Kombiner les Kapsules de Karl

Franchement, je n’ai jamais trop aimé superposer les parfums. Je me dis que le parfumeur savait ce qu’il faisait au départ – c’est déjà assez difficile d’harmoniser des notes sans ajouter des ingrédients au cocktail. Et si ce n’est pas le cas, qu’est-ce que ce truc-là fout sur ma peau ?

La dernière fois que j’ai (accidentellement) combiné des parfums, c’était Tubéreuse Criminelle sur Cuir de Russie (qui, croyais-je, s’était évaporé au bout d’une très longue journée). Mais la tubéreuse a réussi à réveiller le cuir. Doux lecteur, aimable lectrice, j’épargnerai votre sensibilité : disons que le match a été assez physique – encore que, curieusement, ça ne sentait pas si mauvais. J’avais misé sur la tubéreuse, arrivée assez fraîche dans la partie puisqu’elle avait été appliquée sur le tard. Mais à trois heures du matin, le cuir s’est mis à table et a bouffé la tubéreuse, racines comprises. Avec à peine un rot camphré-mentholé.

Depuis, je n’ai plus osé jouer avec mon kit de chimie.

Étant donné le culte quasi-pathologique du secret qui règne dans l’industrie du parfum, nous ne saurons sans doute jamais si les trois parfums Kapsule ont effectivement été conçus pour se combiner, ou s’il s’agit seulement d’une astuce des petits malins du marketing. Comme je l’ai écrit dans mon précédent post, Buxton et Coppermann, qui travaillent pour le même labo et ont déjà collaboré, se sont sans doute concertés. Mais je n’ai franchement pas le sentiment que les diverses permutations du trio apportent quoi que ce soit de nouveau, par rapport aux trois parfums individuels. Ils s’harmonisent assez bien, ce qui est la moindre des choses. Chacune des combinaisons est agréable. Mais je n’ai toujours pas décidé si les trois eaux de toilette sont très subtiles, ou un peu vagues – pas complètement sûres de leur identité, ce qui n’est peut-être pas étonnant si elles ont bel et bien été conçues pour être superposées.

En tous cas, voici les Kombinaisons des Kapsules de Karl (promis, j’arrête le jeu vaseux sur les K.)

Light + Floriental : La note “muguet” de Light et la feuille de lierre de Floriental s’inscrivent immédiatement chez les Verts, mais pas dans le courant gazon frais coupé : c’est une note fraîche, presque aqueuse (oserais-je le mot « aquatique ») qui s’en dégage, mêlée d’une fleur d’oranger absente de la très succincte liste des notes, sur un lit de musc blanc. La violette timide de Floriental sort sa petite tête au bout d’un moment et ajoute un éclat métallique au parfum.

Light + Woody : Très tenace. Encore perceptible au bout de 24 heures, et sans doute la combinaison la plus intéressante. Les épices de Light (clou de girofle et cardamome) se réchauffent encore au contact du cèdre de Woody, et virent presque à l’œillet ; les indoles du jasmin ressortent de façon plus prononcée.

Floriental + Woody : La violette de Floriental éclot et se ratatine aussitôt, en laissant une traînée pourpre sur la feuille de lierre, qui adoucit pour sa part le cèdre un peu trop fortement dosé (pour mon nez) de Woody. Le clou de girofle fait une apparition non listée au générique.

Light + Floriental + Woody : Le cèdre de Woody et le clou de girofle de Light se liguent d’abord pour étouffer les autres notes, mais la fleur d’oranger parvient à s’en tirer, entraînant dans son sillage ce qui ressemble beaucoup à la base universelle ambrée-vanillée de la parfumerie séphoresque. L’effet me rappelle confusément Gucci Eau de Parfum et, par moments, Nuit Noire de Mona di Orio, en moins opulent.

Je me rends compte en relisant ces petites notes que mon approche d’une combinaison de parfums est assez différente de celle que j’emploierais pour décrire parfum « solo » -- un peu comme si j’avais été tout le temps aux aguets, un peu méfiante, des alliances et des discordes entre les notes… Peut-être est-ce une autre manière d’appréhender l’art de la parfumerie ? Après tout, c’est sans doute à force de rapprochements logiques, d’erreurs inattendues et de mariages inespérés qu’on apprend à les composer…

À vous, maintenant : quelles sont vos combinaisons les plus réussies ou les plus désastreuses ?

Image: Défilé de Karl Lagerfeld, printemps-été 2009

P.S. Les candidatures du tirage au sort du trio de minis Kapsule se terminera mercredi 7 octobre à minuit. Vous pouvez encore laisser vos commentaires dans le post précédent, en signalant que vous souhaitez y participer.