Je sais : c’est long, c’est aride, et je vous promets de revenir à la question bien plus distrayante des parfums la semaine prochaine… Mais, en attendant, voici la 2ème partie de la réponse de Stephen Weller, directeur de la communication de l’IFRA. Pour consulter la première, cliquez ici…
Nous nous y sommes attelés récemment. Il faut du temps pour qu’une organisation et une industrie se préparent à communiquer à grande échelle lorsqu’elles n’ont pas eu la nécessité de le faire auparavant. À l’avenir, l’IFRA manifestera une plus grande ouverture et communiquera de façon proactive afin de tirer les faits au clair et de réfuter des affirmations erronées fondées sur des erreurs scientifiques.
Qu’en est-il des problèmes posés par la réglementation européenne sur les substances chimiques, REACH qui, je cite « fait porter à l’industrie la responsabilité d’évaluer et de gérer les risques posés par les produits chimiques et de fournir des informations de sécurité adéquates à leurs utilisateurs » ?
Je peux vous assurer qu’il importe peu aux autorités de réglementation qu’un matériau ait été allègrement utilisé pendant des siècles sans faire de mal à personne. Leurs réglementations se fondent sur les données actuelles disponibles sur un matériau et sur les résultats d’une évaluation des risques. Lorsque les données sont erronées ou incomplètes, nous, à l’IFRA, en collaboration avec le RIFM, tentons de rectifier le tir et nous y parvenons en général. Nous ne pouvons pas passer outre le fait que certains matériaux odorants, qu’ils soient naturels ou synthétiques, provoquent des dermatites de contact chez certaines personnes. Il faut aborder ce problème pour que le parfum puisse survivre, sous quelque forme que ce soit, dans l’environnement réglementaire actuel.
Vous dites que vous n’avez pas eu connaissance de campagnes anti-parfums [S.W. fait référence à un passage de ma lettre où je suppose que ces campagnes sont essentiellement un phénomène anglo-saxon et scandinave], mais je peux vous assurer qu’elles sont nombreuses. Je ne tiens pas à reproduire leurs propos ici mais je m’y affronte tous les jours et nous faisons de notre mieux pour réagir. Il ne s’agit pas d’un problème anglo-saxon, mais mondial. Une tendance née au Canada ou en Norvège se manifestera bientôt en France et en Australie. Aujourd’hui, les réglementations sont mondiales. Tout comme le commerce et les ONG. Pour les ONG, les décisions fondées sur le risque sont insuffisantes : selon elles, nous devons désormais réglementer en fonction du danger[1]. Selon cette logique, il faudrait interdire l’eau et l’oxygène, puisque tout est dangereux, selon la façon dont on l’utilise. Cela peut sembler absurde et ce l’est dans plusieurs cas, mais le concept est porteur sur le plan politique.
J’espère avoir répondu à vos questions.
Cordialement,
Stephen Weller
Directeur de la Communication
International Fragrance Association (IFRA)
[1] La notion de danger renvoie au potentiel nocif d’une substance ; celle de risque renvoie à la manière dont le danger est géré ou maîtrisé.
Image: l'aldéhyde cinnamique (odeur de cannelle) fait partie des matériaux d'usage restreint par l'IFRA.
Si j'ai bien compris, on a rencontre l'ennemi... et c'est nous. S'il dit vrai qu'il y a des plaintes des gens partout dans le monde au sujet des parfums, et qu'ils desirent un monde sans risque, alors on est bel et bien foutu. Je vais continuer a faire mes stocks de parfums adores....
RépondreSupprimerTara, je pense qu'il parle surtout des autorités politiques et de certaines ONG et associations qui diffusent des messages très négatifs. Ces organisations ne sont pas forcément représentatives du grand public, mais quand quelqu'un cherche des infos sur internet et qu'il tombe là-dessus, c'est ça qu'il va croire.
RépondreSupprimerAjoute à cela la méfiance bien chevillée au corps que la plupart des Occidentaux (je ne peux pas parler pour les autres) éprouvent envers les "produits chimiques": l'amalgame est vite fait.
