La question a surgi au détour d’un post sur le nouvel Azzaro Couture, reformulation d’Azzaro (1975), dans le commentaire d’un lecteur (Le Critique de Parfum). J’avais promis de revenir plus en profondeur sur cette question… Voici.
Hormis pour ceux qui ont une véritable culture du parfum, et peuvent donc situer les différents styles de composition dans leur époque, la perception « datée » d’un parfum est forcément liée à des souvenirs personnels. Le parfum, ou le style de parfum en question, auront été portés par des représentantes des générations précédentes : mère, tante, grand-mère, amie de la famille… Ainsi, floraux aldéhydés comme Chanel N°5, floraux poudrés comme L’Air du Temps, orientaux comme Shalimar, chypres aromatiques comme Miss Dior ou fruités comme Mitsouko, sont perçus par certains comme des « parfums de vieille dame », du simple fait que c’est par des vieilles dames que plusieurs nouvelles générations les ont connus. En serait-il ainsi s’ils étaient sentis pour la première fois à l’aveugle ? Ce n’est pas certain.
Les cycles de mode en parfumerie ont longtemps été extrêmement prolongés : plus d’un demi-siècle pour les aldéhydés (du N°5 en 1921 jusqu’à, disons, First de Van Cleef & Arpels en 1976) ou pour les chypres fruités (de Mitsouko en 1919 jusqu’à Azzaro en 1975), pour ne citer que deux des familles les plus populaires. Ce n’est qu’au moment où l’industrie du luxe elle-même a changé de structure, avec de nouveaux business plan pour les maisons de couture désormais remorquées par leur secteur cosmétique et accessoires, et une stratégie de lancements dictés non plus par le « fait du prince » mais par les départements marketing, que les lancements ont commencé à se multiplier à un tel rythme que le cycle de vie de chaque produit s’en est trouvé dramatiquement raccourci.
Et pourquoi tant de lancements ? Parce que la valeur des actions des entreprises de luxe cotées en bourse remonte chaque fois qu’un lancement de parfum est annoncé, comme l’expliquait Barbara Hall, l’une des intervenantes d’un récent colloque sur les allergènes en parfumerie organisé à Bruxelles par l’IFRA…
Ce qui, du coup (nous y reviendrons bientôt), explique le nombre de classiques mutilés par des reformulations hâtives : il est plus rentable de sortir un parfum conforme à des réglementations de plus en plus strictes que de consacrer du temps et des ressources à rééquilibrer une composition au catalogue depuis des années – on se contente de supprimer le matériau incriminé, ou de lui substituer un matériau ayant approximativement le même effet. Pas étonnant que le parfum bancal qui résulte de cette reformulation bâclée, ayant perdu les proportions qui lui conféraient sa beauté, languisse dans les limbes des parfums « démodés »…
Dans un monde où un iPod ou un téléphone portable se démode moins d’un an après son acquisition, où les vêtements eux-mêmes sont devenus, grâce à des chaînes bon marché comme Zara et H&M, des produits périssables jetables après quelques usages, il n’est pas étonnant que la frénésie de nouveauté atteigne le monde du parfum, et qu’aussitôt un flacon vidé, on achète ce qui vient de sortir.
On peut aussi comprendre que dans ce contexte d’accélération généralisée, des compositions classiques, à la structure complexe se déroulant sur plusieurs heures, soient rejetés en faveur de jus aux notes de têtes flatteuses et faciles à « lire » -- vanille ou accords fruités rendus familiers par les shampoings et les gels douche de grande distribution.
Mais justement : dans cette frénésie de lancements, seuls des parfums à très grand succès comme Angel, CKOne ou L’Eau d’Issey se vendent suffisamment, et sur assez d’années, pour symboliser une époque – et donc courir le risque d’être perçus comme « démodés » par la génération suivante. Et encore… Ce n’est plus d’air du temps qu’il s’agit, mais de fièvre acheteuse régie par des critères de marketing plutôt que de beauté d’une composition.
