.
Pour moi, et donc ça n'engage que moi, on a envie de sentir sur quelqu'un quelque chose que ce quelqu'un est susceptible exhaler par lui-même.En plus, en mieux.Une peau peut sentir le réglisse, le tissu, la cannelle, le miel e tutti quanti. L'art de la parfumerie consiste à embellir, facetter donner du volume et du fantasme à cette odeur rêvée du corps ou de l'être tout entier. Cheveux, vêtements, peau, mouvements, humeurs, etc...Si l'on applique une odeur comme un masque sur un individu, le voilà en disharmonie, en perte d'identité, en mascarade, en désincarné. Et ça arrive parfois avec des parfums très parfums, reconnus et tout et tout.
Nos parfums sont si grimaçants parfois qu'ils nous trahissent.
Réapprenons la musique infiniment subtile et diverse des peaux et des êtres, là se trouve pour moi le secret des belles inspirations.
Uella, je connais bien ce texte car le livre d'Annick LeGuerer fait partie de mes ouvrages de référence, tu t'en doutes bien. Mais je persiste et signe, je préfère le muguet à la merde, même si à la maison, ce serait plutôt jasmin ou fleur d'oranger dans cette pièce dont la fenêtre est hélas trop difficile d'accès.
RépondreSupprimerCela dit, en effet, le vacarme olfactif devient de plus en plus assourdissant...
en bref, je me relis et crains de ne pas être assez clair, un parfum peut s'appeler parfum et aimé e^tre porté -et senti sur d'autres humains- quand il nous rappelle que c'est un être humain. S'il le travestit en élément marin, végétal ou autre ça devient une odeur.
RépondreSupprimerEn deux mots : si le mouvement est de la peau vers l'odeur, c'est un parfum, si le mouvement est de l'élément extérieur vers la peau, c'est une odeur.
Euhh, je sais pas si c'est encore très bien dit...
Carmenca, bienvenue! Votre pseudo me flatte même si ça me fait un peu drôle de répondre à 60% du mien... Enfin, non, vous êtes claire, rassurez-vous: c'est un peu ce que je disais au sujet du pont avec la peau, il faut quelque chose qui en effet la prolonge, s'y marie...
RépondreSupprimerMais même un parfum qui comporte ces notes qui aiment la peau peut être une mascarade, comme vous dites. Ou une espèce de symptôme.
Et re: si si, c'est bien dit!
RépondreSupprimerdésolée.Prénom de ma grand-mère, début de mon nom, j'ai pas réfléchi...
RépondreSupprimer60%
Carmenca: pas grave! Moi c'était un surnom qu'on me donnait en Andalousie...
RépondreSupprimerCarmencanada, merci beaucoup d'avoir répondu à mon commentaire. Vous dites "intransitif", c'est peut-être le mot qui saisit le mieux ce que je voulais exprimer au sujet de l'odeur. L'idée du parfumeur comme produit par la "rencontre" des intentions, je pense, complète ce point vue. Avec quelques précautions peut-être: rencontre n'est pas harmonie (le fait d'hésiter devant ou ne pas aimer un parfum le disqualifie-t-il comme tel?). Cette rencontre est contingente donc évolutive (nos humeurs, les saisons, les tendances... bref nos "contextes" - Exemple: un parfum qu'on portait volontiers et qu'on trouve désormais daté?. Je suis aussi tenté de croire que "l'échec", en tout cas perçu comme tel, de la rencontre, serait aussi important que son dit "succès", sauf que cela raconte autre chose (?)
RépondreSupprimerBon, à force de détricoter tout ça...
Saxo
Saxo, disons que la rencontre, c'est autre chose, c'est comme l'amour -- dans toutes ses variantes, passion passagère ou durable, flirt fugace, "pas mon genre mais juste pour voir c'est comment", etc...
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