Merci Denyse,
RépondreSupprimerJe ne trouve au contraire pas du tout ces propos arides mais bien plus éclairants que les discours paranoïaques autour d'une thèse du complot des FMN !
C'est bien comme vous le notez le problème du risque qui est au centre du débat : à la fois la définition de la notion mas aussi sa gestion.
Le vrai problème me semble-t-il est "l'incapacité" de l'industrie du parfum à introduire une clause "d'exception esthétique" au même titre que l'exception culturelle permet aujourd'hui dans le cadre de l'OMC de considérer les productions culturelles comme des marchandises particulières (ex : l'avance sur recettes en France). En effet autant on peut comprendre que les produits d'entretien, les cosmétiques soient soumis à une législation de plus en plus restrictive autant si on avait réussi à donner un statut particulier au parfum de produit "inutile", mais rare, précieux, choisi pour sa beauté... la question ne se poserait pas de la même façon...
... mais hélas la frontière entre parfum et déodorant, shampooing... est de plus en plus ténue mais c'est un autre débat !
Thierry, je crois au contraire que c'est le même débat. Les divers produits dans lesquels entrent les compositions parfumées donnent lieu à des types de restrictions différentes (dosage du matériau)mais ils sont tous logés à la même enseigne réglementaire parce que pour les fabricants, cela revient au même: ils vendent des compos.
RépondreSupprimerMaintenant, que la parfumerie fine et la parfumerie fonctionnelle soient en train de se rejoindre sur plusieurs points (odeurs de gel douche dans la parfumerie fine, odeurs de plus en plus raffinées dans la parfumerie fonctionnelle), c'est effectivement un autre sujet...
Quoi qu'il en soit, comme les décideurs de l'industrie du parfum n'ont jamais considéré la parfumerie fine comme un art, et n'ont, pour diverses raisons, jamais voulu, ou réussi à la faire considérer sur le plan juridique, comme une oeuvre de l'esprit (essentiellement en ce qui concerne les plagiats), on voit mal pourquoi ils se donneraient cette peine vis-à-vis des instances réglementaires européennes. Après tout, ce qu'ils veulent, c'est vendre du jus... Et ils espèrent pouvoir continuer à le faire en "rassurant" les consommateurs.
Pour moi aussi il s'agit d'un seul et même débat, puisqu'il semble que cosmétique et parfum soient logés à la même enseigne, ce qui me parait une hérésie ! Un gel douche n'est pas une oeuvre d'art, un parfum, si. Comment un peintre peut-il produire une oeuvre sans utiliser cuivre, cobalt, térénbenthine, céruse ? (carbonate de plomb, ouhh le vilain dangereux !). Si 2% seulement de la population éternuent et se grattent l'avant-bras, faut-il pour autant priver les 98 % du plaisir de se parfumer ? Oui, je sais, c'est une question réductrice. Mais ces excès de vigilance m'agacent et me révoltent au plus haut point. Le parfum y perd toute sa beauté, son âme, sa raison d'exister, c'est le règne hygiéniste qui le tue à petit feu. Demain, que portera-t-on en guise de parfum ? De l'eau de Vittel ? C'est affligeant...
RépondreSupprimerLamarr, l'industrie n'a pas su se défendre des assauts conjugués des dermatologues et des associations, les politiques français n'ont rien fait... Après tout, c'est seulement la beauté.
RépondreSupprimerEt maintenant, il est trop tard.
Oui, comme tu dis Carmen, "seulement de la beauté", si futile, si déplacée, si vulgaire presque que ce n'est pas digne de l'intérêt des politiciens. Vive le monde laid, aseptisé, régulé, bien propret, où rien ne dépasse. Le meilleur des mondes, en somme :-(
RépondreSupprimerLamarr: et un petit coup de 1984 avec la loi Hadopi?
RépondreSupprimerLe... Must ! ;-))
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