Car cette idée qu’un parfum se démode n’est pertinente qu’à considérer ce dernier comme un pur produit de consommation (ce qu’il est, bien entendu) et non comme une création de l’esprit – autrement dit, une œuvre d’art… Certes, peu de nouveaux jus peuvent prétendre à ce statut, même parmi les parfums dits de niche, qui tiennent un discours de « liberté artistique » mais n’en sont pas moins, la plupart du temps, régis par les mêmes exigences marketing.
Mais, classiques, niche ou mainstream, certains parfums peuvent être considérés selon des critères semblables à ceux par lesquels on appréhende une œuvre d’art. Ainsi, Mitsouko est peut-être perçu comme démodé parce que des générations entières l’ont porté, mais personne ne peut soutenir que Mitsouko est inférieur à un néo-chypre fruité comme Sublime Balkiss (The Different Company, au demeurant excellent), simplement parce qu’il est plus ancien. L’eau d’hiver de Jean-Claude Elléna pour Frédéric Malle n’est pas meilleure qu’Après L’ondée de Guerlain qui l’a inspiré malgré les 70 ans qui les séparent.
Rien ne m’empêche d’aimer à la fois Après l’Ondée et L’Eau d’Hiver, Carnal Flower et Fracas, L’Eau Première et le N°5, tout comme je peux aimer à la fois Goya et les frères Chapman, le Bernin et Jean Nouvel, Fred Astaire et Merce Cunningham, Mozart et Nirvana. Ou, pour rester dans un registre plus futile, de porter un manteau en lamé des années 1960 sur une jupe en laine Lanvin de la collection 2001 avec un pull à col roulé en mérinos Banana Republic acheté hier, chaussée de bottes cavalières d’un modèle conçu au 19ème siècle, aspergée du Que Sais-je de Patou, fabuleux chypre fruité lancé en 1925 et réédité en 1984, pour assister au vernissage d’une exposition d’art contemporain où l’artiste joue sur des motifs de l’époque baroque.
Notre époque abreuvée d’images est précisément celle qui permet de mélanger les époques. Parce qu’aucun style n’y prédomine et que la mode ne cesse de puiser dans le passé ses éléments de vocabulaire, seule une personne qui semble figée dans la panoplie d’une décennie révolue, comme si elle n’avait rien changé au style de ses 20 ans, paraîtra démodée. Mais ce sera sa rigidité qui la démodera, plutôt que les éléments de sa panoplie. J’ai porté Shalimar à 16 ans : je ne vois pas pourquoi une fille d’aujourd’hui ne délaisserait pas son Pink Sugar pour en faire autant, si elle prenait le temps de le sentir (ce qu’elle fera peut-être, grâce à la nouvelle égérie du parfum, la sublime Natalia Vodianovna).
Que l’on considère le parfum comme une œuvre d’expression artistique à la beauté intemporelle (ce que sont, en général, les classiques qui ont survécu jusqu’au 21ème siècle), ou que l’on juge qu’une composition du passé peut être portée de façon décalée, voire référentielle (je peux aimer Habanita précisément parce qu’il évoque les garçonnes des années 20 dansant le tango, cigarillo aux lèvres), la question du démodé en parfumerie ne me semble pertinente que si l’on travaille dans le marketing.
Question de culture.
Image: Une oeuvre d'Irina Ionesco, débusquée sur le fabuleux blog d'images Femme, femme, femme.
Un article très dense qui semble vous tenir à coeur Denyse, même si ces différents problèmes ne sont pas liés à mon avis (la profusion des sorties est un phénomène relativement récent par exemple, et ne peut être responsable de cette perception des vieux parfums).
RépondreSupprimerJe précise que personnellement, je ne parle jamais de parfums "démodés" mais de parfums "datés", c'est sensiblement différent.
Car oui, les parfums sont des oeuvres d'art mais sont AUSSI des accessoires de mode.
En cela, ils sont susceptibles d'être marqués par le temps.
Je ne vois pas où est le problème d'ailleurs. Le fait qu'une oeuvre d'art, quelle qu'elle soit, soit immédiatement assimilable à une époque, ou un courant artistique n'est absolument pas péjoratif.
Exempter les parfums de ce genre de critique, c'est une fois de plus les mettre sur un pied d'estale, une fois de plus les mettre en odeur de sainteté perpétuelle.
Exactement le contraire de ce que je me délecte à faire avec mon site.
Enfin, je trouve que c'est aussi ridicule de décrire les parfums gourmands (qui me tiennent à coeur et que je défendrai toujours) comme des parfums "faciles", que de parler de parfum de "vieilles".
Mêmes raccourcis, même étroitesse d'esprit.
J 'estime que tout ne se vaut pas et cela dans tous les domaines. Pink Sugar et Tihota ne joueront jamais dans la cour des grands de l 'Histoire de la parfumerie.
RépondreSupprimerJe l 'ai ecrit dans la section anglophone, certains parfums sont effectivement dates, bien souvent a cause de reformulations outrancieres et mediocres, la qualite des matieres premieres et leur execution ne permettent pas de maintenir l 'intemporalite de ces joyaux olfactifs.
Pour les parfums a bases de guerlinade ou encore des parfums comme le No. 5, fuir a tout prix les versions edt et edp, seuls les extraits de parfums gardent un caractere intemporel (ce ne sont pas les tuyaux d 'une experte de parfum ni d 'une fan qui se la joue "critique de parfum" avec son blog aux verites toutes faites et simplistes le tout sur a peine deux ou trois d 'experience en la matiere LOL).
Cher Elcé,
RépondreSupprimer1/Tout d’abord, merci d’avoir fourni le déclic à l’origine de ce post ! En effet, le sujet me tient à cœur, mais plus encore à l’esprit : je fais partie de ceux qui considèrent la parfumerie comme un art au même titre que d’autres arts de grande diffusion comme la littérature, la musique et le cinéma, ce qui est la pré-condition d’une démarche critique au sens premier du terme – ce que je tente, dans la mesure de mes moyens et du genre "blog", de développer.
2/ Selon mon dictionnaire,"démodé" signifie "plus de mode, obsolète, périmé", tandis que "daté" signifie "être passé de mode, être obsolète". Les deux termes peuvent donc être utilisés indifféremment.
3/ Bien sûr que l’on peut situer des parfums dans une période historique, les "dater" (c’est-à-dire "donner l’âge d’un objet"), et encore, pas toujours. Cela ne signifie pas pour autant qu’on puisse les disqualifier uniquement à ce titre : c’est d’ailleurs pour cela qu’on porte toujours N°5, Opium, Shalimar ou Eau Sauvage. Certes, ce sont aussi des accessoires de mode : mais justement, la mode actuelle ne cesse de se référer aux codes esthétiques du passé, et je ne vois pas pourquoi le parfum serait exclu de cette attitude généralisée.
4/ Le rapport entre la multiplication des sorties, la prise de pouvoir du marketing et l’abandon de certaines catégories de parfums existant pratiquement depuis la naissance de la parfumerie moderne gagnerait certainement à être explicité. En tous cas, les trois phénomènes ne datent pas d’hier : ils étaient déjà déplorés par Edmond Roudnitska il y a une trentaine d’années. C’est leur stricte contemporanéité qui me fait postuler un lien entre eux.
5/ Quant à mettre les parfums sur un "pied d’estale"… Je pense que vous avez tapé trop vite et que vous voulez dire "piédestal" ? Il m’arrive aussi, quand je suis pressée, de saisir un homonyme à la place d’un autre, mais celui-là est particulièrement créatif – je me suis demandé une seconde ce qu’était une « estale » et de quelle forme pouvaient bien être ses pieds…
6/ Pour ce qui est des parfums "gourmands", je n’ai pas utilisé ce terme, pas plus que celui de parfums "faciles". J’ai parlé de "notes flatteuses et faciles à lire". Cette catégorie, qui peut englober un peu tout ce qui comporte une note alimentaire sucrée – des compositions les plus brillantes aux plus indigentes --, n’existe d’ailleurs pas à proprement parler, notamment dans la classification établie par Michael Edwards.
Ce que je déplore en revanche, c’est le recours trop systématique à ces notes flatteuses – je pourrais faire le même commentaire sur le vin, et à propos des mêmes notes, fruits et vanille. Dans le monde anglo-saxon, le terme « vanilla » désigne le goût le plus consensuel, qu’il s’agisse de parfum de glace, de prédilections érotiques ou de produits financiers. Rien de plus beau qu’une belle vanille – que serait Guerlain sans ce matériau ? Elle peut s’intégrer aux compositions les plus somptueuses comme les plus indigentes… Je ne méprise pas dans leur globalité les parfums à notes alimentaires sucrées (j'ai fait ici l'éloge d'Hypnotic Poison, par exemple, pour ne citer que celui-là).
Câline, effectivement, tout ne se vaut pas, et les parfums ne sont pas tous à évaluer selon les mêmes critères.
RépondreSupprimerJe suis d'accord, les reformulations bâclées et radines sont souvent à l'origine d'un appauvrissement des classiques, et d'accord encore: il vaut toujours mieux acheter la concentration parfum, composée de meilleurs matériaux. Quand elle existe... On note d'ailleurs une petite résurgence (chez Hermès et Nina Ricci, notamment) de ce côté.
Bonjour Denyse,
RépondreSupprimerOui j'ai tendance à être créatif à près de 2 h du matin ;-)
Je suis enchanté et très flatté d'être à l'origine de cet article! Croyez bien que je suis le premier à déplorer les 700 ou 800 lancements annuels, tout comme je regrette la disparition de certains trésors...
Cependant, la parfumerie évolue depuis des millénaires, et ce que vous appelez "la parfumerie moderne" n'est qu'un épisode de ce qu'a été, de ce qu'est, et de ce que sera la parfumerie.
Ne nous agrippons pas à ce que nous connaissons, à ce que nous aimons, et à ce qui nous rassure.
Je vous embrasse, à bientôt!
Elcé, je vous assure que certains parfums anciens ne sont pas rassurants du tout -- Bandit peut encore inspirer la terreur! ;-)
RépondreSupprimerMais je suis d'accord, la parfumerie évolue et crée de nouvelles formes admirables -- si on peut les trouver, et s'y retrouver dans le tsunami!
Article exceptionelle, qui a un rapport avec beaucoup des amoureux de parfums. Comme toi, je vois cette idée comme une évidence des differences culturelles, associées aux memoires specifiques.
RépondreSupprimerEt je vous presente un parfum comme cas éducatif à entrer le discours: Jicky. Sent-il "moderne" parce qu'il est moderne, ca veut dire contemporain? Non. Sent-il moderne parce qu'il est lié à l'epoque moderne(les annees 1918-1940)? Non, encore une fois. Sent-il moderne alors parce qu'il est si vieux qu'on n'a pas des associations avec des gens qui l'ont porté comme un parfum personel ~à en être identifié(e)~ simplement parce que notre age ne le permet pas? Peut-être, et c'est une idée interessante à mon avis.
Pourtant, les sorties tsunami des années récentes, c'est pas une phénomène sans passé (j'avais blogé au passé mais ne peux pas le trouver maintenant!): c'est simplement que les classiques sont ceux d'entre eux qui ont passé le test de popularité. Nul firme tient ce qui ne marche plus...
Tres heureuse a cause de Que sais-je?!!
Je n'ai pas eu mon repas: beaucoup de....le premier erreur dans les livres! Ah, bien!
RépondreSupprimerChère E., j'ai justement beaucoup pensé à Jicky dans ce contexte: il est tellement à l'orée de la parfumerie moderne qu'il n'a aucun des "tics" qu'on retrouve dans des compositions ultérieures. Cependant, en France, il est encore porté, donc peut avoir des connotations pour certaines personnes...
RépondreSupprimerQuant aux classiques qui ont survécu aux années, j'en parle dans les réponses aux commentaires en anglais: effectivement, on peut estimer que ceux qui ont survécu à peu près en bon état sont toujours aimés et portés. Malheureusement, on peut se demander si, hormis quelques exceptions comme N°5 ou Shalimar, régulièrement soutenus par des campagnes publicitaires, ils sont découverts par les jeunes générations, ou tout simplement maintenus au catalogue parce qu'ils vendent juste assez à une clientèle fidèle!
Bonjour Carmencanada,
RépondreSupprimerJe suis profondément d’accord avec toi. Je considère le parfum comme une œuvre d’art et comme tel on ne peut pas l’attribuer comme démodé. Il y a beaucoup de vérités dans ton post qui ne sont pas lisibles à la plupart des gens (les lancements consécutifs et l’effet sur le marché et la bourse) et je trouve louable qu’il y a quelqu’un qui a le courage de les dire! C’est vrai aussi qu’une œuvre d’art est toujours expression de la sensibilité d’une époque et donc il est possible de trouver dans un parfum des repères qui font référence à une période déterminée. Mais aussi dans la peinture ou dans l’architecture ça arrive… D’autre part, aussi dans les vêtements fait chic porter une petite robe noire vintage de Chanel, n’est pas? Je pense que c’est la façon de porter une chose que la rends démodé ou bien l’esprit de ce qui la porte.
Antonio
P.S. J’ai eu la chance de sentir les parfums de Humiecki and Graef et aujourd’hui je me suis parfumé avec Skarb! C’est le premier que je porte.
Ciao Antonio ! Je crois que c'est la position bancale du parfum -- entre le produit de luxe et le produit industriel, entre la vision créatrice et la composition de commande régie par le marketing -- qui rend si difficile sa perception comme forme d'expression artistique, par les premiers intéressés: les laboratoires, les marques et certains parfumeurs eux-mêmes... Effectivement, l'impact d'un lancement est avant tout financier.
RépondreSupprimerEt je suis d'accord, c'est la façon de porter quelque chose qui la rend démodée: j'ai appelé cela la rigidité. Dans les commentaires en anglais, Jarvis ajoutait que certains codes trop utilisés/copiés peuvent produire cet effet (les épaulettes 80s, la note ozonique dans les parfums 90s).
Je suis contente que tu aimes les H&G: c'est une ligne qui a une véritable originalité!
quel excellent article, sujet à bien des discussions. A la mode? démodé? Je pense qu'il y a 2 mondes dans le parfum, comme dans les vêtements: la "haute couture" et le "pret a porter". La haute couture correspond pour moi a des oeuvres d'art, intemporelles (au delà des "modes"), alors que le pret a porter est plus un "objet utilitaire", un peu "kleenex", "à la mode" jusqu'a la prochaine sortie...Je pense qu'il est de même pour le parfum.
RépondreSupprimerc'est selon la façon dont nous le considerons qu'il se "mode" ou se "démode": accessoire ou oeuvre d'art. En définitif c'est nous qui avons le dernier mot, tout est dans l'oeil du spectateur.
Et peut-être un peu dans celui du créateur? Cela étant, tout le prêt-à-porter n'est pas "kleenex": du smoking d'Yves Saint Laurent aux créations de Martin Margiela, certains designs sont intemporels... Tout comme un parfum très commercial peut devenir un classique!
RépondreSupprimerTu as raison, en effet souvent je suis trop renfermé dans la tour d'ivoire de ma boutique et de mon monde et je m'oublie que le 90% de l'industrie de la parfumerie est "utilitaire".
RépondreSupprimerJ'ai donc aimé beaucoup la distinction que Vero59 a fait. Toutefois quand je pense ou je prononce le mot "parfum" je ne suis capable que de penser au luxe et au rêve...
Antonio, les parfums sont faits pour faire rêver... Quand ils sont assez réussis pour nous parler...
RépondreSupprimertout le prêt-à-porter n'est pas "kleenex": du smoking d'Yves Saint Laurent aux créations de Martin Margiela, certains designs sont intemporels... Tout comme un parfum très commercial peut devenir un classique!
RépondreSupprimerje suis entierement d'accord
sujet passionnant et excellente analyse.
RépondreSupprimerIl y a un parallèle selon moi entre les parfums et les vêtements. Des cycles, des inspirations, des hommages, et des intemporels.
Tout se qui est à la mode se démode.
Le patte d'eph était has been depuis des années, on le voit partout aujourd'hui, et il retournera aux oubliettes l'an prochain. De la même manière que un Cool Water ou un Acqua di Gio Woman, super modernes à leur sorties, sont aujourd'hui plus démodés que Eau Sauvage ou Aromatics Elixir. Car ces derniers seraient à mes yeux plutôt l'équivalent d'un beau sac en cuir vieilli, ou un manteau en cashmere vintage peut-être un peu abîmés, sentant le grenier, quelques petits trous invisibles dans la doublure, mais qui peuvent se garder éternellement.
Quelle est donc la différence entre un jean H&M et un manteau vintage ? Un parfum Britney Spears et un Vieux Guerlain ? Ce n'est pas tant une histoire de goût, d'âge ou de personnalité, à mon sens, c'est uniquement la qualité. C'est à dire le temps et l'argent consacrés à concevoir et fabriquer ce produit, c'est tout.
Jeanne, exactement: la qualité, et aussi, dirais-je, une vision artistique qui a eu le loisir de se développer, non pas en dehors des pressions commerciales (elles existent toujours, il faut vendre ou disparaître), mais de celles du marketing. C'est cette vision, captant l'air du temps, qui donne naissance à de nouvelles formes, en mode comme en parfum, d'ailleurs. Une maison comme Chanel a réussi dans ces deux domaines à capter/créer des formes durables.
RépondreSupprimeroui, la vision artistique était également inclue dans ce que j'ai nommé la qualité ;)
RépondreSupprimerChanel est un excellent exemple de marque qui a su constamment maintenir une vision artistique cohérente, en partie grâce au choix d'un parfumeur maison qui est "imprégné" de la signature Chanel, mais aussi sûrement aux compétences des équipes qui travaillent derrière lui. Comme le disait JC Ellena, chez Hermès, le marketing ne dicte pas au parfumeur ce qu'il doit faire, il doit juste accompagner le parfum afin de bien le vendre.
La vision artistique est une notion complètement déconnectée du quotidien des personnes qui gravitent aujourd'hui en parfumerie fine, dans certaines marques et maisons de parfums. De plus en plus de personnes se retrouvent à des postes stratégiques uniquement par réseau, sans avoir la moindre culture de la parfumerie, et la moindre idée de comment utiliser les meilleures ressources des parfumeurs. Mais quand on doit faire vite et pas cher, ce n'est certainement pas ce qu'on leur demande d'avoir comme qualités en priorité...
Jeanne, je n'ai pas mes entrées dans les maisons de parfumerie, mais juste à juger au résultat, on constate le manque de culture que vous signalez -- du parfum, mais pas uniquement: même la culture "maison" n'est pas forcément respectée. Chanel est malheureusement un exemple très rare. Même Jean Patou, qui a toujours, il me semble, eu un parfumeur-maison, semble ne pas savoir quoi faire de Jean-Michel Duriez et de la marque (il est désormais aussi le parfumeur-maison de Rochas): il est vrai qu'un lessivier comme Procter & Gamble n'a aucune culture du luxe. C'est très regrettable.
RépondreSupprimerMerci merci merci pour ce merveilleux post qui éxprime exactement mon ressentis!
RépondreSupprimerChère Denyse, vous avez resumé dans un article toute une philosophie de la création et conception d' un vrai parfum, hors de la mode et des tendences actuelles.
Pour ce qui me concerne, je sens un parfum plus comme une musique ou un tableau que comme une robe HC ou PAP
Anna Maria, merci !
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